« Je fais confiance à ma luck, mais j’crois pas au destin… » Si on voulait résumer en quelques mots comment FouKi s’est imposé de façon aussi fulgurante et durable dans le paysage musical québécois, on pourrait citer cette phrase toute simple qui ouvre Zayon, son plus récent album. Ce mélange d’insouciance et d’optimisme, ce refus de se laisser enfermer dans une petite case, c’est un peu l’attitude « zay » que FouKi répand aux quatre coins du Québec depuis ses débuts en 2016.

On a tendance à dire aux jeunes, surtout quand ils vont encore à l’école, qu’ils sont destinés à quelque chose, que leur vie est presque décidée d’avance. Mais mon existence n’est pas définie par le fait que j’ai rushé au secondaire », explique le rappeur, qui a néanmoins découvert sa véritable passion sur les bancs d’école, où il a connu son complice musical de toujours, QuietMike. « Ce qui compte au fond, c’est une suite de petits événements. Tomber sur la bonne personne qui va pouvoir t’écouter au bon moment, ça peut changer le cours des choses. Après, c’est à toi de faire ta chance : si tu travailles, que tu mets du temps, de l’effort, pis que tu donnes de l’amour, ça va finir par débloquer. »
Travail et effort, voilà des mots qu’on n’associe pas spontanément au mode de vie pour le moins relax que FouKi a toujours prôné dans ses chansons. En vérité, bien qu’il ait fait de l’hédonisme un leitmotiv, bien qu’il ait rappé les joies du cannabis et de la bonne chère, il n’a rien d’un fainéant. Sa production musicale des six dernières années donne plutôt l’impression qu’il est un bourreau de travail : FouKi, c’est quatre albums officiels, une flopée de EP et un nombre incalculable de collaborations avec des artistes de tous les horizons. Un rythme haletant qu’il a voulu ralentir lors de la création de Zayon, qu’il considère – avec raison – comme un album plus abouti et plus profond que les précédents.
« J’essaie d’en faire moins mais de faire mieux », explique-t-il pour justifier le silence plus long qui a précédé la parution de son dernier opus. « Avant, on faisait des beats sans arrêt et on sortait les tounes aussitôt, juste pour le fun, mais on ne les travaillait pas tant que ça. En fait, la seule différence entre Gayé [son premier grand succès] et une autre toune pas connue du tout, c’est pas la quantité de travail, mais juste le fait qu’on était plus en forme le jour où on l’a enregistrée ! Autrefois, j’aurais fait 18 tounes dans le même temps que je mets pour en faire une seule aujourd’hui ! »
Ça s’entend. Avec Zayon, FouKi poursuit son odyssée musicale, mélangeant allègrement hip hop, pop, trap, rock et reggae avec aisance, sans imposer de hiérarchie entre les genres. Ses textes sont plus fignolés et révèlent de nouvelles subtilités. « Les gens ont toujours eu de la difficulté à m’identifier à un style précis et ce n’est pas vraiment étonnant : j’ai grandi en écoutant Wu-Tang Clan, Georges Brassens, Bob Marley et Marilyn Manson, puis j’ai eu une révélation en découvrant le rap keb. Pour certains, c’est un défaut, mais pour d’autres, c’est ce qui fait ma force. Je préfère de loin avoir un son qui est difficile à définir mais instantanément reconnaissable. » Ce refus des conventions a toujours bien servi FouKi, qui a vite réussi le grand écart entre rap et pop. Lorsqu’il se joint à l’étiquette 7ième Ciel, en 2018, il retrouve ses idoles : « J’étais tellement excité lorsque j’ai fait la première partie d’Alaclair Ensemble et qu’ils m’ont accueilli en me disant : « Bienvenue dans la famille ! » Deux mois plus tard, je participais au Rapkeb Allstarz aux Francos de Montréal. J’en revenais pas ! »
Depuis, il est devenu une vraie vedette populaire saluée à l’ADISQ (où il fut rebaptisé « Funky » par la grande Ginette Reno) qui peut aujourd’hui prétendre, sur sa chanson On l’fait, qu’il est « le rappeur préféré de Ricardo ». « C’est l’fun de faire des scènes hip hop avec Souldia ou Koriass, c’est sûr, mais ça me fait triper aussi d’être accepté par d’autres musiciens que j’admire et de pouvoir faire de la musique avec Ariane Moffatt et Pierre Lapointe ou de croiser Patrice Michaud dans un backstage ! » En fait, FouKi est maintenant tellement à l’aise dans les grands rassemblements où se croisent des artistes de tous les horizons qu’il a inclus sur Zayon ce qui s’annonce comme un futur classique des célébrations de la fête nationale : un délirant duo avec l’artiste néo-écossais P’tit Belliveau intitulé St-Han Quinzou, qu’on a hâte de reprendre en choeur avec lui au milieu d’une foule en liesse.


