Vingt ans séparent Sylvain Cossette et Andrée, il y a douze ans entre Manuel Hurtubise et Julie, puis dix entre Martin Juneau et Valérie. Ces trois hommes sont très bien placés pour discuter des avantages, mais également des moins bons côtés de fréquenter une «p’tite jeunesse»!
Il y a des sujets plus délicats que d’autres. Par exemple, je n’ai eu aucun problème à dénicher des invités pour parler de leur vie sexuelle, de la paternité ou même du rapport qu’ils avaient avec leur corps. Mais cette fois, quand est venu le temps de trouver des hommes dont la conjointe est beaucoup plus jeune, ça ne s’est pas bousculé au portillon. La gêne et les préjugés associés au phénomène, le jugement des autres aussi expliquent sans doute cette difficulté.
Et pourtant, pendant tout l’entretien, les participants ont tenu des propos candides, honnêtes, souvent drôles, ne traduisant qu’amour et respect envers leur partenaire.
L’histoire la plus connue est celle de Sylvain Cossette et d’Andrée Watters. Le couple naissant avait alors défrayé la chronique, bien sûr parce qu’elle était populaire, mais aussi et surtout parce qu’elle était beaucoup plus jeune que son Roméo.
«D’abord, il faut que je précise que je n’ai jamais fantasmé sur les femmes plus jeunes, explique le chanteur. Ce n’est pas un pattern. J’ai été 25 ans avec la même fille. Mais quand j’ai senti qu’il se passait quelque chose avec Andrée, j’étais en train de me séparer, je m’en allais vivre tout seul pour un bout… Et là, elle et moi on s’est dit: « Non, ça se peut pas… » On a tout fait pour ne pas que ça marche. On a essayé de s’éloigner l’un de l’autre, mais la vie nous rapprochait toujours. À un moment donné, y a fallu qu’on se rende à l’évidence qu’on était faits pour vivre ensemble. Mais c’est déstabilisant pareil. Vingt ans de différence, c’est pas rien…»
«Pour moi, c’est drôle, c’est le contraire, réagit Martin. On n’a jamais vraiment parlé de cette différence d’âge, Valérie et moi. Autour de nous, les gens en parlent un peu plus, parce que j’ai l’air plus vieux à cause de mes cheveux gris et que ma blonde fait pas mal plus jeune que ses 28 ans. En fait, la seule qui m’ait questionné là-dessus, c’est mon ex, la mère de mes deux enfants. Rien de majeur, cependant, puisqu’elle s’est rapidement rendu compte que quelque chose se passait.»
«J’ai toujours préféré fréquenter des filles plus jeunes, affirme Manuel. Ma blonde a 12 ans de moins que moi, et celle d’avant en avait 14 de moins. J’ai un principe dans la vie: il ne faut jamais laisser passer la chance d’aimer quelqu’un juste à cause d’une différence d’âge. Par contre, c’est pas facile. La pression sociale, le jugement des autres, ça vient avec. Mais si on sent qu’on est à la même place, malgré cette différence d’âge, why not?»
La critique est unanime
Qu’on le veuille ou non, un couple dont l’homme est plus âgé va toujours attirer son lot de critiques, de bonnes vieilles blagues et de clichés du genre: «C’est clair qu’elle est avec lui pour son argent»; «Sa blonde pourrait être sa fille»; «C’est donc bien « chien » pour son ex»; «Un autre qui est habité par le démon du midi», etc.
«Évidemment, les réactions n’ont pas été super positives dans le public, convient Sylvain. J’ai vu plein de jugement dans le regard des gens. Y en a même qui venaient me voir pour me dire que c’était pas correct ce que je faisais. Ç’a été dur pour Andrée aussi. Sur le coup, tu te dis, voyons, y a rien là… Mais avec le recul, je repense à la réaction de mes filles, à celle des parents d’Andrée. Je les comprends. J’ose à peine imaginer un homme de 45 ans venir cruiser ma fille qui est dans la mi-vingtaine. C’est troublant, un peu. J’ai entendu et lu tellement d’affaires méchantes, j’ai été victime de tant de blagues poches, poursuit-il. Ça devient si stupide que t’en ris. Mais comme pour n’importe quoi, y a des journées où t’as pas envie de te taper ça. En général, cependant, on vit bien avec ça et on s’en sacre: le pire est passé. Parce que soyons honnêtes, au départ, ma famille immédiate, mes amis, mes enfants… tout le monde nous a jugés, tout le monde était plus ou moins content de cette affaire-là. Je représentais pour plusieurs la stabilité familiale.»
Pour de nombreux fervents de psycho pop 101, une femme qui se love dans les bras d’un homme plus vieux est sans doute à la recherche de son père, étant incapable de couper le cordon ou meurtrie par un départ paternel précipité et déchirant… Jouez le jeu: un soir que vous serez au resto et que vous verrez une jeune femme au bras d’un homme mûr, analysez les réactions autour de vous. Je suis convaincu que vous constaterez rapidement que peu de gens souligneront simplement l’amour qui semble les animer.
«Heille, j’ai juste une chose à dire aux gens qui pensent ça et c’est qu’ils mangent de la marde, s’emporte Manuel. Sérieusement. À l’inverse, on ne dit pas de Patricia Paquin qu’elle recherche son fils parce que son mari a 15 ans de moins qu’elle! Ça se peut qu’une fille ait envie d’un gars plus vieux pour autre chose que son argent. Peut-être qu’elle cherche un gars plus mûr, avec plus de vécu et prêt à s’engager. Mariage, bébé, maison, j’étais rendu là et je pense que c’est ce que Julie voulait. Pour moi, c’est important d’avoir des projets.»
«Ma blonde a beaucoup d’énergie, c’est clair, enchaîne Martin. Mais on se ressemble quand même sur ce plan. Ce qui m’a fait réaliser que j’étais plus vieux que Valérie, c’est quand sa mère s’est demandé si j’allais pas m’entendre mieux avec elle! Il y a la même différence d’âge entre Val et moi qu’entre sa mère et moi… Je n’avais jamais pensé au facteur de l’âge. Y a fallu que sa mère le fasse remarquer pour que je m’y attarde.»
Horloge biologique
Sylvain et Martin se sont séparés de leur conjointe respective alors qu’ils avaient chacun deux enfants. Dans leur tête, la descendance était chose du passé. Terminé, merci, on passe à d’autres projets. Martin l’avait carrément dit dans un magazine: la carrière était exigeante et il n’aurait pas d’autres enfants… «Ç’a été une des premières questions de Valérie: « Serais-tu prêt à avoir d’autres enfants? » On dirait que pour se commettre, pour embarquer, elle avait besoin de le savoir rapidement, question de ne pas frapper un mur par la suite. Alors je n’ai pas eu le choix de laisser la porte ouverte… Cela dit, elle a la chance de voir ce que ça représente d’avoir des enfants puisqu’elle se donne à fond pour mes deux filles. Elle constate ce que ça peut demander comme énergie, ce que veut dire conciliation travail-famille. Mettons qu’elle est moins pressée…»
«Andrée ne voulait pas d’enfant. L’an dernier, elle a eu un blues de bébé et on a beaucoup discuté. On est allés vraiment loin dans toute la recherche scientifique puisque je me suis fait vasectomiser après la naissance de ma deuxième fille. C’était un gros engagement, mais j’étais ouvert. J’ai toujours été un trooper donc c’était correct. Aujourd’hui, je commence à être moins sûr. J’ai 52 ans. J’aurais un ado à la fin de la soixantaine… C’est rock’n’roll pas mal. Faudrait vraiment qu’elle ait une envie exceptionnelle d’avoir un enfant.»
«Oui, parce que même là, faudrait que tu passes à travers tout le processus de te faire rebrancher le canal famille, l’interrompt Manuel. Ça ne se fait pas comme ça…» «Exactement, c’est pas un processus simple et surtout pas garanti, acquiesce Sylvain. Parfois, je regrette de ne pas avoir fait congeler un peu de semence…»
Sous la couverture…
On arrive à l’inévitable question du sexe. Une femme atteint le sommet de son appétit sexuel à la fin de la trentaine, alors que celui de l’homme est sur une pente descendante à compter du début de la vingtaine. Pas évident de suivre le rythme lorsqu’on affiche cinquante balais au compteur et que notre copine espère une cadence digne de sa trentaine.
«Je l’assume pleinement, affirme sans gêne Manuel. Ça paraît déjà dans le couple. Elle est dans son pic sexuel en ce moment et moi, pas pantoute. Je suis fatigué. Le soir, un câlin, ça me convient. Mais oui, ça me fait peur. À l’occasion, je me dis que si ça continue, peut-être qu’elle va se tanner. Sérieusement, ça me ferait de la peine, mais je l’accepterais.»
«J’ai beaucoup pensé à ça quand j’ai eu mes problèmes de santé et depuis que je dois prendre ma chaudière de pilules chaque jour, renchérit Sylvain. Ça a changé ma vision de la vie. Mais honnêtement, du côté sexuel, tout va bien. C’est juste qu’on travaille tellement fort que notre tête est souvent prise ailleurs. Le sexe est pas mal moins important que quand on s’est rencontrés. Elle me met zéro pression. Faut pas non plus croire qu’on est dans un roman d’Alexandre Jardin. Y a pas que ça dans la vie.»
Et toi, Martin? Pour l’instant, c’est bon, t’as 38 ans et ta blonde en a 28. Tout baigne. Mais dans 10 ans, alors qu’elle sera dans son pic et que tu auras 48 ans… Y penses-tu? «Oui, c’est sûr que j’y pense. Là, c’est correct, ça ne fait que quelques mois qu’on est ensemble, mais viendra un temps où je devrai assurer, c’est évident. On dirait même des fois que j’essaie de compenser. Peut-être parce que ses ex avaient tous son âge? Je ne sais pas ce qu’elle vivait avant moi. Mon but en ce moment, c’est que la différence d’âge ne devienne jamais un argument.»
«Faut aussi comprendre qu’il y a des couples de 20 ans qui font l’amour une fois par semaine, ajoute Sylvain. Ce n’est pas parce que t’es jeune que t’es nécessairement super active. Le désir sexuel, c’est personnel. En tous cas, moi je ne pourrais pas être avec une nymphomane qui veut faire ça trois fois par jour. Faut que j’écrive des tounes!»
Les critiques, la peur de partir avant l’autre, les railleries, les complexes sexuels. Autant d’éléments qui ne sont pas simples à négocier lorsqu’on fréquente une femme plus jeune. Et pourtant, j’ai eu devant moi trois hommes profondément amoureux. Bien loin des clichés du one night stand, de la baise facile et de la jeune Barbie. Et c’est sans doute ce que je retiens de ces 90 minutes d’entretien. Au-delà de toutes les analyses, une seule prévaut vraiment et c’est l’amour auquel nos trois gars carburent.
«Lorsque ça fait longtemps que tu es en couple, tu portes toute la lourdeur de la vie sur tes épaules, termine Sylvain. Les enfants, le budget, les responsabilités, tout le sérieux de l’existence. En 2003, lorsque j’ai gagné le Félix de l’interprète de l’année, j’étais sur scène et je me disais: « Bon, je suis peut-être rendu à la retraite. » J’avais 40 ans. J’étais bien assis sur mes acquis. Et un jour, tu changes de vie et automatiquement tu changes ton discours, tes vêtements, tes cheveux, ton char, ta maison… Je ne veux surtout pas rabaisser les vieux couples ou les femmes de mon âge, mais je pense qu’on a le droit d’avoir plusieurs vies. Ma blonde me le dit souvent: la vie est courte.»
«Tu dis ça et ça me fait réaliser que sans aucune prétention, j’ai pas mal atteint tous les objectifs que je m’étais fixés en cuisine, ajoute Martin. Alors de voir quelqu’un de plus jeune qui a plein d’ambition, qui est motivé, qui se donne les moyens pour y parvenir, c’est super inspirant. Ça me donne l’envie de me trouver de nouveaux défis.»
«Vous avez bien raison, conclut Manuel, même si des fois, le clash culturel est épouvantable. %*#$*, ma blonde connaît même pas Goldorak!»
Les trois se sont esclaffés! Les trois se comprenaient très bien, tout comme ils se savaient très chanceux d’être aussi amoureux… point à la ligne.
Photo: Martin Girard
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