L’arroseur arrosé

21 Fév 2017 par Louis Morissette
Catégories : Culture
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Louis a l'habitude de parler de sexe dans ses projets professionnels... mais qu'en est-il avec ses enfants?

Donc, on parle de sexe dans ce numéro? Personne ne sera surpris de me lire sur le sujet. C.A., Le mirage, Les Simone, le spectacle Les Morissette, etc.: les relations de couple, et ses passages plus intimes, ont toujours été au cœur de ma création. Parce que je trouve cet aspect de la vie déterminant dans notre rapport aux autres, et crucial dans une relation de couple. Un couple sans sexe, on appelle pas ça un couple, on appelle ça de bons amis.

Malgré certains messages de télé­spectateurs qui me considèrent comme un obsédé, je continue d’écrire là-dessus. Parce que je refuse de voir le sexe comme quelque chose de «pas si important» et d’accessoire. Et chaque fois que quelqu’un me disait ne pas vouloir regarder C.A. ou Le mirage avec sa femme pour ne pas avoir à «jaser de ça» après, ça me poussait à aller plus loin. Parce que malgré l’omniprésence de la sexualité dans notre société, je m’éton­nais du manque de communication à ce propos. L’incapacité des gens à s’ouvrir sur leurs envies, mécontentements ou fantasmes avec la personne la plus importante de leur vie. Homme moderne et un brin baveux, j’étais un apôtre de l’ouverture d’esprit. C’était moi, «l’agent provocateur».

Je dis bien «c’était». Car voilà que ma philosophie est mise à l’épreuve. Ma belle candeur est bousculée par mes enfants qui vieillissent, entrent dans l’adolescence, et me transforment en bonhomme des années 50. Quand mon fils se questionne sur la masturbation, la seule chose que j’ai à la bouche, c’est «Heille! Heille! Heille! Parle pas de ça!». Quand notre grande fille de 14 ans texte avec des jeunes garçons, je mandate sa mère pour lui «parler de ça». Ma belle ouverture a pris le bord, ma désinvolture a fait place à l’inquiétude. Je suis un cliché sur deux pattes pis je me hais. Même une fois diagnostiqué, j’ai toutes les misères du monde à changer mes comportements de dinosaure. Par quel phénomène est­ ce que je peux parler de sexe à toute la province, dans tous les talkshows, mais pas à mes ados? Comme un chef de restaurant qui ne servirait que du Kraft Dinner à ses enfants.

En fait, on peut en parler. Tant que JE parle. Parce que je peux fournir des informations sans trop de problèmes. Je préfère juste éviter les réponses ou les retours d’informations. Une chance que je ne suis pas un père de famille mono­ parentale! Qui jaserait avec Delphine? On ne parlerait que de météo. Papa et chauffeur de taxi = même combat.

En même temps, probablement pour me déculpabiliser, je me pose une question: le parent doit-­il tout savoir? Notre enfant aussi a droit à son jardin secret et à sa zone d’expérimentation, non? Évidem­ment, le parent doit fournir des outils et installer un climat de confiance. Faire savoir à son enfant que la porte est ouverte si le besoin se fait sentir. Mais je ne suis pas certain que c’est nécessaire de connaître les détails. On n’est quand même pas pour échanger des «trucs» avec ses enfants! C’est notre enfant, pas notre ami. Mais je ne juge personne. Je réagis peut­-être encore en bonhomme.

Je vous laisse, car je dois aller cacher tous les vestiges de ma carrière qui traînent dans ma maison. J’aurais dû y penser avant de les écrire, que des p’tits morveux allaient un jour tomber là­-dessus! Parce que non, mes enfants n’ont jamais vu les télé-séries et films que j’ai scénarisés. Mais je vis sur du temps emprunté. Il n’est pas très loin, le jour où je devrai expliquer certaines scènes de ma filmographie. J’appréhende ce moment, mais parfois je me dis que c’est peut-­être ces mêmes créations qui me permettront d’ouvrir ce dialogue avec eux. D’ici là, c’est leur mère qui a hérité du titre de v.­p. Anato­mie. Et moi je suis… je suis… je suis quoi? Je ne bricole pas, je ne cuisine pas… Ouin, j’ai avantage à être cordial et sym­pathique, parce que je ne suis clairement pas le plus utile à la maison.

Photo: Andréanne Gauthier

Ce billet est paru dans le magazine VÉRO Spécial sexe.

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  1. Amelie dit :

    Ahhhh Louis Mortisette!
    Cest le 2e article que je lis de toi et je dois dire que j’adore l’Homme.
    OUI, OUI l’Homme! L’homme qui met ses culottes, QUI pense, QUI s’inquiète, QUI réfléchi.
    PAS le plus utile à la maison?
    Un papa QUI aime sa femme cest le plus bel exemple que des enfants peuvent avoir.
    C’est bien utile ça!

    Et les cours d’anatomie? En as tu eu vraiment? Par tes parents?
    On fini tous par figurer le reste.

    Ce qu’ils voient de vous deux au quotidien parle plus fort que des mots.

    Continu d’écrire des beaux textes
    d’Homme culotté.
    Merci!
    Cheers

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