Souper de gars: haute fidélité?

29 Août 2016 par Patrick Marsolais
Catégories : Culture
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Avec Patrick Marsolais, Boucar Diouf, Phil Roy et Rémi-Pierre Paquin causent longuement de fidélité.

En arrivant au Trèfle, un pub irlandais de Montréal, je n’avais aucun thème précis en tête, plutôt une simple mise en situation à verbaliser à mes trois invités, l’humoriste-comédien Phil Roy, l’acteur Rémi-Pierre Paquin et l’humoriste et grand sage Boucar Diouf: «Votre blonde part dans le Sud avec ses copines. Comment réagissez-vous?» Une seconde plus tard, le débat s’enflammait! Compte-rendu d’une vraie conversation entre boys.

Les gars, on se ferme les yeux et on imagine la situation: il fait soleil, la mer est tout près, l’alcool coule à flots, les sourires se font complices… et votre copine est là-bas, seule avec ses amies pour fêter ses 30 ou ses 40 ans, son nouveau travail ou une récente promotion. Êtes-vous à l’aise avec l’idée?

«Moi, je n’ai aucun problème avec ça, assure Phil Roy. Surtout que le genre de filles qui m’intéresse n’a pas grand-chose à voir avec ces voyages dans le Sud tout- inclus. Je n’ai jamais trompé une fille et je ne me suis jamais fait tromper non plus. Dans mon livre à moi, ça ne passe pas ces affaires d’infidélité-là. Ça mettrait automatiquement fin à notre relation.»

«Pas moi», intervient Rémi-Pierre.

«Je dirais, moi aussi, que je suis moins tranché que ça», ajoute Boucar.

«C’est du cas par cas, nuance l’ex- membre du quatuor de la série Les Invincibles. Dans une relation à long terme, il y a des hauts et des bas et je me dis qu’il se peut que, dans une période creuse, ma blonde ait une incartade. Et je pense que je serais capable de la comprendre. Je serais même prêt à prendre une partie du blâme. Peut-être que ça avait un rapport avec le fait que j’étais moins là, moins attentif…»

«Si ça arrive une fois, je suis d’accord, renchérit Boucar. Mais si c’est répétitif ou que tu sens que ta blonde a un attache- ment pour une autre personne, c’est différent. Moi, ça fait 15 ans que je suis avec la mère de mes deux enfants. Je ne pense pas qu’un “saut de clôture” accidentel devrait mettre un terme à ce type de relation. Ce sont des choses qui arrivent. Mais je reviens à ta prémisse de départ, Patrick. Si une gang de filles part dans le Sud, moi, je me greffe à elles parce que je les connais, les Cubains: ils ne les lâcheront pas! Ce sont des dragueurs incroyables! Alors il faut vraiment que tu aies une parfaite confiance en ta blonde. Parce que parfois, avec ces gars-là, j’ai l’impression qu’un non est synonyme du début d’un oui. Ils sont très tenaces… Alors si ça devait arriver un jour, je ne penserais pas juste à moi mais plutôt à ma famille. Je ne pourrais pas tout faire exploser et recommencer à zéro à cause de ça. Ce serait de l’orgueil très mal placé.»

«Laisser ma blonde partir dans le Sud, moi, je n’aurais aucun problème avec ça, affirme Rémi-Pierre. La base, c’est la confiance en soi. Si t’as confiance en toi et en ta blonde aussi, ça va aller. J’ai déjà eu une amoureuse qui ne me “trustait” pas, qui scrutait mon téléphone, mes messages, etc. On aurait dit que ce manque de con- fiance me rendait plus jaloux. Je me disais que si elle était tellement insécure, ça cachait peut-être quelque chose… Faut que la confiance soit réciproque pour que les rapports soient sains.»

ET VOUS, MESSIEURS?

Les voyages dans le Sud ne sont pas les seules occasions de sauter la clôture, loin s’en faut! Il y a aussi les partys de bureau, les 5 à 7 professionnels, les tournois de soccer des enfants, etc. Un verre dans le nez, une confidence qui réchauffe l’ambiance, un sourire ravageur et… nous voilà soudainement bien fragiles. Si plu- sieurs restent de marbre, d’autres franchissent la barrière, tandis que certains, se sachant sensibles aux charmes de leurs collègues, préfèrent prendre leurs jambes à leur cou dès que la lumière d’urgence s’allume: «Moi, je débarrasse au plus sacrant, avoue Boucar. La fidélité, c’est un choix. Et de penser que l’homme ou la femme n’aura pas envie de zieuter quelqu’un d’autre, c’est se gourer totalement. Avec l’alcool et le reste, tout peut arriver, mais vient un moment où tu fermes la porte – ou non. Être fidèle, c’est du travail.»

