Christine Beaulieu: électron libre

27 Avr 2021 par Manon Chevalier
Catégories : Culture / MSN
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Comédienne, dramaturge, productrice, citoyenne engagée... l’inspirante Trifluvienne a décidément tous les talents.

Depuis qu’elle nous a électrisés avec sa pièce à succès J’aime Hydro, le courant passe entre Christine Beaulieu et les Québécois. Ce n’est d’ailleurs pas près de s’arrêter, puisqu’elle nous entraîne joyeusement dans L’œil du cyclone. Entretien sur l’amour, l’engagement et le bonheur avec une femme de plus en plus libre.

Ce qu’il a de fabuleux chez Christine Beaulieu, c’est que son éclat ne l’emprisonne pas. Sa beauté singulière sert son talent, sans jamais le précéder, pour mieux incarner toutes les facettes de la féminité. Des preuves? Après son personnage de bimbo époustouflante dans Le Mirage, la comédie dramatique de Ricardo Trogi et Louis Morissette qui l’a propulsée en 2015, elle se révèle franchement naturelle sur scène dans J’aime Hydro. À bout de souffle dans la télésérie Lâcher prise, elle affiche un visage froid dans Hubert et Fanny, puis une allure ambigüe dans Cerebrum. Des rôles aux antipodes les uns des autres, qu’elle a pourtant tous su endosser comme une seconde peau.

Au moment de notre entretien, L’œil du cyclone – la nouvelle comédie à sketches où elle incarne une mère qui élève seule ses trois enfants –, sera diffusée dans quelques jours à peine. La fébrilité de la comédienne est palpable au bout du fil. «Je suis excitée, joyeuse, heureuse! Ce projet-là, c’est du bonbon! J’y tiens le rôle principal d’une comédie pour la première fois de ma vie… à 39 ans! Un rêve!» dit-elle avec effusion, avant de souligner à quel point elle a été rigoureuse et exigeante envers elle-même tout au long du processus. «Un rôle principal entraîne plus de responsabilités. Tu portes la série sur tes épaules. C’est le fun! Si c’est un succès, tu reçois les fleurs. Mais si ça marche pas, tu peux recevoir le pot», laisse-t-elle tomber avec lucidité, tout en chassant l’idée.

La comédienne est allée puiser au fond d’elle-même pour incarner Isabelle Gagnon, sa pétillante quadra qui en a plein les bras. «J’ai cherché une fibre très personnelle, très intime… Comme on est dans l’humour, il fallait que je laisse s’exprimer ma p’tite tannante intérieure. Que je laisse advenir ces traits de fantaisie que je montrerais normalement juste à mon chum et à mes proches.» Pari tenu. Ni mère indigne ni à boutte, son personnage de «femme plutôt conservatrice, pudique et mère poule» est franchement rafraîchissant.

Pour l’interpréter avec le plus de justesse possible, Christine, qui n’a pas d’enfant, s’est inspirée de ses sœurs, de ses cousines et de ses amies qui jonglent avec la marmaille, le boulot, l’amitié et la charge mentale. La vie, quoi! Et pour la rendre encore plus piquante – à l’écran, s’entend –, Isabelle, une organisatrice de mariages, doit composer avec son ex, un éternel ado que campe avec brio Patrick Hivon. «On comprend qu’Isabelle l’a laissé parce qu’elle n’en pouvait plus de son côté irresponsable. Ça lui faisait un quatrième enfant à élever! [rires] Mais elle a encore une attirance folle pour lui. Elle le trouve aussi irrésistible qu’in-sup-por-ta-ble. Ce qui est beau, c’est que la séparation n’en a pas fait des ennemis.»

L’œil du cyclone marque aussi le retour à la comédie de Véronique Cloutier, qu’on n’avait pas vue jouer depuis la minisérie Music-Hall, en 2002. «Véro? C’est d’la bombe! Une trooper à l’énergie incroyable et une partenaire de jeu formidable. On ne se connaissait pas [avant le tournage] et on est vite devenues des alliées. Elle joue Éliane, ma sœur extravertie, devant laquelle ma mère, jouée par la délicieuse Danielle Proulx, est en extase. Ça marche au boutte!»

Amour, égalité, solidarité

Très vite, on en vient à parler de J’aime Hydro, la pièce documentaire qu’elle a écrite, jouée et coproduite. Depuis sa création en juin 2016, encensé tant par la critique que le public et maintes fois récompensé, ce feuilleton politique braque les projecteurs sur notre relation d’amour-haine avec la société d’État québécoise. Là-dessus mais pas seulement, puisque Christine Beaulieu s’y dévoile avec une candeur désarmante.

Avec le recul, et pour l’avoir vu à deux reprises, j’en viens à lui demander si, au fond, cet ovni théâtral ne serait pas un manifeste sur le courage. «C’est aussi ça, en effet! Car ça demande du courage de laisser transparaître sa vulnérabilité, et c’est ce que j’ai dû faire dans cette pièce. Je me suis présentée comme une citoyenne pleine de candeur qui se lance, ignorante, dans une enquête et qui poursuit son aventure malgré ses doutes. Comme femme, il m’a aussi fallu dévoiler de nombreux pans de mon intimité. À ce moment-là, mes amours étaient instables et c’était très difficile pour moi d’exposer ça sur scène. Pourtant, tout le monde a vécu une peine d’amour dans sa vie. Alors pourquoi ne pas le montrer dans la pièce?»

Ce qu’elle a fait. Sans toutefois révéler que l’objet de ses tourments d’alors était Roy Dupuis, avec qui elle est toujours en couple depuis sept ans. Aujourd’hui, après que la pièce l’a entraînée un peu partout au Québec et à Nantes, en France, d’où elle est revenue précipitamment à cause de la pandémie, son cœur d’amoureuse est serein. «Ça va mieux que jamais entre nous deux. Ça se développe de belle façon!» se réjouit-elle, en faisant allusion à son compagnon, toujours sans le nommer.

