Définition de la rancune selon le dictionnaire Larousse: «Sentiment d’animosité durable et caché, souvent accompagné du désir de se venger, que quelqu’un porte à quelqu’un d’autre dont il estime avoir eu à se plaindre:
“Il lui a gardé rancune de cette injustice.” Force est d’avouer que lorsqu’on lit cette définition, la rancune semble un défaut vraiment ignoble. Au minimum, on va s’entendre pour dire que c’est un état passablement négatif. Mais curieusement, j’y vois une certaine noblesse. Vous aurez vite compris que mon entourage me décrit comme quelqu’un d’assez rancunier. Je vous balance cette confession avec une généreuse dose de légèreté, mais je dois préciser que me faire avouer ce trait de caractère a pris des années à la jolie dame sur la page couverture. Parce que la rancune est socialement perçue comme le petit cousin loser de la méchanceté; c’est le machiavélique de la famille, c’est laid et ça rime avec amertume. Le rancunier vit seul dans un appartement miteux en préparant un plan qui implique une vengeance sordide et d’affreuses souffrances pour sa victime. Évidemment, je ne suis pas cette personne. Je ne passe pas mes journées à faire l’inventaire des gens à qui je réserve un chien de ma chienne. Je passe l’éponge. sur 99 % des conflits qui m’ont exaspéré ou qui m’ont laissé l’impression que j’avais été lésé. Que ce soit en discutant avec les gens concernés ou en tournant la page, je réussis facilement à lâcher prise, car la vie est remplie d’irritants, alors mieux vaut ne pas toujours s’en formaliser. Avoir une mémoire de truite m’aide également beaucoup à passer à un autre appel.
Reste le 1% de gens nauséabonds. Des gens qui ont abusé de leur pouvoir, de leur tribune, qui ont été d’une profonde mauvaise foi ou qui ont tout bonnement essayé de m’enfarger. J’en parle ici au «je», mais ça touche également les gens que j’aime. Tu t’en prends à ma femme, à mes enfants ou à mes amis proches… et t’as pas idée à quel point la truite Morissette a la mémoire sélective. Oui, dans ces cas-là, je deviens intraitable et tranchant. Rassurez-vous: je ne prépare pas de plans de vengeance dans mon sous-sol, je n’ai pas de jeu de dards avec des faces de gens que vous connaissez sur la cible. Mais je n’oublie pas. Et oui, j’ai un petit calepin noir où figurent quelques noms écrits à l’encre indélébile.
«Certaines personnes ne sont plus les bienvenues dans ma vie, dans mon cercle rapproché. Peu importe leur statut social ou ce qu’elles pourraient m’apporter.» Plusieurs personnes (allo Véro!) me répètent: «Bah, Louis… T’as pas de temps à perdre avec ça. Pis ça donne rien de ruminer cette énergie négative.» C’est pas complètement idiot comme philosophie. Et je l’applique 99 % du temps. Car il est vrai que broyer du noir finit par nous faire tout voir en noir. Et le positivisme attire les choses positives. Je crois en ça. Je suis un Jean-Marc Chaput à mes heures. Je ne passe donc pas tout mon temps à maudire des gens. Je cultive la zénitude… mais il reste le 1 % que je n’oublie pas.
Simplement parce que JE NE VEUX PAS OUBLIER. Plate de même. Parce que les actions de ces gens-là jouent dans mes principes, mes valeurs. Ça chicote ma soif de justice et d’équité. Parce que certaines personnes méritent de payer pour leurs paroles et leurs agissements. Parce que fermer les yeux, c’est piler sur ses principes.
Parce que passer l’éponge me donnerait l’impression d’être une guidoune sans morale. Parce que si personne n’en parle, ces gens-là vont continuer d’abuser. Parce que certaines choses méritent de ne pas être oubliées. Une amie de Véro disait: «J’aime mieux manger mon steak haché debout qu’un filet mignon à genoux.» Ça résume ma pensée. Certaines personnes ne sont plus les bienvenues dans ma vie, dans mon cercle rapproché. Peu importe leur statut social ou ce qu’elles pourraient m’apporter.
Parce que tu m’as blessé, parce que t’as blessé des gens que j’aime, parce que tu es une mauvaise personne. La poète Marie-Mai chantait: «Le karma saura s’occuper de toi.» Mais moi, je ne prends pas de chance: le karma, je le page pour être certain qu’il ne t’oublie pas.
Parce que la rancune n’est peut-être pas le cousin loser de la méchanceté. Et si c’était le petit cousin courageux du bon gars qui n’ose pas déranger?
Définition de la rancune selon Louis Morissette: «Y a pas une promotion, un montant d’argent ou une opportunité qui va me faire oublier combien tu as manqué de respect envers ma personne ou des gens que j’aime. Pis ça va te revenir.»
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