La famille, la famille !
FouKi n’avait que 18 ans lorsqu’il a lancé l’irrésistible Gayé – la chanson qui a lancé sa carrière – et dès le départ, ses parents ont encouragé ses ambitions. « Mon père n’a rien d’un professionnel de l’industrie, mais il était là pour me soutenir et m’aider. Ma mère vendait les t-shirts à mes shows et j’étais tellement content de voir que les fans voulaient se faire prendre en photo avec elle ! » Le cercle familial immédiat inclut aussi ses grands-parents, qui ont pris l’habitude d’assister à ses concerts, son parrain, auteur et prof à l’École nationale de l’humour, ainsi que sa soeur, Carole, qui est devenue sa gérante il y a quelques mois. « C’est une richesse. Je trouve ça cool quand des amis musiciens aiment ce que je fais, mais honnêtement, c’est ma famille que je ne veux pas décevoir. »
On ne s’étonnera pas qu’il habite aujourd’hui un triplex acheté avec ses parents au coeur du Plateau-Mont-Royal, le quartier où il a grandi. Et bien qu’il adore le street rap, FouKi n’a pas connu les rues chaudes de Saint-Michel, de Montréal-Nord ou d’Hochelaga-Maisonneuve. Il est né Léo Fougères le 25 décembre 1996, dans une chambre de l’hôpital Notre-Dame surplombant le parc La Fontaine, un des nombreux lieux mentionnés dans la nostalgique Ségala, où il évoque sa bande d’amis de jeunesse avec lesquels il a fait les 400 coups. « Je trouve que la musique devient plus riche lorsqu’elle est ancrée dans un lieu, lorsque tu nommes des endroits. Des fois, ces places-là disparaissent et, au moins, elles vont survivre dans des chansons. Moi, je suis né sur le Plateau – born and raised –, je vais mourir sur le Plateau ! Je ne te dis pas que je ne ferais pas comme Bruno Blanchet pis aller vivre en Thaïlande un de ces jours, ou encore passer un peu de temps dans le bois, où je me sens vraiment bien… Tu sais, mon père vient de Baie-Comeau et ma mère du Lac-Saint-Jean ; je pense que c’est quelque chose que j’ai en moi. »
Pour l’instant, pas question pour FouKi d’aller se perdre dans le bois. Il lui reste bien d’autres scènes à conquérir et les ambitions ne manquent pas. Pour lancer. officiellement Zayon, il s’est offert deux concerts à grand déploiement à la Place Bell de Laval et au Centre Vidéotron, à Québec. « J’ai dit à Steve [Jolin, le patron des disques 7ième Ciel] que je préférais pousser le truc à fond, quitte à ne pas faire une cenne avec ce show-là. On n’a pas les moyens des artistes américains, c’est sûr, mais c’est pas une raison pour ne pas essayer des trucs. J’avais envie de pousser la scéno à fond et de ne pas m’arrêter à ce qui est normal, habituel. »

Fidèle à ses racines
La bonne nouvelle, c’est que FouKi a maintenant les moyens de ses ambitions. Il gagne sa vie confortablement avec sa musique et, comme il le chante sur No Stress, il n’ira « plus dans les restos pour faire la vaisselle ». « Je ne fais clairement pas ça pour l’argent, mais je suis content d’être libre de faire ce que je veux. Ça veut dire que je peux explorer d’autres avenues, écrire des scénarios pour des projets ou juste chiller et me faire une bonne bouffe avec mes amis. Tout ça nourrit mon inspiration. »
« Quand je reçois un chèque, la première chose que je me dis, c’est yes, je vais pouvoir aller faire de la musique ! Je me suis acheté de l’équipement mais j’ai pas mal tout ce qu’il me faut maintenant. » Sa dernière grosse dépense ? Pas une montre en or ou une rutilante voiture sport pour épater le bourgeois, mais plutôt un véhicule de tournée fiable venu remplacer sa fidèle FouKimobile, « un bon vieux Dodge Caravan rouge 2013 avec un clignotant défectueux et le voyant check engine allumé en permanence. On l’a traîné pendant six ans, j’avais même pas mon permis quand on l’a acheté ! »
Le succès ne lui est clairement pas monté à la tête. FouKi demeure ce gars de gang fidèle à ses racines, qui ne manque jamais d’élever ses boys, comme Vendou ou les gars de LaF, qu’il intègre à ses projets et qu’il aimerait voir connaître le même destin que le sien. Chaque fois qu’un fan l’approche avec admiration – ce qui lui arrive de plus en plus souvent –, il réagit avec la même attitude « zay » qui l’a toujours caractérisé : relax, chill, vrai. « Je pense que c’est ça que les gens aiment chez moi. Léo Fougères, c’est le gars qui va jouer au hockey le lundi soir avec ses boys, et FouKi, c’est simplement l’artiste, qui est peut-être une version plus happy de Léo. Cela dit, c’est le même gars ; les deux évoluent en même temps, en parallèle. Je ne suis pas coincé dans le personnage : sur mon dernier album, je me permets d’explorer des sujets plus dark, mais je vais toujours être “zay”. »
Est-ce à dire qu’il a trouvé son Zayon, la mythique terre promise qu’annonce le titre de son plus récent opus ? « L’album est vraiment un aboutissement pour moi, mais le Zayon, c’est plus une quête qu’une destination. Zayon, c’est la recherche du bonheur. Ça peut devenir réel et tout le monde peut le toucher deux minutes ; ce qui est difficile, c’est de le garder, de le faire durer. »
SES ACTUS
Pour les dates de spectacle : fouki.ca
Photos : Marjorie Guindon
Stylisme : Farah Benosman
Mise en beauté : Mayillah Ezekiel
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