Ces gars suivent-ils les tendances?

27 Fév 2019 par Patrick Marsolais
Catégories : Culture / Véro-Article
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Le comédien Frédéric Pierre, l’humoriste Yannick De Martino et le chanteur-acteur Claude Bégin nous ont donné l’heure juste sur leur passion – ou leur aversion – à l’égard des tendances de l’heure.

«Je suis vraiment les tendances, lance d’entrée de jeu Claude Bégin, chanteur pop, rappeur et acteur. Je m’intéresse à tout: les voitures, la bouffe, les régimes qui se contredisent, les méthodes d’entraînement, les vêtements… Je trouve ça fascinant. Petit, j’étais le genre à découdre les logos de Chaps ou de Tommy Hilfiger pour les recoudre sur mon linge générique. J’essayais d’avoir des marques partout…

– Je ne me considère pas du tout “tendance”, réplique Frédéric. Même qu’au début de l’âge adulte, j’étais volontairement à contre-courant. Aujourd’hui, je suis la mode lorsqu’elle me convient, tout simplement. En déco, par exemple, j’ai tout de suite adhéré à la tendance épurée parce qu’elle correspond à mes valeurs. Mais au niveau vestimentaire, oublie ça! J’achète mon linge sur les plateaux de tournage, parce que ça m’évite de magasiner. Je n’ai aucune idée de ce qui est à la mode. Par contre, j’ai le souci de ne pas devenir un dinosaure, particulièrement avec la technologie. Je ne veux pas que mes enfants me regardent un jour en me disant: “Papa! C’est ici qu’il faut peser…”

– Je ne suis pas non plus les tendances, affirme Yannick. Et, un peu comme Frédéric, j’ai longtemps été à contre-courant. Sauf que ces jours-ci, j’ai l’impression d’être full trendy… sans le vouloir. Par exemple, tout le monde autour de moi a une barbe, un peu comme celle que je me laisse pousser par négligence depuis des années. En plus, j’ai le feeling qu’en mode le laid est devenu tendance et que le beau est resté beau. Alors ça devient très difficile de ne pas être tendance!

– T’as raison, renchérit Claude Bégin. Avant, fallait que tu sois rocker ou mods pour “fitter” dans le moule. Aujourd’hui, l’ouverture des jeunes est totale, tu peux t’habiller comme tu veux dans les salles de cours. C’est la même chose du côté musical, d’ailleurs. À l’époque, tu devais te conformer aux tendances dictées par les compagnies de disque, alors qu’aujourd’hui, tu peux créer le style que tu veux à partir de ton laptop à la maison, puis influencer un paquet de monde grâce au Web.»

Dis-moi ce que tu manges…

S’il existe un domaine où les modes se suivent et ne se ressemblent pas, c’est bien sur le plan de la nourriture. Parmi votre entourage, vous avez sans doute un ami qui vante les vertus de la détox au jus de persil, tandis qu’un autre prétend que ce n’est qu’un piège à con destiné à vendre des livres de recettes. Bref, pas facile d’y voir clair! Si, de prime abord, je suis assez méfiant quant aux régimes miracles, force est d’admettre que j’ai devant moi des gars allumés et renseignés, qui ne craignent pas d’expérimenter les récentes tendances alimentaires.

«Dans mon band, y a un gars [ndlr: Ogden] qui est obsédé par la science de la bouffe, particulièrement le régime cétogène, raconte Claude Bégin. Il m’a appris ce que ça fait au corps de manger du pain, du riz, etc. De fil en aiguille, j’ai coupé le plus possible les carbs de mon alimentation, et je puise maintenant mon énergie dans le gras plutôt que dans les glucides. Au début, je n’étais pas si bien que ça, mais j’ai fini par m’habituer. On peut être très gourmand en suivant ce régime, avec, par exemple, du bacon le matin, des saucisses et beaucoup de beurre. Mais tu ne manges pas de pain. Et c’est effrayant parce que tu te gaves de gras, mais si tu ne dépasses pas ta portion maximale de glucides, tu vas être OK. Les gens craignent aussi pour leur taux de cholestérol, mais comme tu n’accumules pas de graisses, il n’y pas de danger. J’ai également essayé beaucoup de jeûnes, dont certains de deux ou trois jours. Ça, c’est vraiment particulier, parce que tu te mets à pisser et pisser encore, tellement tu évacues. Mais j’adore jeûner. J’ai l’impression de “reseter” mon système au complet.

