Francine Ruel se confie

25 Mai 2020 par Claudia Larochelle
Catégories : Culture / Véro-Article
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Rencontre avec Francine Ruel, qui s'ouvre à propos de son fils, de l'amour, de son âge et plus encore.

«Mon Dieu! Que la vieillesse est donc un meuble inconfortable!» Ces mots qui font sourire sont ceux de Colette, mais ils auraient très bien pu être prononcés par Francine Ruel, une de ses plus ferventes admiratrices, qui naime pas être freinée par les effets du temps qui passe. Lécrivaine et actrice a encore tant à raconter, à incarner. Dans sa campagne estrienne, les aiguilles tournent heureusement moins vite quailleurs; douce consolation pour entamer une décennie qui la terrasse de stupeur. Par chance, les écrits restent encore et encore. Les siens connaissent même un grand retentissement.

Francine, avec Anna et lenfant-vieillard, votre 16e ouvrage en carrière, qui raconte limpuissance dune mère face à litinérance de son fils, vous sortez du «bonheur» de vos histoires précédentes. Votre lectorat a suivi, il a même augmenté. Mais nétait-ce pas un pari un peu risqué?

Javais préparé les lecteurs, ce qui ne ma pas empêchée de ressentir une certaine inquiétude à lidée de les perdre. Je ne sais pas combien de livres je vais écrire encore je ne suis pas nécessairement Janette Bertrand. Jai encore quelques sujets, quelque chose à dire, mais cette fois, jai eu envie daller ailleurs, de me mettre un peu en danger personnellement, de changer ma façon décrire, daborder une histoire et de la raconter.

Cétait «risqué» aussi parce que cette histoire est très inspirée de la vôtre, avec votre fils…

Je suis contente de ne pas en avoir fait un récit. Javais besoin de la distance de la fiction. Je voulais aussi protéger mon fils. Ça faisait six mois que je navais pas de ses nouvelles, je me demandais comment il allait prendre ça. Il a d’abord été étonné. Il ne la pas lu entièrement, je peux comprendre, il se sent fragile… Je voulais lui montrer que javais écrit ce roman-là pour parler de lui, lui dire à quel point il est un être formidable, ce quil ne sait pas assez, montrer aussi que tout le monde peut perdre pied et sen sortir.

Étiez-vous étonnée que ça rejoigne autant de gens?

Je ne savais pas que javais  ouvert une boîte de Pandore. Cest le premier constat. Depuis le Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean, lautomne dernier, limpact est grand. Les gens men parlent, je reçois beaucoup de témoignages et ça narrête pas. Cest comme si tout le monde sétait reconnu dans la fragilité de ses enfants…

Or, Francine, ce roman, vous nauriez certainement pas pu lécrire avant aujourdhui?

Je suis allée travailler sur moi pendant deux ans. Il y a plus de six mois, jai pris le risque de perdre mon fils en cessant de prendre des décisions pour lui. Jespère le mieux pour lui, tout le temps, sauf que je ne me laisse plus dévorer comme avant. Ça fait partie des raisons pour lesquelles je suis partie vivre à la campagne – ne plus être toujours prête à intervenir… Cétait aussi pour retrouver une fille que je connaissais, que jaimais beaucoup et qui sappelle Francine Ruel.

Une «fille» qui a 71 ans. Déjà. Cest allé vite, non?

Je nai pas eu peur à 40, 50, 60… mais à 70 ans, jai fait une crise de nerfs et jai averti le monde autour de moi que sil y en avait un qui me faisait un surprise, je ne lui adresserais plus la parole pour le restant de mes jours. Et jétais sérieuse. Je ne voulais pas le souligner, en même temps, je nai pas le choix. En fait, le hic, cest que jai commencé à avoir peur, alors que jétais fonceuse, moi! Il ny a rien que je nai pas fait; jai presque passé mon brevet de pilote de montgolfière! En vieillissant, je ressens des peurs niaiseuses et jai de la misère à conduire le soir, ça me fait ch***Mais en autant quon ne menlève pas mes yeux pour lire et mes jambes pour marcher, je peux quand même vivre avec ça.

Un avantage à vieillir, j’imagine, cest quavec le temps, on doute moins de soi, non?