«Il y a quelques années, alors que je sortais avec une autre fille, se souvient Phil, j’étais en tournage et ça a vraiment cliqué avec une assistante de production. Le soir, quand je suis rentré chez moi, je n’avais que cette fille-là en tête… et pas du tout ma copine. T’as pas idée comme je me sentais coupable… Je ne comprenais pas que je puisse avoir ces pensées-là.»

«Ben voyons donc, s’exclame Rémi-Pierre, c’est judéo-chrétien à la puissance 1000, ton affaire! Moi, au contraire, lorsqu’une situation comme celle-là m’arrive, je suis super fier quand j’arrive à la maison. Je me sens comme un warrior qui n’a pas cédé à la tentation.»

«Et est-ce que tu le dis à ta blonde?», s’enquiert Phil.
«Bien sûr… Je lui dis tout.»
«Dissidence, s’il vous plaît! proteste Boucar. Mon grand-père

disait toujours: “Si les conséquences qu’une confidence peut entraîner sont plus grandes que le plaisir que ça te procure, t’es mieux de fermer ta gueule… T’es mieux de savourer ta victoire pis de ne rien dire. Parce que sinon, les questions vont suivre et ça peut être bien long.”»

«Oui et non, rétorque Rémi-Pierre. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, je reçois plein de messages de filles qui me demandent si je suis fidèle, en y joignant des photos où elles me montrent leurs seins. Ben ces messages-là, je les montre à ma blonde.»

«Quelque part, c’est normal que tu reçoives ce genre de messages, analyse Phil. À cause des personnages que tu as incarnés, c’est un peu ça, ton branding: le gars un peu tombeur… même si je sais bien que t’es pas comme ça vraiment.»

«T’as sûrement plus cette image-là qu’un gars qui a animé Des kiwis et des hommes», rigole Boucar.

C’EST QUOI AU JUSTE, L’INFIDÉLITÉ?

Le mot est simple et, pourtant, sa définition varie selon les acteurs en présence. Le terrain de jeu est vaste. Est-ce que ça se traduit par un baiser? Un regard? L’intention de passer à l’acte? Quand au juste devient-on infidèle?

«L’infidélité, c’est la place que tu accordes à une autre personne dans ton cœur et dans ta tête, assure le résolument très droit Phil Roy. Si je pense tout le temps à une autre fille, je me considère infidèle. Mais il n’y a pas que ça. Si ma blonde me trompait, par exemple, celui avec qui elle a commis l’adultère prendrait telle- ment de place dans ma tête que ça mettrait inévitablement fin à notre relation. Je ne pourrais pas passer par-dessus ça.»

«Moi, je pense que si ce qui nous passe par la tête était considéré comme de l’infidélité, la planète serait un immense club échangiste, dit Boucar. À mon avis, l’infidélité débute avec les pas que tu fais volontairement vers l’autre. Ces premiers gestes sont toujours très réfléchis. Quand tu cherches, c’est que t’as un potentiel d’infidélité. Celui qui travaille pour la fidélité, il ne cherche pas. Et si une occasion survient par hasard, il s’efforce tout de suite d’éviter ça. En fait, mon principe est simple: si t’as pas envie d’acheter un condo, ne va pas sur les sites immobiliers.»

«Parce que tu pourrais tomber sur une visite libre», le taquine Phil.

Et comme s’il n’y avait pas déjà assez de possibilités de tromper son ou sa partenaire, voilà que la techno a ajouté au tableau, depuis une quinzaine d’années, le téléphone intelligent et les textos. Des échanges de messages qui peuvent s’avérer très utiles pour quiconque n’est pas un as de la drague, mais qui recèlent parfois des propositions aussi étonnantes qu’indécentes…

«Ah! Les fameux sextos, soupire Rémi-Pierre. Tu veux savoir s’il s’agit d’une infidélité? Je répondrai oui.»

«Par contre, un peu comme en ce qui concerne les vols, il y a une différence entre voler un paquet de gomme et braquer une banque, fait remarquer Phil. Un sexto, c’est quand même mineur.»