– Je trouve ça intéressant de t’entendre parler de cette tendance, l’interrompt Yannick, mais en même temps, je suis un peu sceptique. Parce que pour chaque étude, on dirait qu’il y a une contre-étude. Et j’aime tellement manger que je ne suis pas certain que je serais capable de me priver de bouffe pendant quelques jours.

– Je suis assez d’accord, ajoute Frédéric. Moi, je lis des livres sur le jeûne depuis que j’ai 17 ans. J’en fais de temps à autre, mais je pense quand même qu’il vient un moment où se priver comme ça ne peut qu’être néfaste pour le corps. Ça devient contre-productif, il me semble.»

La soif de savoir

On peut certes avoir des préjugés envers ces gens avides des plus récentes tendances et penser qu’ils ont simplement envie d’être différents des autres. Mais je constate que leur soif de nouveauté est accompagnée d’une incroyable curiosité. Être à la page, dans le vent ou à la mode, c’est aussi revendiquer une démarche qui repose sur une indéniable ouverture sur le monde.

«Je suis content que tu voies ça comme ça, acquiesce Claude Bégin. J’aime ça, “vendre” certaines habitudes aux gens. Je constate que ça les anime et j’adore voir les étincelles dans leurs yeux quand j’en parle. Et ce n’est pas juste pour la nourriture. Je me souviens que lorsque j’ai eu mon premier iPhone, j’en parlais à tout le monde parce que je trouvais ça génial. Faut croire que j’ai un petit côté vendeur.»

Ah, le fameux téléphone… Combien de gens ont ri de moi dernièrement parce que je n’avais qu’un iPhone 5! À tel point que j’ai finalement cédé aux railleries pour me procurer un iPhone 8. Je n’étais pas super fier de ce geste d’ultraconsommation, mais je suis instantanément passé de papa ringard à papa mégacool aux yeux de mes trois enfants. Cela dit, vous ne me verrez jamais faire la file à trois heures du matin devant la vitrine d’un Apple Store.

«Je te comprends, assure Frédéric Pierre. Je dirais même que c’est plutôt rassurant…

– Ça ne fait pas longtemps que j’ai un cellulaire, rétorque Yannick. En fait, il m’a été imposé par mon ancienne gérante, qui était incapable de me contacter. Et honnêtement, je m’ennuie de cette époque-là. Je déteste pouvoir être rejoint à toute heure du jour. J’ai l’impression que mon travail n’arrête jamais. J’aime être sur scène et faire des tournages, mais mon cell me rappelle également que je dois me vendre. Et c’est un peu fucké, parce que d’un côté, mon producteur me suggère de faire plus de stories sur Instagram pour vendre des billets, et de l’autre, il y a ma psy qui m’incite à en faire moins… Ça me tiraille pas mal. Je veux être un artiste, pas une vedette. Présentement, on dirait que c’est rendu impossible d’être un artiste si on n’est pas une vedette!»

Être la saveur du mois ou de l’année sur Instagram, est-ce que ça n’entraîne pas le danger de devenir périmé, un jour ou l’autre?

«Clairement, convient Claude Bégin. Je pense que tout ce qui monte très vite va redescendre au même rythme. En même temps, il faut être prudent avant de crier à la culture du vide lorsqu’on analyse le phénomène des influenceurs. Ces gens-là contrôlent fort bien le médium, ce qui est déjà un signe qu’ils savent ce qu’ils font. En vieillissant, je regarde les gens plus âgés autour de moi et je les vois souvent éberlués ou frustrés par certaines tendances émergentes, notamment par les réseaux sociaux. Je vois des gens de 70 ans cracher sur les cellulaires, super aigris… Moi, par la force des choses, je suis devenu quelqu’un qui évolue dans un milieu assez jeune et je n’ai pas envie de me sentir dépassé, ne serait-ce que par simple curiosité. Souvent, quand je parle à des jeunes et que je ne comprends rien, je reste là à essayer de comprendre en posant des questions jusqu’à ce que je me reconnecte. En même temps, je n’ai jamais été aussi anxieux qu’en ce moment. Il y a trop d’affaires à assimiler. Ça tourne vite et c’est angoissant.

