Ces femmes qui nous inspirent : Louise Bombardier

Louise-Bombardier
26 Juil 2021 par Émilie Villeneuve
Catégories : Culture / MSN / Oser être soi / Véro-Article
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Elle a presque 40 ans de métier et sa présence sur scène ou à l’écran ne laisse personne indifférent. Rencontre avec Louise Bombardier, une actrice marquante, une femme de lettres aux opinions tranchées et un livre ouvert plein de bon sens.

Vous avez l’air en pleine forme, Louise! Qu’est-ce qui vous met en joie par les temps qui courent?

J’ai eu la chance de faire quelques lectures au théâtre durant la dernière année et je tourne un projet bientôt. Ce qui me rend heureuse, c’est de retrouver le monde, de travailler avec d’autres humains. C’est une vraie récompense.

J’ai envie de vous demander, du même souffle, ce qui vous révolte en ce moment…

Le fait qu’on est en train de perdre notre culture! On n’en fait pas assez une source de fierté – et là, je pars sur une diatribe politique –, car si notre différence en tant que Québécois nous rendait fiers, on aurait fait de la culture un service essentiel durant la pandémie! Nous, les artistes, on est tout en bas de la liste des priorités. Nos dirigeants sont des comptables pour qui les chèques, c’est plus sexy que les mots.

Les mots, ça vous connaît. Vous avez écrit plusieurs pièces de théâtre au fil des années. Quel est le thème récurrent dans votre œuvre?

La marginalité. J’ai toujours souffert de marginalité et, souvent, mes personnages sont des gens qui ont de la difficulté à se faire comprendre. Je viens d’un milieu d’analphabètes où les gens ont peur, parce que quand tu ne sais pas lire, tu ne contrôles pas ta vie. Je porte tout ça en moi.

louise-bombardierVos parents ne savaient pas lire?

Mon père, pas du tout. Ma mère, au départ, un tout petit peu. Je lui ai appris à lire, je crois. Plus tard, elle est devenue une grande lectrice, un peu extrême sur les bords. J’ai de qui tenir! Je trimballe un genre de syndrome de l’imposteur par rapport à ça. Je ne suis pas tellement plus instruite que mes parents, mais grâce à la Révolution tranquille, j’ai connu le monde. Il faut comprendre que ma mère, à cause de son caractère, était une personne marginale. Elle était spéciale et peut-être pas très douée pour se lier aux autres. Moi, j’ai développé l’aspect contraire, pour ne pas souffrir de solitude. C’est là que le théâtre est arrivé. L’écriture et le jeu, le plaisir d’être sur scène avec des amis et de rejoindre les gens… Je suis grégaire, j’aime le monde. Quand je crée en équipe, c’est là que je suis le plus heureuse.

Avez-vous un projet d’écriture en gestation?

C’est drôle parce que j’ai toujours écrit et qu’en vieillissant, on dirait que je me tanne de moi- même… Il faudrait qu’un sujet m’interpelle assez pour que j’investisse du temps là-dessus.

Vous parlez du temps qui passe et de sujets qui vous interpellent. On se souvient de ce «micro ouvert» en 2016, à l’émission Plus on est de fous, plus on lit, où vous dénonciez l’âgisme à la télé. C’était assez saisissant comme constat! Est-ce que les choses ont évolué, selon vous?

Non. J’ai maintenant 67 ans et on me choisit pour jouer des femmes de 75 ans parce que je ne suis pas «retouchée». Les caméras sont très ingrates et montrent les signes du vieillissement. Les rôles qu’on m’offre sont soit celui d’une grand-mère avec une petite voix fragile, soit celui d’un personnage qui va mourir. C’est très rare, les beaux premiers rôles complexes et jouissifs pour une femme de mon âge.

Je me demande de quelle façon ça peut jouer sur notre propre perception du vieillissement, en tant que téléspectateurs…

Voilà! C’est comme s’il n’existait que deux options. Soit tu es jeune et en santé, soit tu t’en vas au CHSLD et on ne te revoit plus. Il faut changer ça, ouvrir les portes des résidences et montrer que les gens de 80 ans peuvent être autant sinon plus intéressants que les personnes de 30 ans! Dans le milieu de la télé, j’ai entendu des choses comme: «C’est pas sexy, la vieillesse.» Je trouve que c’est vraiment une vue de l’esprit. Moi, je trouve que Janette Bertrand est très sexy, sexy d’intelligence! On n’est pas juste notre corps. Tout le monde parle de son corps, tout le monde va au gym, mais le sexe-appeal, c’est aussi dans la tête!

Comment doit-on s’y prendre pour changer les choses?

Je suppose qu’il faut que le public demande à voir d’autres visages. Ça va venir, un jour, probablement du privé. Un petit truc qui va devenir populaire. Les institutions et les productions vont se rendre compte que c’est ce que le public attend. Pour changer les choses, il faut que les créateurs osent, mais surtout que les décideurs aient de la vision.

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Est-ce que vos cheveux blancs sont une sorte de prise de position par rapport à cet enjeu?

Non. C’est tellement une question de goûts personnels, cette histoire-là. La vérité, dans mon cas, c’est que ma décision est d’abord économique. Un moment donné, tu deviens esclave de ta repousse et, pour être raccord entre les tournages, tu ne peux pas rater un rendez-vous chez le coiffeur. Ensuite, ça devient une question de liberté et d’être en phase avec moi-même. Mais bon, c’est certain que ça fait en sorte qu’on m’offre plus de rôles de grand-maman! (rires)

Est-ce que votre look a évolué avec les années? Êtes-vous du genre à penser que vous ne pouvez plus porter tel ou tel vêtement?

Pas du tout! En fait, j’ai toujours été très «guenille», c’est-à-dire que je m’amuse beaucoup avec les vêtements et les bijoux. Et je suis très moody. Ça change en fonction de mon état d’esprit. J’ai un côté très classique et, en même temps, j’aime quand ça clashe un peu. Des chaussures qui flashent avec des perles blanches. Tu sais, du Chanel avec quelque chose qui détonne. Parfois, je vais enfiler un vêtement très fantaisiste. C’est une autre manière de m’exprimer et même de créer. Ça me fait du bien!

Son actu

Louise jouera dans la télésérie Après, qui sera diffusée cet été à ICI TOU.TV.

Propos recueillis par Emilie Villeneuve
Photographe Andréanne Gauthier
Stylisme Claude Laframboise
Mise en beauté Virginie Vandelac
Assistante-photographe Vanessa Brossard

Coordonnatrice Claudia Guy

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  1. Claudette dit :

    On me dit que je lui ressemble beaucoup

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