Le doute est toujours présent. Il y a des réalités terribles; les femmes, en vieillissant, ne jouent plus, on le les voit plus à lécran ou alors ce sont les mêmes qui font tout. Simone Signoret disait: «Au petit et au grand écran, les hommes mûrissent, les femmes vieillissent.» Mais jai la chance d’avoir trois métiers: je joue, jécris et jenseigne. Jai fait tout ce dont javais envie, jai été dans la création tout le temps et ça, cest formidable!

Le doute sinsinue-t-il aussi parfois dans le rapport que vous entretenez avec votre corps?

Je vois des photos de moi jeune et je me rappelle que je me trouvais énorme... Je nétais pas maigre, mais mince. Jai perdu ces années-là. Sauf que je présume que si ce corps-là navait pas fait mon affaire, je laurais changé… Je suis une gourmande de tout, une pulpeuse, et jassume tout à fait ce rôle-là. En temps normal, je suis même à l’aise avec ce corps-là. Cest moi. Je ne me cache pas.

Et vous êtes élégante…

Jai trouvé une façon de mhabiller pour me sentir belle, cest ma formule à moi. Cest correct, je ne serai jamais maigre ni grande… Je ne peux pas me plaindre; je nai presque pas de rides, parce que je suis ronde. Cest un des seuls avantages quon a! (rires) Et vous savez quoi? Si je recourais à la chirurgie, jaurais limpression de demander à quelquun deffacer toutes ces années vécues. Effacer mon passé… Non. Jassume. Je fais attention, je me maquille encore. Jadore la mode aussi. Il y a eu des designers importants dans ma vie, comme Christiane Tessier, Muse par Christian Chenail, Marie Saint Pierre. Limportant dans tout ça, au-delà de toutes les considérations esthétiques, cest de ne pas être malade.

Votre mère, elle, est tombée malade jeune. De quelle manière vous a-t-elle inspirée?

Ma mère est décédée à 52 ans. Elle a trop travaillé toute sa vie. Jai tellement dadmiration pour elle qui a élevé, seule, ses cinq filles. Elle nous a envoyées dans les collèges les plus réputés pour quon reçoive le meilleur. Elle était féministe avant que le mot existe et ma montré à me tenir debout.

Quelles autres femmes ont été inspirantes pour vous?

Andrée Lachapelle, une femme magnifique qui riait tellement! Aussi, Rita Lafontaine, pour son intériorité. Je la regardais travailler et cétait beau à voir. Il y a aussi eu Simone Signoret, Colette, ma marraine Lucette, que jappelais tante Tucette Bref, toutes les femmes qui ont lutté.

On a trop peu parlé damour et de conjugalité. Quelle place ont-ils pris dans votre vie?

Jai vécu 32 ans seule. Avec des amants! Mais personne pour partager mon quotidien. Je ne voulais pas revivre les erreurs que javais faites. Javais mon fils aussi, et ce nétait pas simple… Peu dhommes veulent vivre avec une femme qui a un enfant «à problèmes», avec une femme qui gagnent plus dargent queux... Ça en dérange plusieurs. Ça et les filles rondes en général. Un jour, jai lu une petite annonce qui allait comme suit: «Grand couteau cherche sa fourchette, grosse cuillère sabstenir!» Cest tout dire.

Aujourdhui, est-ce différent?

Disons que jai la chance dêtre avec une personne qui a un sens artistique. Ce nest pas toujours simple parce, que jai si longtemps vécu seule avec mes habitudes. Cest peut-être ça, mon dernier apprentissage, et ce sera sans doute mon dernier amour.

SES ACTUS

Son roman Anna et l’enfant-vieillard est en librairie.

Chemisier en polyester (Laura, 108 $). Boucles doreilles (wellDunn, 43 $).

Tunique en polyester (Le Château 60 $). Collier et boucles doreilles (Axelle, 40 $ et 25 $).

Blouson et haut en polyester et élasthanne (Addition Elle, 99 $ et 69 $).

Les conseils de Claude Laframboise, styliste

1. Il ny a rien de mal à construire sa garde-robe autour dune seule teinte. Francine adore le bleu et en a fait sa couleur vedette, celle qui donne de léclat à ses classiques noirs et blancs. Lavantage de cette approche? On peut investir un peu plus dans des basiques de qualité et ajouter des pièces colorées pour mettre sa garde-robe au goût du jour.

