Le rire: la clé du bonheur?

12 Oct 2017 par Annie St-Amour
Catégories : Psycho
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Rigoler un bon coup, on en convient, ça fait du bien! Dans l'équipe de VÉRO, on est même d’avis que c’est un des ingrédients clés du bonheur. Et si vous n’en êtes pas convaincue après avoir lu ce qui suit, dites-vous qu'il vaut mieux en rire!

Depuis que la médecine s’en est mêlée, on peut affirmer sans se tromper que le rire est bon pour la santé. Pour comprendre d’où vient cet intérêt plus sérieux pour les vertus curatives du rire, il faut remonter aux décennies 1960 et 1970, ainsi qu’au premier homme à expérimenter le rire thérapeutique: Norman Cousins. Souffrant d’un type d’arthrite sévère et très douloureux, le journaliste politique et auteur américain était convaincu que les émotions positives constituaient une clé pour combattre la maladie. Dans son livre Anatomy of an Illness 1, paru en 1979, il raconte comment il s’est guéri à coup de doses massives de vitamine C et de séances quotidiennes de rire irrépressible, provoquées par le visionnement de films comiques. Dix minutes de rire authentique, écrit-il, lui procurait deux bonnes heures d’un sommeil sans douleur. Le récit peu banal de son programme de réhabilitation aura fini par éveiller la curiosité de la communauté scientifique et paver la voie aux recherches.

Rire… à plus forte raison!

Parmi les médecins partisans du rire, c’est le docteur Madan Kataria qui a retenu notre attention. Ce généraliste indien, avec l’aide de sa femme professeure de yoga, a développé une technique thérapeutique inspirée par la pratique yogique et utilisant le rire comme moyen d’accéder au bien-être. Autre particularité de son CV: en plus d’être l’auteur du livre Laugh for No Reason 2, il est le fondateur du premier Club de rire, implanté à Bombay en 1995.

Depuis, plus de 20 ans se sont écoulés et les Clubs de rire ont pullulé, s’établissant un peu partout dans le monde, au pays et même au Québec. Catherine Boulé, psychologue en pratique privée, a participé à des séances de yoga du rire. «Je faisais alors ma thèse sur la perception de l’humour en thérapie et j’ai vu qu’il y avait un Club de rire à Montréal. J’y suis allée pour tenter l’expérience. On rit pendant un bon 45 minutes en commençant par des rires provoqués, qui finissent par nous faire rire pour vrai.» Pendant toute la période où elle a participé à ces rassemblements hebdomadaires, Mme Boulé affirme en avoir ressenti les bienfaits au quotidien. «On en vient à rire plus souvent et plus intensément. À force de l’activer, le mécanisme est bien lubrifié et on constate que les gens rient de plus belle et de bon cœur.»

Une tonne de bienfaits

Cela dit, quels sont au juste les bénéfices d’une bonne rigolade sur la santé physique? Le neurologue français Henri Rubinstein, auteur de La psychosomatique du rire 3 est un de ceux qui s’est penché sur le phénomène du rire, qu’il décrit comme «une onde qui se manifeste de proche en proche en augmentant d’intensité jusqu’à intéresser la musculature volontaire et involontaire 4.» Visage, larynx, épaules, diaphragme, abdominaux, etc.: ces muscles travaillent et profitent ainsi «d’une gymnastique douce».

Se dilater la rate est donc excellent pour le système musculaire, en plus de procurer, dans la foulée, un effet relaxant. Mais les muscles ne sont pas les seuls à bénéficier de ce «massage» des organes. Les systèmes cardiovasculaire, respiratoire, digestif et immunitaire en tirent aussi d’innombrables bienfaits. Selon le Dr Rubinstein, «rire permet d’échanger facilement deux litres d’air, ce qui lui donne une fonction détoxifiante et un rôle d’oxygénation cérébrale très clairs».

De fait, rire de bon cœur accélère la fréquence cardiaque, favorise la dilatation des vaisseaux sanguins et réduit la pression artérielle. L’inspiration devient plus profonde et l’intensité de l’expiration s’apparente à celle que pratiquent les adeptes de yoga. La production de globules blancs dans l’organisme est ainsi augmentée, ce qui renforce le système immunitaire. «Quand on rit, poursuit le neurologue, on fabrique davantage d’endorphines, qui agissent contre la douleur.» Effet analgésique, sensation de bienêtre: les endorphines nous font effectivement voir la vie en rose et ce n’est pas pour rien que les initiés les surnomment «hormones du bonheur».

Pause bonheur

Et si on parlait justement du bonheur, histoire d’observer comment le rire y contribue? La psychologie positive – qui n’a rien à voir avec la pensée magique – est une discipline récente (fondée en 1998) qui étudie ce qui va bien chez l’être humain. «Après s’être longtemps intéressés à la psychopathologie, les spécialistes en sont venus à la conclusion qu’il fallait se pencher sur ce qui rend les individus heureux, explique Catherine Boulé. On a donc observé le comportement des personnes qui réussissent bien, par exemple celui des athlètes de haut niveau.»

