Souper de gars: discussion avec 3 papas d’ados

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03 Oct 2019 par Patrick Marsolais
Catégories : Famille
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Avoir des enfants est une chose. Les voir grandir et devenir ados en est une autre. Les petits trésors qu’on chérissait réclament maintenant leur indépendance.

En tant que papas, nous étions leurs héros et nous voilà désormais vieux-jeu à leurs yeux. Heureusement, ils suscitent en nous de bonnes remises en question et leur idéalisme nous rassure pour l’avenir. Discussion en montagnes russes d’émotions avec l’humoriste Maxim Martin, le chanteur Michaël et l’animateur Jean-François Baril.

Aussi bien vous avertir tout de suite, l’idée n’était pas de dévoiler ici les côtés secrets ni les crises existentielles des cinq adolescents que nos invités ont engendrés. On va se le dire: les deux grands gars de Michaël, Tom-Eliot, 19 ans et Sam-Éloi, 16 ans; la fille de Maxim, Livia, 18 ans; et les enfants de Jean-François, Viviane, 16 ans et Nathan, 14 ans, n’apprécieraient certainement pas voir étalés dans nos pages les détails de leur première cuite. Surtout que la plupart d’entre eux sont connus du public, que ce soit pour leurs rôles au petit écran ou pour leurs exploits sportifs. L’intention à l’origine de notre rencontre avec ces trois papas, c’était de réaliser qu’on vit pas mal tous les mêmes choses lorsque nos enfants devenus grands réclament leur indépendance. Durant notre souper, on leur a donc proposé quelques pistes de réflexion pour essayer de voir plus clair dans cette période – avouons-le – pas toujours facile.

– On a toujours eu une belle complicité familiale, lance Michaël. Faut dire qu’on a eu nos enfants de bonne heure. J’avais 19 ans lorsque Tom-Eliot est né. Il était l’enfant parfait pour un jeune couple. Un bébé super facile. Sam-Éloi, ç’a été une autre affaire. Dès sa naissance, ç’a été compliqué et, encore aujourd’hui – avec sa forte personnalité –, ce n’est pas toujours évident. Alors que ce soit durant l’enfance ou l’adolescence, les deux ont requis des types de gestion complètement différents. On est quand même chanceux, parce qu’on a plein de souvenirs, d’expériences familiales et de voyages qui, encore aujourd’hui, nous gardent soudés. Mais j’avoue que l’adolescence, c’est une période… particulière, mettons.

– Contrairement à toi, Michaël, mes deux enfants ont pas mal la même énergie, renchérit Jean-François. Ce sont deux forces brutes. On s’est souvent sacrifiés, ma blonde et moi, on s’est privés de moments à deux, mais je pense que c’est une des raisons pour lesquelles on a une si belle relation avec nos enfants. Ils étaient faciles. Je pense que d’avoir eu Viviane en premier nous a vraiment aidés. Ce n’est pas rare qu’elle passe du temps à écouter son frère quand il n’a pas l’air à filer. Ma seule règle dans ces cas-là, c’est qu’ils doivent se stooler l’un et l’autre s’il y a quelque chose de grave. Sinon, ça reste leur secret.

– Je pense que c’est ma fille qui m’a appris à être un parent, raconte Maxim. Elle est arrivée durant une période où j’étais dans une zone noire. Lorsqu’elle a eu deux ans et demi, sa mère et moi nous sommes séparés. Ç’a été un bon coup de pied au derrière pour moi, parce que j’étais un papa passif, centré sur lui-même, qui ne connaissait rien au quotidien d’un enfant. Une fois notre couple séparé, je n’ai pas eu le choix de mettre mes culottes.»

N’empêche que les débuts en tête à tête avec sa fille Livia ne se sont pas faits sans heurts. Le père, peu impliqué et concentré sur sa carrière, a payé cher certaines décisions du passé.

– Au bout de trois ou quatre jours, seule à la maison avec moi, Livia semblait malheureuse, dit l’humoriste. Alors je pilais parfois sur mon orgueil et j’allais la reconduire chez sa mère plus tôt que prévu. Heureusement, on a passé beaucoup de vacances ensemble, des périodes durant lesquelles on a eu le temps de se parler. Je sais que ce que je vais dire est un classique, mais s’il y a quelque chose que je ne voulais pas fucker dans ma relation avec Livia, c’est la communication. Parce que quand tu sens que ton enfant est prêt à tout te raconter, ça enlève beaucoup d’inquiétude.

