Oui, on écoute trop les enfants. Je sais qu’on entend sur toutes les tribunes que «l’arrivée d’Internet et celle des téléphones intelligents se dressent comme une barrière entre les individus et seraient responsables de l’incommunicabilité à l’intérieur même des familles»*. Chez nous, par contre, ça communique, même que des fois, je trouve que ça communique trop. J’ai l’impression que Véro et moi avons mis au monde trois avocats de la défense. Ça parle, ça parle, ça parle…Y a BEAUCOUP d’émotion.
Le parent doit donc écouter, comprendre, analyser… C’est pas des cours prénataux que j’aurais dû prendre, c’est des cours de psychologie. Parce que si j’ai bien compris certains psychologues: si tu imposes quelque chose à ton enfant, il va se refermer, broyer du noir, penser au suicide, tomber dans l’enfer de la drogue, se prostituer… tout ça avant la fin de son secondaire 3. Est-ce que ça se pourrait que la solution soit de les écouter un peu moins? Restreindre les choix pour qu’ils agissent et expérimentent des choses?
Tranche de vie – En septembre dernier, notre fils participait à un camp d’évaluation pour déterminer le niveau pee-wee dans lequel il allait évoluer. Après trois semaines d’évaluation, ce maniaque de hockey se taille une place dans le pee-wee A. Il atteint par le fait même l’objectif qu’il s’était fixé. Seul problème, le jeu se déroule plus rapidement qu’il ne l’anticipait et il compte pas mal moins souvent de buts que durant les années précédentes. Il accueille donc sa promotion avec un flegme peu coutumier.
– Ça va, Juju?
– Ouin…
– Certain?
– (Lui, avec la bouche molle) Ouin, ouin…
Une fois revenu à la maison, il se dirige vers le juge de paix de la résidence (sa mère) et lui annonce qu’il veut lâcher le hockey, prétextant une absence de plaisir. Sans crier gare, il sort son arme de destruction massive: il se met à pleurer. Sa formidable mère est touchée droit au cœur. «Le hockey se doit d’être amusant et récréatif, ça ne doit pas être une source de stress» plaide- t-elle. Me voilà donc au banc des accusés: j‘étais le père fou qui poussait son garçon vers son propre rêve inachevé. Parce que c’est bien évident que je crois que Justin fera partie du 1 % des joueurs de la LNH! C’est bien évident que J’ADORE me pointer à l’aréna à 8 h le lendemain matin d’un spectacle à Gatineau!
J’ai donc écouté. Comme je suis un père moderne, j’ai même fait des «hum hum» et des «je t’entends» d’écoute active à deux cennes. Après explications et larmes, j’avais déterminé ce qui me semblait être la meilleure décision pour mon fils.
«Je te comprends mon grand. Quand tu auras séché tes larmes, va défaire ta poche pis mets ta camisole au lavage parce que tu vas jouer demain.»
Douche d’eau froide. Je n’avais pas cédé au «braillage». Le juge de paix, elle, avait un autre argument pour défendre son fiston (et récupérer son mari les matins de fin de semaine):
– Dans ton film**, à la fin, tu dis à ton fils qu’il peut lâcher le soccer s’il n’aime pas ça. Une métaphore pour illustrer que l’on doit s’écouter et parfois se choisir dans la vie. Pourquoi tu ne l’appliques pas?
C’était un bon argument, mais les situations sont différentes. Notre garçon aime le hockey. Je ne lui impose pas un sport. Il est juste craintif devant l’inconnu, un comportement très normal. Pour moi, lâcher n’était donc pas une option. Parce qu’il avait devant lui un défi et qu’il devait y faire face. Il n’a aucune chance de jouer dans la LNH, mais il a la chance de se dépasser.
Justin est donc allé jouer le lendemain. Premier match de la saison, à l’étranger de surcroît, qui s’est terminé par un match nul de 2-2. Et le petit crosseur a fait une superbe passe (pas parce que c’est mon gars, mais c’était beau à voir) sur le premier but. Un jeu clé en fin de période. Après la partie, le ton avait changé.
– Pis, Ju?
– C’était super cool.
– T’es fier de toi?
– Vraiment.
– Moi aussi, je suis fier de toi, mon grand.
C’est bien d’être à l’écoute de nos enfants. Mais à ne pas vouloir les traumatiser ou les brimer, est-ce qu’on ne les enveloppe pas dans une grosse boule de ouate pour leur éviter les frustrations, les déceptions et les échecs? Curieusement, je crois que c’est justement en affrontant ces revers et ces tapes sur le nez qu’on apprend le plus. Parce que la vie, c’est un peu ça: bûcher, tomber et se relever. Prendre la voie d’évitement chaque fois qu’on trouve la pente trop abrupte, ce n’est pas une solution. On finit par ne jamais monter, juste à tourner en rond.
Sources: * n’importe quel talkshow radio ou télé entre 9 h et 11 h 30 le matin. ** le mirage, 2015, le meilleur et seul film que j’ai scénarisé.
Photo: Andréanne Gauthier
Ce billet est paru dans le magazine VÉRO Noël 2016. Abonnez-vous ici.
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