Le mot de Louis: l’aveu qui fait mal

17 Août 2020 par Louis Morissette
Catégories : Oser être soi / Véro-Article
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Louis Morissette livre ses réflexions sur le racisme systémique.

À part de ça, vous autres, 2020? C’est vraiment l’année du ménage, non? D’abord, un confinement; ça te per­met de te ramasser, de réno­ver et de faire les 1000 travaux que tu remettais à plus tard. Ensuite, la deuxième vague de dénonciations d’abus a permis de faire un ménage parmi les gens qui ont eu des comportements répréhensibles. Un autre gros ménage s’est pointé le nez quand le gouvernement Legault a obligé le port du couvre-visage dans les lieux publics. Moi qui croyais que nous n’aurions pas de festival cet été, juillet nous a offert le festival du tapon qui pense que le virus est une invention d’un gouvernement secret dirigé par Bill Gates et que le 5G va nous détruire.

J’ai toujours su qu’il y avait des «coucous» parmi nous, mais ce qui glace le sang, c’est la surprise de constater qu’un ami, un collègue ou un voisin est un com­plotiste qui accorde plus de poids à l’opi­nion des Lucie Laurier de ce monde qu’à des chercheurs qui ont passé des dizaines d’années sur les bancs d’école. Ce moment où tu discutes avec quelqu’un que tu estimes et que, tout à coup, tu réalises que cette personne est ce «wézo» qui nous traite de moutons parce qu’on prend des moyens pour ne pas retourner en confinement.

Phase 4 du grand ménage de 2020: l’épouvantable histoire de George Floyd. La planète entière s’indigne, puis certaines voix se font entendre. Du genre «Va falloir en revenir», «Les Noirs aussi sont racistes», «C’est pas cool, ce qui lui est arrivé, mais t’sais, les Noirs»… Woup, woup, woup! Me voilà entouré de gens que je pourrais engager dans un docuréalité pour Canal D intitulé Un tata près de chez vous. C’est une minorité de gens, sans doute, mais un, c’est un de trop.

Le mouvement Black Lives Matter s’est intensifié pour dénoncer haut et fort les injustices envers les personnes noires. George Floyd, Breonna Taylor, Ahmaud Arbery, Michael Brown et des centaines d’autres, morts et mortes dans l’anonymat aux mains des forces de l’ordre.

Des gens de divers horizons vont marcher, manifes­ter, protester contre ce type de racisme sys­témique. Parce que oui, il s’agit de racisme systémique. La preuve? Le suave président Trump – avant même de reconnaître la souffrance d’un important pourcentage de la population étatsunienne, avant même d’essayer d’analyser la gangrène qui gruge les différents corps policiers du plus beau pays du monde (!), avant même d’écouter –, a menacé d’envoyer l’armée pour faire respecter la loi et l’ordre. Tout ça pour mater un mouvement qui réclame que «les vies des Noirs comptent». Comptent. Juste ça.

Je vous invite d’ailleurs à regarder sur YouTube le numéro du stand­up améri­cain Michael Che sur les critiques envers le mouvement BLM. C’est une pièce d’anthologie. Pour le citer: «Les Noirs demandent que leurs vies comptent.» Pas qu’elles comptent PLUS que les autres. Juste qu’elles «comptent». Pas mal la base, non?

Les débordements dans les manifes­tations? Ouin… OK. Je suis triste pour les commerçants qui voient leurs vitrines voler en éclats. Mais en 2016, Colin Kaepernick, le quart­-arrière étoile des 49ers de San Francisco, a calmement mis un genou au sol pendant l’hymne national américain pour protester contre un pays qui ne traite pas ses citoyens de façon égalitaire. Il a perdu son emploi et rien n’a changé. George Floyd est mort quatre ans plus tard. La manifestation pacifique n’avait clairement pas atteint sa cible.

«Et toi, Louis? Te souviens­-tu de ton texte dans ce magazine il y a quatre ans? Tu demandais aux Noirs d’arrêter de chialer.» Si je m’en souviens? Tu parles, que je m’en souviens! J’ai encore mal quand j’y pense. Comment un homme qui ne se considère pas une miette comme un raciste et qui traite les personnes noires comme ses égales peut­-il se faire taxer d’être raciste? Moi, raciste? Arrêtez! Je méprise les racistes!