Une des approches de la psychologie positive définit le concept du bonheur authentique selon trois composantes:
1) avoir une vie plaisante, dans laquelle les expériences positives précèdent les émotions négatives
2) avoir une vie engagée, où on s’investit dans des activités ayant pour effet de nous absorber en nous faisant perdre toute notion du temps
3) avoir une vie significative, c’est-à-dire qui vise à utiliser nos points forts et à nous investir dans des actions en concordance avec nos valeurs.

Et où le rire s’inscrit-il dans tout ça? Pour le psychologue Marc Vachon, auteur et gestionnaire du site oserchanger.com, le rire est «inattendu et, de toute évidence, un des outils à avoir dans sa trousse pour être heureux. C’est un phénomène complexe qui provoque des émotions positives, sous forme de joie.» Catherine Boulé abonde dans le même sens, en précisant toutefois qu’il ne faut pas confondre joie et bonheur: «Le rire peut être un indicateur d’un état qui entraîne de la joie, ce qui va contribuer au bonheur, mais l’équation n’est pas directe.»

Du bonbon pour le moral

Un des aspects soulevés par les études sur le bonheur 5 révèle que les gens heureux développent des relations interpersonnelles plus satisfaisantes. Or, rire et faire rire constitue un ciment social extraordinaire. «Avoir le sens de l’humour est un trait de personnalité souvent recherché chez l’autre, confirme Catherine Boulé. Mais il faut qu’il soit bien utilisé: s’il est corrosif ou maladroit, il peut au contraire nuire à nos rapports.»

Pour Paule Desgagnés, conférencière et auteure du livre La rigolothérapie 6, «faire rire est la recette secrète des grands séducteurs. Le problème, c’est que les gens n’osent pas faire de l’humour, de peur de faire rire d’eux.» Mme Desgagnés, philosophe de formation, raconte s’être intéressée aux bienfaits du rire après avoir ouvert un centre antistress à Québec. «Les gens à qui je demandais “Riez-vous encore?” me répondaient “La vie est plate, on ne rit plus.”» Le stress, un des grands maux du 21e siècle, expliquerait-il pourquoi les gens rigolent moins qu’avant? Chose certains, les chiffres à ce propos sont éloquents. De 19 minutes de rire franc par jour en 1939, les Français seraient passés à 6 minutes dans les années 80, et à moins d’une minute à l’aube du nouveau millénaire 7.

Pour mieux comprendre les effets du rire et du stress sur l’individu, il suffit de répartir en deux colonnes les bénéfices du premier et les méfaits du second: on se rend vite compte que l’un est l’exact contraire de l’autre! Autrement dit, se tordre les boyaux est l’antistress par excellence. «Le rire permet de diminuer l’impact des expériences stressantes et de lutter contre les émotions négatives comme l’anxiété et la dépression, souligne Catherine Boulé. Biochimiquement parlant, il réduit la sécrétion de cortisol, l’hormone du stress, dans l’organisme.»

Moins de rire, plus de stress… il est à peu près temps de renverser la vapeur, non? Parce que nous, ce à quoi on aspire, c’est rien de moins que le bonheur!

Dis-moi ce qui te déride, je te dirai qui tu es…

Certaines études ont tenté de faire le lien entre le type d’humour qu’on privilégie et ce qu’il révèle au sujet de notre personnalité. Selon la psychologue Catherine Boulé, voici les tendances associées à quatre styles humoristiques différents.

L’humour agressif se fait au détriment d’autrui. Le sarcasme et le dénigrement en font partie. Il peut dénoter un besoin d’avoir le dessus sur les autres ou de contrôler l’échange. On rabaisse souvent l’autre pour mieux se valoriser; cela peut témoigner d’une faible estime de soi.

L’humour fait à nos dépens, dans lequel on s’attaque soi-même et on s’infériorise pour faire rire les autres, exprime lui aussi une piètre estime de soi.

L’humour associatif, où on rit davantage de situations incongrues et absurdes, est parmi les plus sains, parce qu’il protège l’estime de soi et améliore les relations interpersonnelles.

L’humour renforçant pour nous-même, où on rit de bon cœur de nos propres travers et de ceux des autres, est une façon efficace de gérer l’estime de soi. Tenant plutôt de l’autodérision, il n’est pas de nature défensive.

Photos: Stocksy

À lire aussi: Objectif: rire au quotidien

 

Sources:
1. Anatomy of an Illness As Perceived by the Patient, aussi offert en français: Comment je me suis soigné par le rire, Petite Bibliothèque Payot, 2003.
2. Laugh for No Reason, Madhuri International, 1999; Le yoga du rire, de Corinne Cosseron et Linda Leclerc, Éditions Tredaniel, 2014.
3. Psychosomatique du rire – Rire pour guérir, Robert Laffont, 1983.
4. Conférence Le rire, Dr Henri Rubinstein, Institut Pasteur de Lille, juin 2015; extraits d’entrevues.
5. Manusov, E. G., Carr, R. J., Rowane, M., Beatty, L. A. et Nadeau, M. T. (1995). Dimensions of Happiness: A Qualitative Study of Family Practice Residents. The Journal of the American Board of Family Practice.
6. La rigolothérapie – La thérapie par le rire, de Paule Desgagnés, Les Éditions Québec-Livres (2011).
7. Source: passeportsante.net.



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