On assiste au retour du macho idiot, nigaud et zozo (l’ordre a peu d’importance). Était-ce vraiment nécessaire?
En courant avec ma copine l’été dernier, j’ai réalisé avec une certaine surprise et un malaise certain à quel point l’Homo erectus ne se gêne plus pour se contorsionner à la limite de la rupture cervicale pour reluquer le derrière des femmes.
En fait, l’expression Homo erectus est peut-être mal choisie, puisque les sujets en question sont le plus souvent assis dans leur auto ou dans leur camion, d’où ils ont une vue imprenable sur le paysage. Les plus vulgaires, souvent de très jeunes hommes, ne se gênent pas pour vociférer des «compliments» du genre: «Hey, t’as un beau cul!», avant de redémarrer en trombe, en faisant crisser les pneus de leur bagnole. Édifiant.
Rien de neuf, direz-vous?
Vrai, le mâle cherche la femelle depuis toujours, qu’il soit orignal, orang-outan ou Homo erectus. Je pensais toutefois, Messieurs, que nous avions un peu évolué.
Quand des p’tits culs de 20 ans crient des insanités à une jeune femme qui court tranquillement un beau samedi après-midi à Laval, notre société régresse dangereusement. Je ne crois pas que mes expériences de course à pied ne sont qu’anecdotiques. Toutes les femmes à qui j’en ai parlé me disent qu’on assiste à un retour du gros macho épais. Moi qui suis plutôt de la génération des «hommes roses», qui ai été élevé par des femmes fortes, et qui suis respectueux de leur combat pour l’égalité, je crains que les progrès récents soient menacés par un retour du balancier. Vivons-nous la revanche des douchebags? (On pourrait traduire cette expression par: jeune homme narcissique, voué au culte de son corps et dont le niveau intellectuel est inversement proportionnel à son estime de soi!)
Une chose est certaine, la «douchebaguisation» des mâles semble se répandre très vite. Peut-être est-ce dû, en partie, à la prolifération des pubs mettant en vedette des hommes débiles (Old Spice, anyone?), aux séries télévisées ou aux téléréalités dans lesquelles on transforme l’homme en gros jambon stupide, ou à l’hypersexualisation dans les vidéoclips et sur le Web?
Très tôt, les jeunes hommes «consomment de la femme» sur Internet, où elle est souvent réduite au rôle d’objet de consommation. Un objet beau, docile et très volontaire. Lorsque j’étais ado, il fallait faire des efforts pour voir une photo de femme nue. Près de 40 ans après les faits, je peux bien l’avouer: j’ai volé des Playboy chez mon voisin, où ma grande soeur faisait parfois du gardiennage, le samedi soir. Je les cachais avec précaution, comme des objets très précieux d’une grande rareté.
Les temps ont changé. J’ai l’impression qu’à force de passer autant de temps sur Internet, certains hommes finissent par croire que toutes les femmes sont des nymphomanes en manque qui attendent en petite tenue derrière les rideaux que le paysagiste ou le réparateur de la piscine leur saute dessus!
Une chose est sûre: nous, mâles, reculons. Et le moment, Messieurs, est plutôt mal choisi. Vous n’avez peut-être pas remarqué, mais pendant que vous tournez la tête pour regarder le derrière des passantes, la gent féminine, elle, avance. Et vite.
Sociologiquement, on se dirige vers un gouffre. Pour la première fois, l’an dernier, le nombre de femmes ayant un diplôme universitaire a dépassé celui des hommes, un phénomène qui ne fera que s’accentuer, c’est inéluctable. Dans certaines disciplines, notamment la médecine, c’est déjà 65-35 en faveur des femmes, et le phénomène s’étend à d’autres métiers. Le pourcentage de femmes diplômées universitaires est passé de 47 % à 60 % en une seule génération.
À l’inverse, les jeunes hommes sont plus en plus nombreux à décrocher.
D’ici une ou deux décennies, va-t-on se retrouver avec, d’un côté, un fort contingent de jeunes femmes hautement scolarisées, de professionnelles bien payées ou d’entrepreneuses fonceuses, et avec, de l’autre, une cohorte de décrocheurs? De décrocheurs machos, en plus? De nombreuses études démontrent que les hommes acceptent encore mal que leur femme ou conjointe gagne plus qu’eux. Ils vont pourtant devoir s’y faire.
Ce que je veux vous dire, Messieurs, c’est que je doute fort que le retour du gros macho épais soit très winner à une époque où les jeunes femmes bossent fort pour se tailler une place dans la société et, de fait, en devenir les leaders. Je ne peux rien pour les abrutis, jeunes ou vieux, qui crient «Hey, t’as un beau cul!» aux femmes dans la rue, mais je m’engage à faire en sorte que mon garçon sache que les combats de ma mère n’ont pas été vains. Et qu’il réalise qu’il a intérêt à comprendre que le monde a changé.
Vous pouvez consulter la version intégrale de cet article dans le deuxième numéro de Véro magazine, à la page 130, avec le titre « L’ère des douchebags ». Le magazine est disponible en kiosque et en version iPad.