Je n’ai jamais tenu de vraies résolutions dans ma vie.
Chaque mois de janvier, pourtant, je me dis que je vais moins manger, moins boire, bouger plus, développer de nouveaux projets qui me tiennent à cœur. Mais lentement, ma bulle se dégonfle. De semaine en semaine, sans que je m’en aperçoive vraiment, à coups de puddings renversés, d’apéros et de sommeil non récupéré.
Mais je n’invente rien et je ne suis pas seule sur mon île.
C’est sûrement inscrit dans le grand livre de la vérité – écrit par qui déjà ? – que les défis ne se prennent qu’une bouchée à la fois. Lentement, par petits morceaux. Alors quand on commence en lionne par une overdose de « c’est décidé, je quitte tout ! » et qu’on nage en pleine utopie, les chances de survie des projets sont minces.
Alors je fais quoi ? J’abdique ?
Non. Je sors mes bottines et je vais marcher.
Marcher d’abord pour m’aérer l’esprit et m’aider à y voir clair. La marche pour moi est comme un bain pour d’autres. Régénératrice, contenant à chaque fois des promesses de bien-être et de chaleur.
Là, mon portable sonne. Un nouveau texto d’une amie.
- Tu viens prendre l’apéro, ce soir ?
- Pas tellement, non.
- Allez, viens donc !
Est-ce que la vie peut être plus douce avec des « viens donc » ? Certainement. Sauf que j’essaie de me trouver un terrain de résistance et d’optimisme face à moi-même en marchant sur notre île, je ne vais tout de même pas flancher à la première occasion.
Toutes mes vraies amies savent que quand je réponds non, même si ça peut sembler bête, ça ne l’est jamais. Elles comprennent que je pratique l’économie de mots.
Non veut aussi dire : T’es tellement gentille de m’inviter et tu le sais que tu comptes pour moi, mon amie, mais, vois-tu, je suis en plein processus de réflexion sur l’idée d’arrêter plein de trucs cet hiver et aussi de me bourrer la tête d’optimisme face à mes propres pas de Lilliputienne, comme humaine normale j’entends, alors merci tellement, mais finalement ce sera non.
Mille baisers.
Et je continue mon chemin. Ma ville est plate, alors mes marches sont faciles, sans embûches ; elles permettent une vraie introspection. Je continue de réfléchir. Et si je diminuais, seulement, le vin la bouffe et que je travaille à mes projets une heure par jour, peut-être que ma vie changerait ? Moins, moins, comparativement au plus que la vie te balance à chaque instant. Moins de tout. Moins manger, moins boire, moins de distractions. Et alors plus de temps pour ce qui compte vraiment.
Est-ce réaliste ? Oui. Est-ce que je vais devenir plate ? Sans doute !
Mon ami Philippe, lui, croit le contraire et que de diminuer le poids de quelques irritants va m’aider à devenir une personne plus près de mes objectifs personnels et donc plus intéressants, pour qui s’intéresse vraiment à qui je suis.
Pour lui, il s’agit d’une simple soustraction. Adopter une hygiène de vie dans laquelle le moins est porteur de plus. Totalement 2020. Philippe est un philosophe qui s’ignore !
Mon portable résonne à nouveau. Une autre amie.
- Hello, Miss, as-tu du temps pour un café, quelque chose ?
- Pas tellement, non.
- : (
- Les émojis sont une forme de chantage affectif.
- : (
- Je t’appelle tantôt.
Moins, moins, moins. Moins de tout, sans tout arrêter du jour au lendemain. Diminuer les irritants permet aussi de choisir ses sources ; source d’approvisionnement en information, en divertissement, en bouffe, aussi en amitié ! On pourrait ainsi installer sur notre île un fabuleux terrain de résistance. En douceur, en ne se délestant pas de tout, mais en transformant quelques habitudes dans lesquelles on s’enlise.
Je trouve mon Philippe assez intéressant.
Rendue à 3 kilomètres de chez moi, je commence à prendre cette idée à bras le corps. Je gonfle le torse, animée par une nouvelle conscience. Je compte utiliser le moins comme nouveau mantra. Ouste le Aum ! En 2020, je tenterai le moins dans tout et je…
Cette fois, mon portable sonne. Il s’agit de mon amoureux.
- Allô, où es-tu chérie ?
- Dans le MOINS.
- Quoi, le vol de tes données chez Desjardins a déjà été vendu ?
- NON! Je suis dans le MOINS, dans ma tête.
- Tu veux faire des économies ?
- En quelque sorte, oui.
Comprendra qui voudra, je décide pour moi, un jour à la fois.
Mon ami Philippe est exceptionnel, mais à vrai dire je n’ai pas besoin de coach de vie ou de gourou. Je suis ma propre voie, je marche mes propres kilomètres, dans l’imperfection et dans cette idée de m’améliorer qui ne me quitte jamais. Ma discipline ne sera pas olympique, mais elle sera personnelle, unique. Et je pourrai toujours m’inventer des médailles imaginaires, comme des cadeaux que je me refilerai, en douce, sans que personne ne le sache ! On doit quand même prendre soin de soi.
Ding, ding. Un nouveau texto, d’un collègue.
- As-tu lu la dernière, ce matin ?
- Non, mon Simon ! Je marche mon 5 kilomètres, en ce moment.
- Tu veux que je te l’envoie ?
- Pas tellement, non.
Et ce non veut aussi dire : Tu sais quoi, mon beau Simon ? Je n’ai plus envie de ce bruit, j’essaie depuis ce matin cette démarche et le moins de bruit possible en fait partie. Peut-être que j’échouerai, peut-être que ce sera un succès. C’est champ gauche, je sais, mais je suis une fausse droitière depuis des années ! Je respire à fond, je regarde ce ciel qui est d’un bleu magnifique et je pense que le président américain peut bien m’attendre, une heure ou deux. Je te propose aussi un café, demain, si tu veux. Je te connais une oreille attentive et j’aimerais bien te parler d’un de mes projets. Ça te dit ? Bise.
Christine est une cinquantenaire, amoureuse, mère, passionnée par la vie dans toutes ses imperfections. Elle est curieuse de tout, surtout des autres ! Vous pouvez retrouver certains de ses textes sur son site cinquanteislenouveaumoi.com ou la suivre sur Twitter et Instagram.
À lire aussi: