Mue par l’exaltation viscérale que lui inspire la réalisation, elle a donné une seconde vie, cet été, au roman pour ados Coeur de slush. Sa mission : émouvoir et émerveiller grâce à la magie de l’image.
C’est lors d’un cours complémentaire en arts et communications où il fallait créer un court-métrage que Mariloup Wolfe, née d’une mère artiste visuelle et d’un père psychiatre, a été foudroyée par une passion qui n’allait plus la quitter : «Ç’a été mon éveil. J’ai immédiatement voulu être réalisatrice.» Son film, qui s’intéressait aux cordonniers montréalais, a d’ailleurs gagné un prix au concours organisé par le cégep. Un destin venait alors d’éclore.
À partir de ce moment, la jeune femme ferait tout le nécessaire pour atteindre son objectif : contacter un des juges du concours pour obtenir un stage dans une production canadienne-anglaise alors qu’elle balbutiait à peine la langue de Shakespeare ; étudier un an en Cultural Studies à l’Université McGill pendant qu’elle planchait sur un portfolio digne de lui ouvrir les portes du prestigieux programme de cinéma de l’Université Concordia ; y faire son bac, puis remporter un autre concours de courts-métrages avec le film Fly Fly qui l’amènera, entre autres, au Festival international du film francophone de Namur… Le moins qu’on puisse dire, c’est que la dame a fait ses classes.
Si elle n’avait que 10 ans lorsqu’elle a débuté en figuration – son frère travaillant pour une agence de casting –, ce n’est que durant ses études universitaires qu’elle a commencé à auditionner pour des rôles. Ayant inopinément servi un jour, en tant que figurante, de stand in (substitut) à Pascale Bussières, elle a réalisé qu’être au coeur d’un plateau, inondée de lumière, était aussi quelque chose qui lui plaisait. S’est ensuivi la carrière à l’écran qu’on lui connaît… et qu’on présume, à tort, avoir précédé ses premiers pas derrière la caméra. «C’est comme si j’étais une vedette à qui on avait dit : “Enwèye, réalise !” Je ne suis pas qu’une figure populaire à qui on donne de l’argent pour qu’un film marche. Je ne suis pas cette personne-là.» Malgré l’indéniable notoriété dont elle bénéficie, son parcours artistique – marqué par la réalisation de téléséries telles que Ruptures, Hubert et Fanny et Mon fils – reste méconnu. «Je le sais : on préfère me demander qui sera mon prochain chum !» lance-t-elle, mi-exaspérée, mi-résignée.

Deux femmes et un coeur… de barbotine
Pourtant, c’est en l’écoutant parler de son travail, de ce qui la transporte, qu’on connaît mieux Mariloup Wolfe. On découvre sa faculté d’émerveillement, sa ténacité, sa prévenance. Des qualités qu’elle a d’ailleurs amplement déployées tout au long de la production de Coeur de slush, puisqu’elle tenait à rendre pleinement justice au roman de Sarah-Maude Beauchesne, qui évoque le baptême amoureux d’une adolescente timide. Avec l’autrice, une véritable synergie s’est développée. «J’ai appris à la connaître. Je lui ai permis de me montrer des boards visuels. Je dis “permis”, au sens où les réalisateurs ne sont pas tous ouverts à entendre la playlist et à voir les influences du scénariste. Moi, au contraire, je voyais ça comme un atout. Parce que Sarah-Maude est talentueuse, parce qu’elle a du goût. Aussi parce que c’est son univers, son histoire, et que j’ai toujours été hyper respectueuse de ça. J’avais envie de me mettre au service de son oeuvre.» Une posture d’une rare humilité et d’une ouverture d’esprit admirable, qui témoignent d’une solide confiance en soi.
Une des raisons pour lesquelles Mariloup se sent «sur [son] X» comme réalisatrice – plus qu’en tant que comédienne, bien que l’idée d’incarner de nouveaux personnages la titille –, c’est justement la dynamique du travail d’équipe. Une fille de gang, donc, mais sans pour autant faire l’unanimité – une utopie dont, à ce stade de sa carrière, elle semble d’ailleurs avoir fait le deuil. «Qui m’aime me suive !» lance-t-elle, un brin frondeuse, mais surtout animée d’une lucidité et d’une détermination implacables.
J’aimerais ça, un jour, défendre des projets plus grands que moi, mais il faudra que j’aie tout ce qu’il faut autour pour pouvoir y arriver.