La vérité qui fait mal, c’est que dans ce numéro de janvier 2016, je l’ai été. Peut­on ne pas être raciste et poser un geste raciste? Réagir comme un homme blanc qui vit dans un système où le racisme systémique est tellement implanté qu’on ne le voit même plus? Ma réponse est oui. Par mon manque de sensibilité, j’ai nourri le racisme. Je voulais bien faire, je voulais lancer un message d’inclusion, mais je le considérais avec mes yeux d’homme blanc de 42 ans né à Drummondville, ville blanche de chez Blanche. J’avais oublié de regarder la situation avec les yeux des principaux concernés.

Quand on commence à écouter, à lire et à se renseigner, quand on regarde les événements du point de vue de la personne bafouée, la photo change. Et si on peut mettre de côté son égo et sa peur de se faire traiter de raciste, le constat est troublant: le racisme systémique est bien présent. Et le reconnaître est probablement la base nécessaire pour l’anéantir. Travaillons ensemble, soyons des alliés.

 

Ce texte provient du numéro automne 2020 du magazine VÉRO en kiosque le 20 août.

 

 

 



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  1. Thérèse Lajeunesse dit :

    Bravo Louis et pour ta franchise et pour ton respect !

  2. ELISE LANDRY dit :

    J’ai adoré cet article et je suis 100 % en accord avec ce qui y est inscris. Bravo!

  3. Licorne(Myriam Ch-Bedard) dit :

    Sérieux tu traité le monde COMPLOTISTE ,mais ,CHOSE SÛRE C’EST QUE LOUIS TU AS OUBLIÉ DE PENSÉ PAR TOI MÊME PAS AVEC LA TV ET DE «  » »SURTOUT ÉTUDIER, RÉFLÉCHIR ET ENSUITE PRENDRE POSITION ,MAIS ENCORE LÀ…..RIEN N’EST BLANC ET RIEN N’EST NOIR «  » »

    Et que a chaque fois ,que les personnes connue DIMINUE POUR ÊTRE POLIE,MAIS LA VÉRITÉ C’EST QUE LES GENS RIDICULISE DES IDÉES QUI NONTPAS PRIS LE TEMPS D’EN PRENDRE ET D’EN LAISSER….ET QU’ensuite CES MÊMES « GENS » FINISSE PAR AVOIR UNE OU DEUX PREUVES ET PUIS PRENNENT LE TEMPS DE S’INFORMER ET ÇA Y EST
    TOUS DIRONT ON LE SAVAIT, QUE C’ÉTAIT CELA LA VÉRITÉ!!!
    POUR QUE LA VÉRITÉ ARRIVE AU YEUX «  »DES MOUTONS » » IL FAUT TOUJOURS DE LA HOULE,DES VAGUES ET DES TEMPÊTES….ET FINALEMENT

    ?RECONNAÎT TOI EN L’AUTRE ,CAR, L’AUTRE EST EN TOI….

    ONELOVE
    MYXX

  4. Conrad Poulin dit :

    Belle prise de conscience! J’espère que ce texte sensibilisera les gens qui vous suivent toi et Véronique. Maintenant que les mots sont dit, il reste les gestes. Allons nous voir davantage de diversité à l’écran?

  5. Frédéricke Rénold dit :

    Bonjour

  6. Frédéricke Rénold dit :

    Cette lecture donne de grands frissons. Il faut être tout un homme pour en arriver à revenir sur ses paroles, les analyser avec d’autres yeux et oser le dire : « oups, j’me suis trompé, je n’avais pas vu cela avec les yeux des concernés. » Le voir avec les yeux des concernés demande tout un intérêt de la part de Louis Morissette, une réelle empathie, si je peux me le permettre. De mon côté, je perçois ses propos (2016) avec un oeil sage. S’il ne les avait pas dits, aujourd’hui, il n’aurait pu y revenir et témoigner avec une paire d’yeux différente. Cet homme a une voix importante qui porte et le fait qu’il tienne compte de l’ampleur du phénomène social qu’est le racisme, amène une positivité pour tout effort de changement. Quelle force! Il s’est remis en question, s’est analysé comme non raciste mais qui a condamné trop fort ce sujet si délicat. Impressionnant, son franc parler et sa capacité de nommer, d’écrire, de parler du racisme. Mot qui fait peur à tous. wOw! Bravo Louis, bravo!

