Bienvenue dans le monde chaotique de la périménopause!
Savez-vous ce que signifie le mot «involution»? Non, il ne s’agit pas du titre d’un nouveau film à la mode. C’est plutôt un phénomène selon lequel au fil des ans, l’utérus, le col, les trompes de Fallope, le vagin et la vulve se rétractent. La muqueuse vaginale s’amincit, les grandes et les petites lèvres s’affinent, à tel point que ces dernières peuvent même disparaître! En fait, elles ne disparaissent pas à proprement parler, elles fusionnent plutôt avec la vulve, mais je suis quand même tombée des nues quand j’ai appris ça. (Oui, je vous laisse le temps d’aller chercher un miroir et de vous examiner. J’ai fait la même chose.) Bref, nos organes génitaux s’atrophient. Bien que ce problème touche davantage les femmes ménopausées (près de la moitié en souffrirait), il peut aussi être présent chez les femmes au début de la quarantaine.
«Je suis allée voir ma gynécologue il y a quelques années parce j’éprouvais de la douleur durant les relations sexuelles. C’est là qu’elle m’a expliqué que mon canal vaginal avait rétréci. J’étais mortifiée, raconte Christine Béland, 54 ans. Je me suis rendu compte que j’en savais plus sur le fonctionnement de mon auto que sur celui de mon corps!» Finalement, Christine a réglé son problème avec une crème à l’œstrogène et un vibrateur… (Oui, il y a de l’espoir.) Mais si elle n’en n’avait pas parlé à son médecin, elle ne l’aurait jamais su! Et l’atrophie vaginale n’est que la partie cachée de l’iceberg concernant les nombreux symptômes de la périménopause…
De l’autre côté du miroir
Il y a deux ans, je pensais que je devenais folle. Littéralement. J’avais des sautes d’humeur pas possibles, j’étais déprimée, je manquais d’énergie, je dormais mal, je grossissais à vue d’œil. Je ne me reconnaissais plus. Qui était cette femme devant mon miroir?
J’aurais dû avoir la puce à l’oreille quand mon cycle menstruel, réglé comme du papier à musique depuis des décennies, s’est mis à dérailler lui aussi. «Les changements dans le cycle menstruel sont en effet un des premiers symptômes de la périménopause», confirme la Dre Michèle Moreau, omnipraticienne spécialisée dans la santé des femmes. Mais ce n’est que lorsque j’ai eu mes premières bouffées de chaleur que ç’a tilté.
Pourquoi n’avais-je pas compris avant? Parce que je pensais que ça ne me concernait pas. Moi, déjà rendue là? Il y avait sûrement erreur sur la personne. Nope. Il n’y avait pas erreur sur la personne.
Périménopause 101
On ne se réveille pas ménopausée du jour au lendemain. (Ce serait trop simple!) Naïvement, je croyais qu’un jour mes menstruations tireraient leur révérence et que la ménopause s’installerait à demeure. Nenon. En fait, nos ovaires prennent une retraite progressive.
«Avant l’arrêt définitif des menstruations, la femme vit une période durant laquelle les règles sont irrégulières: c’est la périménopause. Dès lors, les symptômes connus se manifestent: sautes d’humeur, bouffées de chaleur, insomnie», note la Dre Evelyne Pung, dont la clientèle est principalement composée de femmes. «Cela dit, mes patientes me consultent pour toutes sortes de raisons, sans se douter que leur condition peut être causée par les fluctuations hormonales qui caractérisent cette période: migraines, fatigue chronique, douleurs articulaires, déprime, anxiété, problèmes d’attention et pertes de mémoire, à tel point que certaines se demandent si elles ne souffrent pas d’alzheimer!»
De quoi rassurer celles qui se retrouvent quelque part en se demandant ce qu’elles font là… Non, vous n’êtes pas séniles. Vos hormones sexuelles jouent simplement au yoyo. Un peu comme une deuxième adolescence. Jeanne Tessier, 59 ans, en sait quelque chose, elle qui a vécu sa périménopause en même temps que ses deux enfants traversaient leur crise d’adolescence… «Ça a beaucoup joué sur mon humeur. Je me transformais en Hulk! Ça brassait à la maison», raconte-t-elle en riant.