Garder le contact

Maxim a été le premier à lancer le mot communication et il a bien dû y revenir des dizaines de fois tellement il croit que c’est la base d’une relation saine avec son ado. Beau concept dans les faits, mais concrètement, communiquer n’est pas toujours simple, surtout lorsqu’on aborde des sujets délicats comme les premières relations sexuelles, les drogues, etc. Malaise en vue. Est-ce à nous de montrer à nos gars comment mettre un condom, par exemple?

– Je pense que les jeunes savent comment faire, mais oui, j’ai quand même eu la discussion avec le mien, se souvient Jean- François. La communication, c’est être capable d’entrer dans sa chambre pour lui parler, mais être assez intelligent aussi pour ne pas insister quand il sait très bien de quoi tu parles. Mais il y a néanmoins des conversations auxquelles je tenais: échanger avec lui à propos du respect envers sa blonde, des illusions qu’il voyait sur le Web… Ç’a duré 10 ou 15 minutes. J’ai fait exactement la même chose avec ma fille, notamment à propos du respect de soi-même et de l’importance de se sentir prête pour expérimenter certaines choses.

– Quand j’étais ado, je ne parlais pas beaucoup à mes parents, se souvient Michaël. Ils essayaient d’échanger avec moi, mais ça me gossait solide qu’on veuille connaître les détails de ma vie personnelle. La première fois que j’ai dit à ma mère que j’avais eu une relation sexuelle, c’était pour lui annoncer qu’elle allait être grand-mère. Comme j’ai eu mes enfants jeune, je me suis dit que j’allais être très proche d’eux, mais pas tant que ça, finalement. Ils vivent chacun leurs expériences, et même si la communication est en général assez bonne, c’est clair qu’ils n’ont pas envie d’aborder certains sujets avec moi.

– On a eu beaucoup d’accrochages dans le passé à cause de nos deux forts caractères, raconte Maxim à propos de sa relation avec sa fille Livia. Mais le décès de son copain [ndlr: mort tragiquement dans un accident de vélo] a changé la donne. Depuis cet événement, on ne s’est chicanés qu’une seule fois, je pense. Une douceur s’est installée entre nous. On se raconte pas mal tout. Je me souviens encore de la conversation qu’on a eue après sa première relation sexuelle. Parce qu’elle m’a parlé de sa sexualité, je la savais donc hyper à l’aise avec moi… et j’en étais soulagé.

#papasdépassés

S’il y a un autre contexte où un papa peut rapidement se sentir largué, c’est bien sur les réseaux sociaux. Alors que Facebook symbolise pour les jeunes celui de leurs grands-parents, nos ados ont grandi avec Instagram et Snapchat. Essayer de les suivre là-dessus semble quasi impossible tellement ils sont habiles à déjouer notre surveillance.

– À l’époque où j’étais ado, je m’enfermais dans ma chambre pour écouter de la musique ou parler au téléphone avec un ami, se souvient Michaël. Aujourd’hui, les jeunes ont accès à tout ce qu’ils veulent avec leur tablette ou leur cellulaire. On peut essayer de tout bloquer ou d’intervenir, mais ils vont toujours trouver un moyen d’y échapper. Et comme mes enfants font un métier public, c’est certain que ma blonde et moi sommes un peu stressés, car ils ont une image à préserver.

– J’ai eu une discussion avec les miens sur tous les dangers liés au Web et maintenant, j’essaie de leur faire confiance, affirme Jean-François. On se suit mutuellement sur Instagram, alors à moins qu’ils aient un autre compte et que je sois complètement naïf, je pense que ça se passe bien de ce côté-là.

– En ce qui me concerne, j’ai rapidement perdu le contrôle des réseaux sociaux de ma fille, avoue Maxim. Heureusement, sa mère travaille dans ce domaine-là. Livia partage beaucoup d’infos avec ses followers. Je suis fier d’elle, car elle n’a pas eu peur, par exemple, de montrer de quoi elle a l’air le matin au naturel. Je trouve qu’elle véhicule de belles valeurs.