2. Côté couleurs, vous aurez lembarras du choix ce printemps. Mais sachez que malgré la présence de teintes pastel (particulièrement le rose, le bleu et le lavande) dans les magasins, les couleurs vives donnent le ton. Les musts? Le jaune vif, le vert lumineux, le bleu électrique et le fuchsia. Effet bonne mine assuré!

3. Si vous nêtes pas fan dimprimés voyants, il y a bien des chances que, comme Francine, vous ayez tout de même un faible pour les pois et les rayures. Bonne nouvelle: ces motifs sont de retour ce printemps. Faciles à agencer, ils ajoutent une belle touche graphique à vos tenues monochromes.

4. Quels que soient votre âge et votre silhouette, il est toujours possible doser les tendances de l’heure. Si vous rêvez dun blouson de type Perfecto, choisissez-le en tissu ou en similisuède, d’aspect moins rebelle quun modèle en cuir noir. Et si vous aimez les détails inspirés du vestiaire sportif, sachez quon les trouve dorénavant sur des vêtements plus habillés, comme les poignets élastiques à rayures du chemisier satiné que porte Francine.

Photos: Andréanne Gauthier

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  1. Josée Ménard dit :

    chère Francine, vous êtes inspirante et magnifique. Je viens de terminer votre dernier livre et j’en suis encore toute émue. Pour moi vous êtes un modèle de beauté d’intelligence et de féminité.

  2. Johanne bernier dit :

    J ai lu les commentaires.

    Si vous êtes fana de Francine, apprenez à écrire correctement à travers ses livres s.v.p.

    Tout les livres : tous les livres.
    Je les ai prêter: je les ai prêtés.

    J’ai mal à mon français !

  3. veronique taillefer dit :

    Tellement belle cette entrevue ,j’ai lu tout les livres de Francine

    je les ai prêter a mes amies ,Jai beaucoup d’admiration pour son courage

    avec son fils j’ai 73 ans et tous les jours je profite du reste de ma vie

  4. Sylvie dit :

    Je viens de lire ton livre, je l’ai dévoré en une seule journée, je t’aime depuis d’amour depuis toujours, tu es très belle et tu vieillis en beauté. Amitié.?

  5. Madeleine Paillé dit :

    Merci pour votre article.Vous êtes une grande et belle dame.

  6. Liliane Azar dit :

    Madame Ruel,

    Je vous toujours aimee. Beaucoup aime. Pourquoi? je l’ignore. Je ne veux pas savoir pourquoi. Beaucoup aime.

  7. Louisette Lachance dit :

    Merci de rester celle que l’on devine

  8. Luc Germain dit :

    Bravo à vous. De vous lire me fait un grand bien. Je suis un peu comme vous avec mon frère qui a souffert de skizrophrenie durant sa vie. J’ai dû apprendre à me détacher pour retrouver une certaine paix

  9. Martine Pelletier dit :

    Félicitation ma belle et vrai Francine,
    Je te trouve particulièrement radieuse, je sens un bien être chez toi, un relâchement, un bien être.
    Sois bien juste pour toi.
    Je t’apprécie depuis très longtemps.
    Gâte toi, tu le mérite bien.
    Martine Pelletier

  10. Francine Harvey dit :

    Je vous admire ….. j’ai lu la plupart de vos livres…..mais le dernier m’a touché au cœur, ainsi que les entrevues que vous avez donné…non je n’ai pas un fils itinérant mais un fils différent…..homosexuel…qui a de la difficulté à trouver sa place dans la famille, malgré l’acceptation de tous ……et surtout de la difficulté à trouver l’amour…ce que je retiens de tout ça , c’est qu’on est mère pour toujours, peu importe la situation de nos enfants…..je vous trouve résiliante , et c’est un état difficile ….. lâcher prise ce n’est pas facile………

  11. Nicole Beaulne dit :

    J’ai adoree cet entrevue, cette femme a tout mon respect, quelle belle personnalite!!! Je vais m ’empresser de lireison nbouquin. Pour terminer, continuer d’être la merveilleuse personne que vous êtes !!!

  12. Ginette Roy dit :

    Bonjour,
    Premièrement merci pour cette entrevue. Mme Ruel est une femme inspirante et comment belle avec ses beaux yeux bleus. J’aime quand elle parle c’est toujours avec douceur et assurance.

    ??

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