Bien sûr, l’intensité des symptômes varie d’une femme à l’autre. Certaines (les chanceuses!) en ont peu ou pas, tandis que de 20 % à 30 % ont des symptômes modérés ou graves. Devinez dans quelle catégorie je suis?
«Les femmes qui traversent cette étape doivent travailler, s’occuper des enfants et parfois de leurs parents vieillissants, en plus d’être performantes au travail. Elles ont beaucoup de responsabilités et trouvent difficile de s’adapter à leur nouvelle situation, d’autant qu’elles sont mal informées», explique la Dre Pung.
Et si on en parlait?
«On n’en parle pas parce que le vieillissement est mal vu dans notre société. Il faut être belles, jeunes, désirables, souligne la Dre Céline Bouchard, obstétricienne-gynécologue. Lorsque la périménopause arrive, c’est un choc, parce qu’il y a déni de notre part», ajoute-t-elle. Hum! C’est en effet ce qui m’est arrivé…
Les femmes n’en jasent donc pas ou peu entre elles, à moins de faire partie de groupes de discussion sur Facebook, et les médecins ne sont guère plus bavards. En ce qui me concerne, j’ai vu ma médecin de famille et deux gynécologues, et aucune ne m’a expliqué que les changements que je vivais étaient causés par la périménopause. Je me suis plutôt retrouvée avec une prescription d’anovulants microdosés, à prendre en continu pour éviter le fameux SPM qui me pourrissait la vie… et celle de mon entourage aussi, paraît-il.
Je mentirais si je disais que ça ne m’a pas aidée. Mais voilà: j’ai (encore) engraissé. Quand on a toujours été mince, prendre 35 livres en une année, c’est une réalité difficile à accepter, en plus de tout le reste. Je suis passée d’une taille Très Petite à une taille, euh, Extra Voluptueuse. Heureusement que j’étais en amour et que mon chum me trouvait hot (non, ça n’avait rien à voir avec les bouffées de chaleur!), sinon j’aurais déprimé solide. Ça peut sembler futile, mais beaucoup de femmes sont aux prises avec cette réalité du corps qui change et qu’on ne reconnaît plus. Vous voilà donc prévenue: si vous ne modifiez pas votre mode de vie, prévoyez un budget pour une nouvelle garde-robe!
Blague à part, j’aurais aimé qu’on me dise ce qui m’arrivait, qu’on me propose différentes solutions. «C’est un sujet complexe, affirme la Dre Michèle Moreau, omnipraticienne spécialisée en santé des femmes. On doit analyser des études qui, parfois, se contredisent. Il faut renseigner et rassurer les patientes, qui se posent beaucoup de questions sur leurs symptômes et sur l’hormonothérapie: “Devrais-je prendre des hormones? Les hormones bio-identiques sont-elles meilleures? Quand faut-il commencer? Combien de temps dois-je en prendre?” Il y a toujours des choses à préciser. Ça exige énormément de temps.» Et du temps, les médecins n’en ont pas – sauf exception –, à moins d’aller au privé et de payer le gros prix pour être écoutée et entendue.
Dit-on oui à l’hormonothérapie?
Il n’y a malheureusement pas de réponse simple à cette question. Ce qu’on peut retenir, c’est que les œstrogènes, qu’on a réduits à tort au seul rôle d’hormones sexuelles, ont des fonctions beaucoup plus étendues dans le corps féminin. «Ils sont notamment impliqués dans le développement du système nerveux central, ils aident les os à se régénérer et ils ont également des effets positifs sur le cerveau, le système digestif, la peau, etc.», souligne la Dre Michèle Moreau. Pas étonnant qu’on ait toutes sortes de symptômes quand leur production décline…
Pourtant, l’hormonothérapie de remplacement fait encore peur. Faites le test: parlez-en aux femmes autour de vous. Beaucoup d’entre elles se montreront craintives. Pourquoi? À cause de la fameuse étude de la Women’s Health Initiative (WHI), parue en 2002, qui a lié la prise d’hormones à une légère augmentation du risque de cancer du sein et d’accident cérébral vasculaire chez certaines femmes. Même si plusieurs études ont depuis contredit ces conclusions, certains médecins hésitent encore à prescrire des hormones à leurs patientes. «Une génération entière de femmes a ainsi été privée des bienfaits de l’hormonothérapie!» s’exclame la Dre Moreau, découragée.
