J’ai attrapé Marie Denise Pelletier au téléphone quelques minutes après sa séance photo pour ce numéro du magazine VÉRO. «Je me suis tellement amusée! s’exclame-t-elle. Ça faisait trois ans que je n’avais pas fait de photos. La dernière fois, c’était pour l’affiche du spectacle Pour une histoire d’un soir.» À ce moment précis, elle était loin de se douter qu’une vague d’amour l’attendait dans le détour, une vague qui continue de la porter et qui la mènera sur les scènes – avec Marie Carmen et Joe Bocan – aux quatre coins du Québec jusqu’à la fin de 2022.
Marie Denise, je dois te dire d’entrée de jeu que j’ai vu Pour une histoire d’un soir le 6 février 2020, à LaSalle…
Oh wow! C’était la toute première représentation! Il va falloir que tu reviennes, on en a fait presque 50 depuis… le spectacle a plus de vécu!
J’imagine que ça devait être une soirée où vous étiez toutes très fébriles, mais moi, comme spectatrice, ce que j’ai ressenti n’était pas de la fragilité, c’était de l’empowerment…
C’est drôle, tu n’es pas la seule qui nous a dit ça. Je pense que c’est parce qu’on est trois femmes d’un âge certain. On n’est plus des jeunesses, mais on est en pleine possession de nos moyens. Et surtout, on a beaucoup de plaisir à être ensemble, à pratiquer notre métier. Il y a une dimension qui va au-delà du simple spectacle, et c’est peut-être ça que tu as ressenti.
Quatre jours plus tôt, il y avait Jennifer Lopez à la mi-temps du Super Bowl. Tout le monde s’extasiait devant sa performance, sur le fait qu’elle soit toujours aussi belle et sexy à 50 ans. Moi, j’avais plutôt ressenti une grande fatigue. Je me disais: «Il va donc falloir que je sois encore dans la course à la jeunesse éternelle?» Puis, j’arrive devant toi, Marie Carmen et Joe Bocan sur scène, et j’ai trouvé ça aussi énergisant que rassurant. Vous êtes des modèles qu’on ne voit pas assez.
C’est sûr que J.Lo a une énergie extraordinaire, c’est une femme à part. L’énergie de ma jeune soixantaine est très certainement différente, mais aussi plus incarnée. On est plus dans la profondeur, moins dans le superficiel. La profondeur vient avec un certain allègement de choses dont on n’a plus besoin au fil du temps. On choisit nos batailles et on a fait bien du ménage, rendues à notre âge. Très souvent, ce sont les coups durs qui nous font réaliser qui on est réellement et de quel bois on se chauffe.
Est-ce que tu penses à une période en particulier?
Quand le succès m’est tombé dessus du jour au lendemain, à l’âge de 26 ans, ç’a été extrêmement difficile. J’ai trop travaillé, j’ai fait un burnout. J’ai dû faire des choix très jeune: oui, j’aime ce métier, mais pas à tout prix. Pas au prix de ma santé. Je suis contente aujourd’hui, parce que je récolte les fruits de cette décision. Mon travail, en soi, c’est une thérapie. Chanter est vraiment thérapeutique. Je me suis toujours servie du choix de mes textes de chansons en conséquence.


Pour moi, c’est voir des spectacles qui est thérapeutique. Ressens-tu le bien que vous faites au public?
C’est magique! En plus, avec la pandémie, c’est encore plus fort. Les gens arrivent déjà avec une charge émotive, car ils ont été privés de tant de choses. C’est étonnant de découvrir la trace que nos chansons ont laissée. Elles ont marqué des générations et elles sont encore pertinentes. Je pense à Inventer la Terre et à Repartir à zéro, deux pièces qui étaient en avance sur le propos à l’époque. C’est pour ça que ce n’est pas un show nostalgique.
Comment retourne-t-on chez soi après un spectacle comme celui-là?
En étant sur un petit nuage. Je te l’avoue, je flotte en permanence. C’est un beau cadeau de la vie et je ne le tiens pas pour acquis. On est aussi très étonnées, car il y a beaucoup de jeunes qui viennent nous voir. On espérait que ça marche bien, mais on voulait surtout qu’il ait un sens, ce show-là. Le sens s’est révélé par notre rencontre. C’est ça, le «oumph» de plus. On n’est pas juste trois chanteuses qui viennent interpréter leur tounes, on est trois complices qui ont du fun à être ensemble. On pleure de rire en essayant de se mettre des faux cils dans la loge. Et on transporte cette joie sur scène.
Je te sens un peu comme la force tranquille du trio, Marie Denise. Acceptes-tu cette étiquette?
J’ai mon côté Bélier, ce qui fait peut-être de moi une leader naturelle, mais je ne suis pas la boss! J’apprends beaucoup de ces filles-là. Marie Carmen m’a aidée dans le rapport avec le public. Elle est tellement connectée, on dirait qu’elle a un cordon ombilical qui la lie à son public. Je suis peut-être aussi la moins émotive des trois, mais j’ai pleuré à presque tous les spectacles. Des ovations debout pendant plusieurs minutes, c’est très remuant.
Qu’apprends-tu sur toi durant cette tournée?
Énormément de choses. Malgré l’expérience, on se pose toujours des questions: «Est-ce que je suis pertinente? Est-ce que j’ai encore ma place?» Le doute fait partie de ce métier, on est abonnées à ça, mais ce show-là m’apporte beaucoup de confiance en moi. Le moment où je m’avance dans le silence avant de faire la portion a capella de Tous les cris les SOS, ça m’a donné une assurance que je n’avais pas auparavant. Maintenant, je peux même habiter le silence. Quelle chance d’apprendre encore, même après 40 ans de métier!
SON ACTU
La tournée Pour une histoire d’un soir se poursuit partout au Québec en 2022.
Photos Marjorie Guindon
Stylisme Jennifer Finkelstein
Maquillage Bruno Rhéaume
Mise en beauté Cynthia Bouchard
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