Entrevue avec Marie-Soleil Michon

06 Juin 2016 par Manon Chevalier
Catégories : Culture / Oser être soi
Icon

Brillante, curieuse et généreuse, Marie-Soleil Michon est l’une des animatrices les plus en vue. Excellent prétexte pour la scruter de plus près. Rendez-vous avec une virtuose des médias, moins sage qu’il n’y paraît.

Je suis une apôtre du contentement!», lance-t-elle, au beau milieu de notre conversation sur notre manie collective d’en vouloir toujours plus. «Je suis déjà choyée par la vie, pourquoi devrais-je courir après ce que je n’ai pas? J’en ai contre le discours du “sans limites”. J’aimerais entendre dire plus souvent que c’est OK d’avoir des limites, que c’est correct d’être content de ce qu’on vit», ajoute sereinement Marie-Soleil en buvant son chai latte, dans le café-boulangerie où on s’est retrouvées.

L’animatrice au regard pétillant d’intelligence et au large sourire à la Julia Roberts a quelque chose de réconfortant qui nous réconcilie avec la vie. Rebelle à sa façon, elle croit néanmoins au sens de l’effort et du travail; elle se couche tôt et mène une vie disciplinée; elle aime rester chez elle à lire, à cuisiner et à dévorer les sites immobiliers; elle vénère les moments où elle regarde le ciel en silence; elle assume pleine- ment son côté «matante» avec les enfants qui lui sont chers… et quoi encore?

Au bling-bling vide et triomphant, elle préfère la discrétion des choses simples. Peu importe si elles ne sont pas dans l’air du temps. «Plus jeune, je n’étais pas la It-girl et je n’en ai jamais souffert», précise l’animatrice née à La Présentation, en Montérégie. «J’étais une fille classique et un peu marginale. Pendant que mes amies allaient danser, moi, je décortiquais la constitution canadienne! Pas très sexy, hein?» Cette indépendance d’esprit, elle la doit à sa mère, Jocelyne Desgranges, «une femme iconoclaste qui m’a inculqué, de même qu’à ma sœur et à mon frère cadets, le courage d’être différents des autres. Elle nous disait: “Ne suivez pas automatiquement le courant!”» De toute évidence, ce conseil lui a bien servi.

Ainsi, celle qui aurait pu devenir la prochaine Chantal Hébert en couvrant l’actualité de la colline Parlementaire a fait ses débuts à la télé en 1997, comme reporter déjantée à La fin du monde est à 7 heures. «Un bel accident», dit-elle, qui lui révèle sa passion dévorante pour la télévision. Depuis bientôt 20 ans, Marie-Soleil a su faire sa place dans le paysage médiatique, tant comme chroniqueuse, coanimatrice ou meneuse de jeu, à la télé comme à la radio, notamment dans Un grand blond avec un show sournois, Les copines d’abord, La fosse aux lionnes, Les midis de Véro et La liste.

Cette année, on la retrouve partout! Elle continue de partager le micro avec sa complice de toujours, Véronique Cloutier, dans Le Véro show (Rythme FM), qu’elle pimente depuis déjà trois ans de son savoureux Guide Michon, et elle tient la barre des magazines télé C’est juste de la TV (ICI ARTV) et Ça vaut le coût (Télé-Québec). Plus en demande que jamais, l’animatrice formera cet été avec Jean-Luc Mongrain le nouveau tandem du talk-show dominical, en soirée, à ICI Radio-Canada Télé. Une aventure inattendue qui lui permettra de renouer avec son rôle d’intervieweuse que tout intéresse.

Je ne recherche pas le spotlight. Je suis une introvertie qui fait un métier d’extravertie!

METTRE L’AUTRE EN VALEUR

Communicatrice à la générosité débordante, jamais irrévérencieuse et toujours pertinente, on la connaît foodie insatiable, fervente écologiste et militante engagée, consommatrice hyper avisée et dévoreuse de culture populaire également branchée sur les phénomènes de société. Mais ce qui la fait vibrer par- dessus tout, c’est de mettre les gens en valeur. Dès qu’elle apparaît sous la lumière des projecteurs, elle s’empresse de l’orienter sur ses invités. «Je ne recherche pas le spotlight. Je suis une introvertie qui fait un métier d’extravertie!» annonce-t-elle, avant d’ajouter: «J’aime rire et je suis bon public, mais j’ai une nature angoissée et plutôt pessimiste. J’envisage toujours le pire! (rires) Seuls une préparation rigoureuse et le passage à l’action soulagent mon stress! Mais avec toutes mes années de métier, j’ai appris à faire davantage confiance à mon instinct, qui s’avère souvent juste. Maintenant, j’écoute plus mes feelings au moment de prendre une décision.