Les recherches actuelles confirment en effet que «l’hormonothérapie est à la fois sécuritaire et efficace pour atténuer les symptômes de la ménopause (bouffées de chaleur, sautes d’humeur, insomnie) dans les 10 années qui la suivent», selon la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada. Christine Béland a longtemps hésité à y recourir, mais après avoir levé le ton une enième fois durant une conversation téléphonique avec sa meilleure amie, cette dernière lui a dit: «Ça suffit! Soit tu prends des hormones, soit tu ne m’appelles plus jamais.» Le lendemain, Christine a pris rendez-vous avec sa médecin et est ressortie de la clinique avec une ordonnance prescrivant des hormones bio-identiques…
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La vie devant soi
Oui, il y a des deuils à faire quand on avance en âge, dont ceux de la fertilité, de la jeunesse… Et la périménopause est justement là pour nous préparer à la ménopause (quand elle n’est pas occupée à nous faire suer, hein!). Comme le rappelle la Dre Moreau, «l’hormonothérapie ne règle pas tous les problèmes, elle n’empêche pas le vieillissement». Parce que c’est bien ça qui nous fait peur. Entrer dans la catégorie des femmes ménopausées, c’est devenir membre du club de celles-qui-deviennent-invisibles.
L’auteure et professeure Martine Delvaux a signé un article où elle disait ouvertement qu’elle était ménopausée. «Oui, ça m’a pris un certain courage pour l’écrire. C’était comme une sorte de coming out. Je l’ai fait parce que je trouve ça important qu’on démystifie ce que c’est. Il est temps qu’on arrête de penser que cette période de la vie marque le début de la fin et qu’on ne mérite plus d’exister sur la place publique. On me dit souvent que j’ai l’air jeune. Les gens ne me croient pas quand je dis que j’ai 49 ans. Mais vous pensez qu’on a l’air de quoi, à 49 ans? Vous pensez que ça a l’air de quoi, une femme ménopausée?»
Il serait en effet temps de changer nos perceptions, car en 2030, la planète comptera plus d’un milliard de femmes de plus de 50 ans. Et si notre espérance de vie a longtemps coïncidé avec l’âge moyen de la ménopause, aujourd’hui, quand on atteint ce stade, on a encore 30 ou 40 ans devant soi. «J’ai littéralement recommencé ma vie à 51 ans, raconte Caroline Brouillette. Après avoir beaucoup investi dans mon travail pendant des années, je suis tombée amoureuse, j’ai emménagé avec mon chum et on a commencé à voyager. Toutes ces choses que je remettais à plus tard, j’avais envie de les faire là, maintenant. Avant, il y avait une espèce de renoncement. Ce n’est plus du tout le cas.»
Entre la pré, la péri et la méno
Le mot ménopause vient du grec menos (mois, menstruations) et pausis (arrêt, cessation). Il y a parfois confusion quand on parle des différentes «pauses» dans la vie des femmes. Voici les définitions qu’on a retenues.
• La préménopause désigne pour certains la période de fécondité à partir de la puberté. Pour d’autres, elle précède la périménopause. Souvent, les deux termes sont utilisés pour désigner la même période, mais la deuxième expression tend à supplanter l’autre.
• La périménopause est la période où les menstruations deviennent irrégulières (c’est le premier symptôme… mais pas le dernier!) et qui se poursuit quelques mois plus tard. Elle dure en général de trois à sept ans.
• La ménopause signifie l’arrêt définitif des règles (12 mois consécutifs sans menstruations).
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Cet article est tiré du magazine Véro d’automne 2018. Abonnez-vous maintenant!
Photo: Stocksy