Tsunamis médiatiques
Il faut dire qu’en matière de controverse, la réalisatrice a franchement écopé au cours des dernières années. Accusée d’appropriation culturelle pour son film Jouliks (qui mettait en scène des personnages roms), puis pointée du doigt pour avoir choisi Maripier Morin comme tête d’affiche d’Arlette, Mariloup sort «essoufflée» de ce marathon de justification. «Pour être bien honnête, ç’a été des périodes de grandes remises en question. Je me disais : “Ayoye, est-ce que ça va être comme ça tout le temps ?”»
D’où sa décision de prendre une pause de polémique pour quelques années, en autant que faire se peut. À ce propos, elle s’est même retirée d’un film en chantier pour lequel elle s’était engagée. «J’ai juste envie d’être low profile et de créer. J’aimerais ça, un jour, défendre des projets plus grands que moi, mais il faudra que j’aie tout ce qu’il faut autour pour pouvoir y arriver.» Si Jouliks était à refaire, par exemple, elle recruterait des conseillers roms afin qu’ils mettent leur sceau d’approbation sur sa façon de transposer leur culture à l’écran. «On ferait le film main dans la main. Et si jamais quelqu’un dénonçait quoi que ce soit, je pourrais avoir leur appui. Parce que quand tu es réalisatrice, même si tout le monde autour a donné son go, tu te retrouves toute seule dans la tourmente.»
L’an passé, je m’étais gardé un mois de congé, mais le projet «Coeur de slush» est arrivé. J’ai alors dû imposer mon horaire personnel et c’est dur de tenir tête, parce que dans notre société, la famille n’est pas mise à l’avant-plan.
Le fait que Mariloup jouisse du statut hybride de réalisatrice et de vedette n’est peut-être pas tout à fait étranger au torrent de critiques qui a déferlé sur elle. À ses yeux, ce profil bicéphale comporte à la fois des avantages et des inconvénients : «Je pense que ç’a pu m’aider à être à la bonne place et au bon moment pour avoir accès à certains projets. Bien sûr, il a ensuite fallu que je fasse mes preuves. Par exemple, si je n’avais pas bien réalisé la télésérie Ruptures, on ne m’aurait pas confié d’autres séries par la suite. Donc à la télé, je crois que ça m’a aidée, mais en cinéma, je pense que ça me nuit. J’ai l’impression que mes pairs sont plus durs avec moi, que je suis jugée plus sévèrement.»
Valeureuse sur tous les fronts
L’opinion publique est-elle plus intransigeante envers les femmes qui osent exercer du leadership ? Chose certaine, estime Mariloup, un double standard perdure à tout le moins sur le plan de la conciliation travail-famille. À cet égard, elle revendique le droit de ne pas avoir à s’excuser de s’absenter plusieurs jours consécutifs pour des tournages – qu’elle tente d’ailleurs toujours de coordonner avec les semaines que ses fils Manoé (13 ans) et Miro (11 ans) passent chez leur père. Après tout, on n’en demande pas autant aux messieurs – qu’on porte aux nues quand ils accompagnent leur rejeton chez le dentiste, alors qu’on blâme les femmes de s’absenter, s’insurge Mariloup. Il lui tient néanmoins à coeur que ses pérégrinations ne l’empêchent pas d’assister aux spectacles scolaires ou de préparer avec ses garçons les examens de fin d’année, ce qui exige une logistique complexe, car en l’absence de la réalisatrice sur un plateau… rien ne peut avancer.
Pas étonnant qu’il soit difficile pour elle de s’accorder des vacances estivales : «L’an passé, je m’étais gardé un mois de congé, mais le projet Coeur de slush est arrivé. J’ai alors dû imposer mon horaire personnel et c’est dur de tenir tête, parce que dans notre société, la famille n’est pas mise à l’avant-plan. Si tu dis que tu ne peux pas faire telle affaire la semaine prochaine parce que tu assistes au match de soccer de tes enfants, tu es jugée. Si tu dis que tu ne peux pas parce que tu travailles, personne ne juge. Dans le passé, j’ai déjà reçu plusieurs commentaires du genre : “Ah ouain ? Tu prends un mois de vacances, la belle Mariloup ?» Cette année, elle a eu l’audace de dire à son agence qu’elle ne considérerait aucune offre entre la Fête nationale du Québec et la fête du Travail. «Ça m’a demandé du courage ! confie-t-elle, comme transie par sa propre témérité. D’autant plus que la plupart des tournages se font au printemps, durant l’été et à l’automne, et que la préproduction de ceux qui se déroulent sous les feuilles mortes a lieu au mois d’août, explique-t-elle. «Je sais que ce choix-là signifie peut-être que je serai un an sans travail…»
Si elle se dit qu’un éventuel passage à vide pourrait être meublé par ses projets personnels (depuis le décès de sa mère, il y a une vingtaine d’années, elle chérit l’idée de réaliser un film sur le cancer), elle n’aura certainement aucun regret. Car pour elle, accorder la priorité à ses fils – avec lesquels elle discute de ses choix de comédiens et qu’elle amène sur les plateaux de tournage ou dans les studios de montage – n’est pas qu’un voeu pieux. Et les ouvrages traitant de ce qui importe vraiment à la fin de notre fugace existence la confortent dans ses convictions. «Tous ces livres de psycho-pop, je les lis et ça me parle ! Je n’ai pas envie de passer à côté de ma vie parce que je ne fais que travailler…» Si éprise soit-elle de son métier.
C’est d’ailleurs probablement cette ferveur contagieuse qui explique, en plus de ses multiples talents, la remarquable carrière de celle qui réalise à temps plein depuis 15 ans. Nul doute qu’à l’automne, Mariloup aura à peine le temps d’ouvrir son agenda qu’il affichera déjà complet.

SES ACTUS
On pourra revoir Mariloup animer la série documentaire Le Grand Move en Amérique cet l’automne, à Noovo. Depuis peu, Mariloup est aussi partenaire du bar à vin Le Roseline, à Montréal.
Photos : Andréanne Gauthier
Stylisme : Farah Benosman
Mise en beauté : Mayillah Ezekiel
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