Que reste-t-il de la geek politique qui tripait sur l’accord du lac Meech? «Je suis moins nerd qu’à l’époque, mais je surveille l’actualité de très près. Et je me passionne pour les grands débats, comme celui sur l’exploitation des gaz de schiste, contre laquelle j’ai milité activement.» Puis, à ma grande surprise, Marie- Soleil s’épanche sur un pan méconnu de son parcours, alors qu’elle était recherchiste au Téléjournal, animé à l’époque par Stéphan Bureau, un de ses maîtres à penser: «J’ai vite réalisé que je n’étais pas totalement à ma place en information. C’est fou, hein? J’ai adoré le métier de recherchiste, mais travailler dans la salle des nouvelles, c’était trop dur pour moi. En deux ans et demi, j’ai vécu le massacre de Columbine, la guerre au Kosovo, j’ai même annoncé à des gens la mort d’un proche… Je suis sortie de là en miettes, confie-t-elle. Les gens croient que je suis un petit bulldozer, mais je suis une hypersensible.»

D’où l’importance pour l’animatrice de choisir des projets qui lui ressemblent. «J’ai besoin d’être authentique, car je ne sais pas tenir d’autre rôle que le mien! (rires) Et puis, comme je n’ai pas d’enfant et que je n’en aurai pas [on y reviendra plus tard durant l’entrevue] mon métier occupe une grande place. Mais pas au point de me jeter à corps perdu dans le travail! Ce n’est pas le parcours que j’ai choisi.» Cela dit, elle a un vif besoin de faire œuvre utile dans l’exercice de son métier. Pas de doute, Marie-Soleil tire sa force de sa grande humanité autant que de son inépuisable curiosité.

J’aimerais entendre dire plus souvent que c’est OK d’avoir des limites, que c’est correct d’être content de ce qu’on vit.

UN FABULEUX DESTIN

Son mari, le réalisateur Érick Tessier, en sait quelque chose. Marie-Soleil avait 27 ans lorsqu’elle l’a croisé à Une émission couleur de Radio-Canada. Elle y réalisait des entrevues et lui était régisseur de plateau. «Je soupirais devant Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, en me demandant si j’allais connaître un jour une histoire d’amour aussi belle. Eh bien, avec Érick, c’est encore mieux!» raconte-t-elle, les yeux brillants. «Cette rencontre a été une vraie naissance amoureuse pour moi. Au début, il tenait à ce qu’on se dise tout. Moi, je préférais cultiver le mystère… de peur de tuer la magie. Aujourd’hui, je suis un vrai livre ouvert avec lui! On est devenus les deux meilleurs amis du monde!»

Après 12 ans de vie à deux, quelle place accordent-ils à la séduction? «On ne joue pas cette carte-là, tranche-t-elle. D’ailleurs, une des premières choses qu’Érick m’a dites, c’est: “Je ne suis pas tombé amoureux de la fille de la télé, maquillée et coiffée. Je suis tombé en amour avec celle qui est arrivée ce matin sur le plateau, pas maquillée, avec les cheveux mouillés sous sa casquette.”» D’être ainsi aimée, sans artifices, lui a enlevé une pression énorme. «C’est la plus belle déclaration d’amour qu’on puisse faire à une femme!» assure-t-elle, en croisant ses longues mains de pianiste, soigneusement manucurées.

L’ÂGE DE TOUS LES POSSIBLES

À 39 ans, Marie-Soleil ne voit pas poindre la fameuse crise de la quarantaine. Et pour cause: ce tournant majeur, elle l’a pris beaucoup plus tôt que prévu. À 32 ans, alors qu’elle tente de devenir enceinte sans succès, elle subit une banale intervention chirurgicale. C’est alors que de très graves complications postopératoires, qui ont failli lui coûter la vie, la rendent stérile. Et la placent à un carrefour de son existence. «Mon infertilité m’a amenée à me poser des questions essentielles sur mon désir d’enfant. Au début, Érick et moi, on était prêts à tout pour avoir un enfant. Puis, au fil de nos questionnements, on s’est rendu compte que nous formions déjà une famille à nous deux.» Le couple s’incline humblement devant ses limites. Et Marie-Soleil a choisi le contente- ment plutôt qu’une quête sans fin. «J’aurais pu continuer en clinique de fertilité, mais après toutes les complications médicales que j’avais subies, j’ai eu peur, avoue-t-elle, émue. Et puis, j’étais déjà privilégiée, pourquoi pousser ma luck? J’ai donc choisi de me refaire une santé et d’apprécier tout ce que j’avais.»

Depuis, la vie lui a «fait cadeau» de plusieurs enfants, dont les trois de son frère, qu’elle aime et chouchoute en marraine et matante gâteau. «Ça comble énormément de choses en moi, comme le désir de transmission. Plus tu avances en âge, plus tu fais des choix signifiants. Je n’ai jamais rien pris à la légère, mais à bientôt 40 ans, je ne peux plus faire de détours!»

En ce qui concerne ses projets d’avenir, Marie-Soleil esquisse quelques pistes: «Qui sait, on pourrait me retrouver là où on ne m’attend pas! Derrière la caméra, dans un projet personnel, en fiction, peut-être…» Chose certaine, où qu’elle aille, on aura très envie de la suivre.

Photo: Monic Richard



Catégories : Culture / Oser être soi
0 Masquer les commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de courriel ne sera pas publiée.

Ajouter un commentaire

Magazine Véro

S'abonner au magazine