Les laisser aller…

On pourrait croire qu’avec trois papas aussi connus, les conditions gagnantes sont réunies pour rendre des enfants fiers et sans doute plus dociles aux conseils parentaux. Pas pantoute! Ces jeunes-là sont aussi challengés que les autres.

– J’ai beau être assez cool et faire le même métier qu’elle depuis longtemps, quand vient le temps de donner des conseils à ma fille, je suis un papa dans le champ, assure Maxim. Le plus difficile avec un ado, c’est que tu sais qu’il va se casser la gueule et que tu pourrais le lui éviter, mais la seule chose que tu peux faire, c’est d’être spectateur. Il faut s’imposer ce lâcher-prise- là, parce que si on devient un papa poule, ce sera pire. Nos enfants ont besoin de se tromper.»

Cela dit, n’y a-t-il pas des erreurs plus difficiles à laisser passer? Est-ce qu’on doit vraiment laisser notre enfant procrastiner avant un examen de chimie en se disant qu’il va couler, mais qu’il apprendra de cet échec?

– J’ai vécu ça cette année, alors que mon gars était dans un tournoi de hockey et que je voyais bien que ses études devenaient secondaires, admet Jean-François. Je savais qu’il allait se péter la face. Quand son bulletin est arrivé, il n’était pas fameux, mais je me suis dit qu’il valait pas mal mieux frapper un mur en secondaire 2 qu’au cégep. Mon fils a aussi compris qu’il serait rarement fier en ne fournissant pas d’efforts…

– Pour Tom-Eliot, on a été super protecteurs et on le “backait” constamment. À ses 18 ans, on s’attendait à ce que tout ce qu’on lui avait inculqué soit intégré dans sa vie, mais on s’est aperçu qu’il s’était toujours fié sur nous et qu’il manquait d’autonomie. Souvent, je me mets à rêver qu’il soit plus débrouillard, mais si je suis vraiment honnête, je ne l’étais pas moi non plus à son âge.

À la trace

On a tous des rêves pour nos enfants. On souhaite qu’ils soient heureux, bien sûr, mais on espère aussi qu’ils gagneront assez d’argent pour être à l’aise. Or, malgré l’insécurité du milieu culturel, quatre des cinq ados de nos papas invités ont décidé de tenter leur chance dans le showbiz québécois. Faut-il s’en inquiéter?

– Honnêtement j’aurais préféré que les miens se dirigent vers un boulot stable, surtout qu’ils sont très bons à l’école, avoue Jean-François. Ma fille, qui va visiblement opter pour une carrière artistique, pourrait facilement être vétérinaire. Des fois, j’ai juste envie de lui dire: “Voyons, va-t’en étudier en médecine vétérinaire!” Parce que trouver ta place, c’est une chose, mais la garder 20 ou 30 ans, c’en est une autre. Au final, c’est sa vie, mais si tu me donnes le choix entre que ma fille devienne animatrice ou médecin, je choisis médecin…

– Tout s’est fait naturellement avec nos gars, parce qu’on les a toujours trimballés avec nous dans les coulisses, renchérit Michaël. J’étais assez partagé devant leur engouement pour le milieu artistique, notamment parce que je trouvais qu’ils l’avaient assez facile. Mais aujourd’hui, ils tombent dans la vraie game des auditions avec des adultes. Il faut que tu sois bon en tabarouette si tu veux clencher Xavier Dolan pour obtenir un contrat de doublage. Mon plus vieux commence à se demander s’il a envie de bûcher toute sa vie pour finalement arriver à chaque fin de mois en manquant de cash. Il réalise aussi qu’il devra diversifier son offre à fond pour réussir.

Laisser aller nos enfants, sans doute. Les protéger encore un peu, forcément. Les aimer, oui, beaucoup, assurément et tout le temps. C’est cet amour profond que j’ai senti dans le cœur de ces trois papas. Et c’est très rassurant.

LEURS ACTUS

Jean-François Baril est chroniqueur à Salut bonjour, sur les ondes de TVA.

Michaël Girard est en tournée au Québec avec le spectacle Francostalgie. Il peint aussi des tableaux, qu’on peut se procurer sur son site. michael-inspiration.com

Maxim Martin animera cet automne l’émission Ça rentre au poste, du lundi au vendredi, à Énergie. Avec sa fille, il joue dans la télésérie Max et Livia, à Vrak.tv, en plus de roder Fuck off, son nouveau one man show. maximmartin.com



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