– C’est quand même fou ce que la techno a changé dans nos vies en un temps record, constate Yannick De Martino, ne serait-ce que dans notre mise en marché sur les réseaux sociaux. J’ai commencé à faire de petites vidéos, mais j’ai rapidement constaté que je ne pouvais pas mettre n’importe quoi sur le Web, parce qu’il y a des trucs qui ne fonctionnent pas auprès des jeunes. Il m’a donc fallu comprendre les codes et les tendances derrière tout ça. Et je dois admettre que ma carrière connaît un second souffle notamment en raison de ces partages. Malgré tout, cette tendance des views sur Instagram ou des likes sur Facebook, ça me fait capoter… dans le mauvais sens. On dirait que les gens confondent le nombre d’abonnés avec le talent réel, et je trouve ça préoccupant.»

En mode écolo

Il suffit de suivre l’actualité pour constater que la protection de l’environnement est désormais un sujet incontournable. Changements climatiques, bornes rechargeables et développement durable sont autant d’expressions qui se sont ancrées dans nos conversations au fil des dernières années. L’émergence de Québec Solidaire, particulièrement auprès des millénariaux, est un autre signe que le courant vert a la cote.

«Tant mieux s’il s’agit d’une tendance, mais pour moi, cette réflexion a débuté il y a longtemps, témoigne Frédéric Pierre. Je suis en train de me construire une maison écologique. Pas parce que c’est à la mode, mais parce que je réfléchis à ce concept de maison passive depuis une quinzaine d’années. Il suffit d’orienter la maison plein sud, d’avoir un plancher de béton qui retient la chaleur et de l’isoler au max. Il m’apparait alors clair qu’on vient de réduire notre consommation d’énergie au maximum. C’était pourtant zéro tendance en 2005. Je ne savais même pas que ça existait et que des Allemands avaient inventé le concept. Mon père faisait son compost depuis les années 80, alors j’ai grandi avec ce souci environnemental bien avant que ce soit à la mode!

– Je déteste que l’environnement soit considéré comme une mode, réplique Yannick De Martino. Parce que quand tu as affaire à une mode, il y a toujours des gens qui ne prennent pas ça au sérieux, sous prétexte que ce sont des affaires de jeunes. Chaque tendance amène son lot de réactionnaires. Comme si faire du compost devait être cool pour certains et pas cool pour d’autres. À mon avis, le compost devrait être obligatoire. On n’a pas le choix de faire attention! On est divisés dans un domaine où on ne devrait pas pouvoir l’être.»

Pour en revenir sur un plan plus terre-à-terre, est-ce que ça coûte cher d’être tendance en 2019?

«Je pense que c’est assez évident que ça requiert un bon budget, admet Frédéric.

– Je ne suis pas d’accord avec toi, l’interrompt Claude. Pour mes vêtements, en tous cas, ça ne me coûte pas plus cher. Je vais dans les friperies et c’est là que je prends le plus de plaisir à chercher des trésors. Je déteste acheter une chemise qui coûte 100 $. Par contre, lorsque je la paye 2 $, j’ai l’impression d’acheter un truc unique qui devient un coup de cœur. Tu peux suivre les tendances musicales, celles des séries télévisées et de la mode, ça ne te coûtera pas nécessairement plus cher.

– Tu confirmes que la tendance, en 2019, tient beaucoup à l’audace, renchérit Yannick. Mais il faut que tu sois allumé là-dessus, parce que je ne suis pas convaincu que les gens qui fréquentent le Village des Valeurs savent exactement ce qui est tendance. Alors ça se peut que le vêtement en question ne soit pas en display…»

Vous voilà maintenant avertis. Au boulot! Mais vous constaterez sans doute rapidement qu’il n’est pas toujours facile d’être dans le vent…

Merci au restaurant Ibérica, à Montréal, pour son accueil chaleureux

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