Alors qu’elle souhaitait informer les femmes sur ce qui les attend au tournant de la quarantaine, elle a découvert de véritables aberrations qui ont poussé sa quête à un tout autre niveau…
Véro, quel était l’objectif premier du documentaire Loto-Méno?
C’était d’informer les femmes qui traversent une périménopause, et ceux qui les accompagnent. C’était de dire aux femmes qu’elles ne sont pas seules, qu’elles ne sont pas folles. Parce qu’on est tellement démunies face à ce grand changement-là, lorsqu’on entre dans la quarantaine… Mais, en chemin, je me suis rendu compte qu’il y avait des injustices terribles, notamment que les hormones bio-identiques sont couvertes pour les hommes, mais pas pour les femmes. Pour nous, elles sont considérées comme un médicament d’exception. Pour nous, celles qui sont couvertes par la RAMQ, ce sont les hormones chimiques, qui pourraient avoir des effets nocifs sur notre santé. Aussi, je me suis aperçue que plusieurs médecins reçoivent une formation incomplète. Nous avons besoin que nos médecins, ceux à qui nous confions notre santé en sachent beaucoup plus sur l’importance et le rôle des hormones dans l’ensemble du corps de la femme.
Pourquoi les hormones bio-identiques ne sont-elles pas couvertes par la RAMQ, mais les hormones chimiques oui?
Parce que ce n’est pas payant pour l’industrie pharmaceutique de fabriquer des hormones bio-identiques. Comme elles sont identiques, il n’y a pas de recherche de molécules à faire, pas de développement : il y a juste une recette. Alors que les hormones synthétiques, les chercheurs peuvent en développer à l’infini, en sortir une nouvelle chaque année s’ils le veulent. C’est une question d’argent.
Existe-t-il d’autres traitements que l’hormonothérapie?
Oui et non, quand un médecin reconnaît que les hormones déraillent, ce qu’il fait, c’est de mettre des pansements sur les bobos plutôt que de régler le problème à la source. Donc, on prescrit des antidépresseurs, des anti-inflammatoires, des antiacides, anti-ci, anti-ça… Au final, on se sent un peu mieux, mais nos problèmes sont toujours là. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, de la méchanceté, ou de l’aveuglement volontaire, c’est juste de l’ignorance. Il y a des médecins qui ont pris le virage, mais ce n’est pas la majorité et c’est ça qu’on veut débloquer avec le documentaire.
Par quel genre de montagne russe d’émotions es-tu passée durant le tournage?
L’ampleur de la détresse des femmes en périménopause m’a attristé, mais ne m’a pas surprise. Je suis passée par là et c’est exactement pour ça que je faisais le documentaire. Par contre, j’ai été choquée à quelques reprises, fâchée du non-sens du système. On a avancé dans les études, les recherches, la documentation sur la périménopause, et les femmes représentent la moitié de la population au Québec, donc ça n’a pas de bon sens qu’on soit laissé à nous-mêmes.
À quel genre de détresse fais-tu référence pour les femmes en périménopause?
À un moment donné, l’aspect psychologique prend le dessus, car le déséquilibre hormonal peut aller jusqu’à te faire plonger dans une profonde dépression. Le sentiment de ne pas être entendue, d’être incomprise, c’est très lourd à porter. Et tu finis par t’isoler, parce que tu n’en peux plus toi-même de t’entendre dire que tu es en périménopause. En fait, tu finis par penser que c’est normal. On se dit qu’on doit fermer notre gueule et endurer, parce que c’est censé être comme ça. Mais non, ce n’est pas obligé d’être douloureux, il y a des solutions. Pour moi, c’est aberrant qu’on n’ait pas accès systématiquement aux hormones bio-identiques quand on veut en prendre : on devrait avoir le choix. C’est un non-sens au même titre où on dirait à quelqu’un qui est en dépression de s’endurer, de manger des légumes verts, de faire du yoga, de prendre soin de lui et ça va passer. Ben non!
À un moment, dans le documentaire, tu dis : «je n’aimais pas la femme que je devenais». Peux-tu nous expliquer pourquoi?
Vient un point où tu ne sais plus qui tu es. Tu te demandes où est passée la femme que tu étais quand tu étais plus jeune. Tu finis par te demander si tu vas rester comme ça pour toujours, si tu dois apprendre à vivre avec cette nouvelle personne, sinon, comment retrouver l’autre d’avant. Et moi, ça m’est arrivé alors que je n’avais aucune idée que j’étais en périménopause, c’est paniquant! J’étais monstrueuse, et je pensais que j’allais le rester toute ma vie, jusqu’au jour où j’ai rencontré un médecin qui m’a dit «je peux t’aider».
Le documentaire donne la parole à plusieurs femmes – dont Hélène Bourgeois Leclerc, Marie-Soleil Michon, Guylaine Guay et Anne-Marie Cadieux –, mais toi-même, tu te livres sans filtre, tu ouvres complètement les portes de ton intimité…
J’ai décidé de plonger, parce que ça aurait été malhonnête de rencontrer plein d’autres femmes qui ont souffert de la périménopause, de leur demander de se confier, mais de ne pas le faire moi aussi, sous prétexte que je suis Véro et que je n’ai pas ça, moi, un vagin. Je t’avoue qu’il y a quelques occasions où je me suis demandé si j’avais trop parlé. Après l’entrevue avec mon chum, par exemple, j’angoissais, parce qu’on a dit qu’on avait failli se laisser plusieurs fois… Mais je n’ai rien enlevé par souci de transparence. En fait, beaucoup de gens ont une vision très romantique de notre couple, et le documentaire montre que ce n’est pas juste rose. La chose qui nous a le plus brassés en 20 ans, c’est définitivement ma périménopause.
Comment la population peut-elle s’impliquer et faire avancer les choses?
En signant la pétition qu’on va lancer avec Dre Sylvie Demers, où on demande que les hormones bio-identiques soient couvertes par la RAMQ et que le traitement de la périménopause soit obligatoire dans la formation des médecins. Et il faut en parler à son médecin pour essayer de se faire entendre. Bref, j’espère qu’ensemble, on va être capable de pousser sur la pierre pour qu’elle déboule la pente et fasse un effet boule de neige.
Les trois épisodes de Loto-Méno seront en ligne dès le 21 juin sur ICI Tou.tv Extra.
Je veux signer la pétition.
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Photos : Gracieuseté ICI TOU.TV