«T’as raison, certains actes sont plus pardonnables que d’autres, acquiesce Rémi-Pierre. Mais à partir du moment où, par texto, tu laisses une porte ouverte à quelqu’un qui t’a fait une offre, c’est une sorte d’infidélité. Tu ouvres la porte. Et c’est facile d’embarquer là-dedans puisqu’on peut aisément tout faire disparaître. Alors quand j’arrête ces conversations-là rapidement, je suis encore plus fier de moi. En revanche, ça m’est déjà arrivé dans une fin de relation. Ça allait moins bien, il y avait moins de sexe, etc. On connaît tous le pattern. Pis des fois, on dirait qu’on a besoin de se faire dire qu’on est beau. Or, si ma blonde ne me le dit plus, on dirait que je suis plus porté à accepter des demandes que j’aurais normalement bloquées sur Facebook. Pis ça se peut même que dans ce contexte de fin de relation, si je sentais qu’après deux ou trois messages, la fille pourrait m’envoyer des photos de ses seins, ben ça se peut que j’en aie profité… Je sais que c’est inadmissible. Je le sais. Mais quand c’est arrivé, j’en ai parlé avec ma blonde de l’époque et elle me comprenait, parce qu’elle se disait elle-même froide et absente.»

JE T’AIME… MOI NON PLUS

L’infidélité est une chose, l’amour en est une autre. Phil n’a jamais trompé sa blonde. Boucar admet l’avoir déjà fait durant ses années de bourlingue, alors qu’il était beaucoup plus jeune. Même chose pour Rémi-Pierre. Je vous pose donc la question, messieurs: est-il possible de tromper sa blonde tout en étant encore amoureux d’elle?

«Je crois que c’est une très grande possibilité, répond avec hésitation Boucar. Beaucoup plus chez les gars que chez les filles, en tout cas. Dans le cerveau du gars, il y a quasiment une séparation entre le sexe et l’amour. La fille a plus de difficulté à distinguer l’un de l’autre, je pense, parce qu’elle reçoit, tandis que le gars expulse. Alors oui, je crois que les histoires d’un soir sont pas mal plus sans conséquence pour un gars. Et qu’il peut avoir une aventure en restant amoureux…»

«Moi, ça m’est déjà arrivé, avoue Rémi-Pierre. Pas mal vers la fin de la relation en question, mais ça m’est arrivé. Je suis très mauvais pour mettre fin à une relation. Moi, voir une fille pleurer, ça me fait capoter. Je suis donc plus le genre d’osti-d’imbécile-pas-courageux qui préfère saboter la relation. Je ne suis juste pas capable de dire à une fille que c’est fini. Je ne suis PAS CAPABLE.»

«Ça, c’est très masculin comme réaction, analyse Boucar. Les gars préfèrent se faire quitter pour ensuite passer pour des victimes. Après ça, il y a toujours une fille pour venir les consoler. Moi, je fais le contraire. Quand je sens que ça ne marche plus, je pars.»

«Moi, je suis plus du genre à quitter ma blonde en fade out, dit Phil. Je demande d’abord un break, puis je reviens avec elle… pour finalement me rendre compte que ça ne marchera pas.»

«Mais vous savez, c’est un peu normal, toutes ces infidélités, renchérit Boucar. Les Africains disent ça: “Quand vient le temps de divorcer, les hommes sont un peu comme les singes. S’ils lâchent une liane, c’est qu’ils en ont déjà spotté une autre, sinon ils tomberaient.”»

Et question de boucler la boucle, si vous partiez à Las Vegas quelques jours entre boys, vos copines auraient-elle à craindre le pire?

«Pour ma part, absolument pas, assure Phil. Par contre, trust-moi pas en ce qui concerne l’argent que je risque de dépenser…»

«Ma blonde pourrait aussi me faire confiance, je n’irai pas voir ailleurs, c’est clair, déclare Rémi-Pierre. Mais il faut quand même qu’elle soit consciente que je risque d’aller dans un bar de danseuses avec mes chums…»

«Moi, je suis 100 % “trustable”, garantit Boucar. Déjà, en tournée, on est une gang de boys qui se promènent de ville en ville et, pourtant, la confiance est toujours là.»

«Pis on s’entend que t’as ben plus de chances de passer à l’acte à Rimouski qu’aux États-Unis, conclut Rémi-Pierre. Parce qu’à Las Vegas, soyons honnêtes, personne d’entre nous n’a le pouvoir du câble…»

Était-ce le sujet qui nous enflammait? L’excellente bière irlandaise? Chose certaine, cette conversation à bâtons rompus s’est poursuivie encore longtemps… laissant ainsi l’occasion aux sympathiques agents du stationnement montréalais de nous coller, à Rémi-Pierre et à moi, chacun une contravention.


Photo: Martin Girard

 

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