Et ça se comprend. De un, parce qu’elle n’avait pas envie, à l’époque, de présenter son couple aux prises avec un «début de parcours rocailleux». Et de deux, parce qu’elle refusait de se laisser définir comme «la blonde de». «Ma relation avec mon amoureux, je l’assume. On est ensemble. Je ne suis pas dans son ombre et il n’est pas dans la mienne», tranche-t-elle, tout en faisant valoir à quel point notre partenaire est souvent la personne qui nous challenge le plus. Et à quel point on ne pense pas toujours comme lui. Même quand il s’agit d’un ardent défenseur de la protection des rivières? «Voyons donc, qui est toujours en accord avec l’opinion de son chum? [rires] En tout cas, pas moi! Nous deux, on se challenge souvent, on aime ça. On est à égalité. On est face à face.»

Qu’est-ce que l’amour lui a appris, au fil de sa relation avec Roy? «Ah, que je suis une amoureuse! Que l’amour, c’est la plus belle chose sur terre! Oui, c’est dur parfois, mais je préfère vivre une peine d’amour déchirante plutôt que de ne pas connaître l’amour.» N’empêche, comme elle l’avoue spontanément, elle a mis du temps à pouvoir s’abandonner. «En tant que comédienne, tu dévores pendant plusieurs années les plus grandes histoires d’amour. Roméo et Juliette, Phèdre et Hippolyte, Cyrano et Roxane… Et puis un jour, j’ai brûlé d’envie de vivre ces sentiments-là et de ne pas juste les jouer!» La digue a donc cédé. «L’amour, c’est une chance. Ça n’a rien de logique. Ça te tombe dessus, ça t’emporte, ça te renverse…», raconte-t-elle avec une réjouissante volubilité.

Le bonheur en soi

Quant à sa vision du bonheur, elle a longtemps rimé avec l’intensité et l’espoir qu’il se pointerait plus tard, une fois qu’elle aurait réalisé ses rêves, confesse Christine. «Maintenant, pour moi, le bonheur, c’est de vivre pleinement. Les joies comme les peines. La vie, c’est exaltant, périlleux, vertigineux, affolant! Ça ne peut pas être juste le fun. Dès que tu l’acceptes, il peut même y avoir une part de bonheur dans les épreuves, car tu réalises alors combien tu es vivante! Là, tu peux toucher au bonheur.»

Cette illumination, elle l’a eue en janvier 2020, avant de monter sur la scène mythique du Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts pour y jouer J’aime Hydro. «Ce soir-là, j’étais épuisée, paniquée. J’avais une boule dans la gorge et je voulais juste pleurer.» C’est après avoir entendu la voix douce de son appli de méditation lui dire «Ne combats pas ton angoisse, accepte-la, fais avec» que son esprit s’est éclairé. «Au lieu d’essayer d’étouffer mes peurs, j’ai pris ma boule dans le ventre et je l’ai chérie. Je lui ai dit: “Viens-t’en, ma belle fille, on va faire un spectacle de trois heures et demie ensemble!”» Résultat? «Ça n’a pas été facile, mais je pense que ç’a donné un spectacle particulièrement sensible.»

Retour aux sources

Sans surprise, Christine Beaulieu a diablement hâte que les restrictions sanitaires soient levées. Pour reprendre J’aime Hydro sur scène, mais aussi pour que les deux films qu’elle a tournés l’an dernier sortent en salle. Il s’agit de 18 trous, une comédie noire, «intelligente et mordante», écrite et réalisée par Louis Godbout, dans laquelle la comédienne personnifie Florence, une prof de yoga «très zen». Et, dans un tout autre registre, Nouveau Québec, écrit et réalisé par Sarah Fortin. Un huis clos nordique, tourné à Schefferville, qui a permis à l’actrice de jouer aux côtés de membres des communautés autochtones de la région. «Ç’a été très fort comme rencontre. Une vraie leçon de jeu. Je me suis sentie toute petite devant eux…»

L’aveu n’a rien d’anodin pour celle qui m’annonce travailler présentement à l’écriture d’un livre inspiré de l’hommage qu’elle avait rendu aux rivières, en les remerciant dans les 11 langues autochtones de la province lors de la Fête nationale du Québec en 2020.

Citoyenne engagée, férue également d’enjeux énergétiques et environnementaux, d’économie et d’agriculture biologique, Christine aime moins l’étiquette de militante qu’on est parfois tenté de lui accoler, même si le militantisme est nécessaire à ses yeux. «Il en faut, mais ce n’est pas mon approche. Pour moi, la solution naît du dialogue, de l’ouverture à l’autre et, bien souvent, du gros bon sens.» Pas étonnant qu’on l’aime tant.

Ses actus

On peut voir la comédienne dans L’œil du cyclone (dans la section Véro.tv d’ICI Tou.tv Extra), et elle entamera plus tard cette année le tournage de la 2e saison de Cerebrum (ICI Tou.tv Extra). Outre son retour sur scène avec J’aime Hydro, elle tiendra également le haut de l’affiche des films Nouveau Québec et 18 trous. Porte-parole de la campagne Roulons Électrique, elle est aussi ambassadrice des attraits touristiques de Trois-Rivières, sa ville natale.

Photos Julie Artacho
Stylisme Simon Venne
Mise En Beauté Mayillah Ezekiel
Assistant-photographe: Keven Poisson 

Assistant-styliste: Samuel Joubert
Nous tenons à remercier chaleureusement Le Café Pastel Rita de nous avoir permis d’y réaliser cette séance photo.

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