  7. Gerthy Laurenstin dit :

    Enfin de la couleur dans votre magazine, qui à mon avis faisait pale figure depuis sa parution. Je salue votre volonté de sauter sur cette occasion de montrer des visages différents que des visages connus de la clique blanche. Par ailleurs, le vrai défi sera de le faire de manière récurrente et non parce que c’est à la mode éphémère et pour avoir bonne conscience. Établie au Québec depuis fort longtemps et consommatrice de culture québécoise, rares où sont les fois que je me suis sentie incluse dans cette Culture (cinéma, théâtre, danse, musique, etc.). Maintenant que vous avez fait preuve d’ouverture en affichant 11 figures de femmes racisées connues. À présent, est-ce que vous pendriez le risque de donner la parole et de mettre en lumière ceux et celles qui font avancer le Québec dans l’ombre (sans faire de jeux de mots ici). Qui travaille au « noir » parce que leur statut n’est pas régularisé. Qui se font refuser des emplois sous le simple le fait qu’ils sont différents, mais bien souvent surqualifiés. Je pourrais continuer longtemps encore. Mais, je pense que vous savez comme moi que le racisme systématique et systémique est bien ancré au Québec et tant et aussi longtemps des initiatives comme les vôtres ne se feront pas. Nous en parlerons qu’uniquement quand cela nous dérange et qu’un autre meurtre ou abus insensés se commettront et que nous soyons spectateurs dans le confort douillet de notre foyer. Félications.

  8. Josée Roy dit :

    Merci pour ce texte. Tu écris bien et juste. Tu mets des mots sur mes pensées.

  9. Julie dit :

    Plus que je te lis, plus que je t’aime ?

  10. Sylvie Laurin dit :

    Emploi, emploi, emploi à tous les niveaux, secteurs et micro groupe. Pour travailler ensemble, il faut partager l’ emploi.

  11. Naveed Hussain dit :

    Merci Louis pour votre attention et votre réflexion sur ce sujet. c’est très apprécié.

  12. Jean-Claude Pelletier dit :

    Excellent texte, bravo

  13. Thierry Bellevue dit :

    Merci M. Morissette pour ce texte rafraîchissant. Très apprécié.

  14. Carole Plouffe dit :

    Cher M.Morissette,

    Bravo, j’ai savouré votre texte ; honnête, franc (j’ai bien aimé le festival du tapon), d’une humilité étonnante . Je vous lis rarement. Je devrai à l’avenir, porter une attention à votre prochain papier … au lieu de tourner la page . Un aveu qui fait mal ?.

  15. Lise tourigny dit :

    Merci pour le texte .j’ai aimée et ca m’est arriver de dire ils chialent pour rien au québec il n’y as pas de raciste.

  16. Pronovost dit :

    Merci Louis pour cet article, en espérant qu’il ouvre le cœur à l’amour et au respect de tous nos pairs, quelles que soient leurs différences, et n’oublions pas que nous aussi sommes différents face à d’autres cultures…

  17. Manon Lussier dit :

    Votre sincérité m’a touchée. Je suis blanche. Mon mari, mes enfants et petits-enfants sont blancs. Mais une de mes grandes amies “fille” est noire, haïtienne. Mon âme sœur, mon ami prêtre lui aussi est noir, du Congo. Des gens adorables. Pas raciste pour cinq cents. Des gens avec le cœur et les valeurs à la bonne place. J’ai été élevée dans le racisme. Dans le temps (j’ai 63 ans), le monde en général était raciste. À l’école j’étais la seule à parler aux noirs. À cause de cela, j’étais laissée pour compte par les blancs. Un souvenir triste qui me rend amère. Le monde tourne mais ne change pas…

  18. Simone Laflamme-Paquette dit :

    Merci pour votre humilité et votre ouverture!

  19. ANDRÉE HAMELIN dit :

    J’aime ton message Louis, modestement un beau modèle pour vos enfants.

    Bravo Vero de le publier.

    Andrée

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