On aura tout dit: « Un lac et une boîte à souvenirs »

15 Juil 2020 par Christine Pouliot
Catégories : Culture / Véro-Article
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Christine Pouliot nous parle de ses souvenirs de vacances au bord du lac de son enfance.

Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours adoré l’eau. Je parle de l’eau de lac, remplie de sable, de poissons, de feuilles, de bois morts… et parfois de trésors.

Enfant, j’ai eu la chance que mes parents possèdent un chalet tout près de l’eau, en campagne. J’ai des souvenirs d’été impérissables.

Des étés complets en maillot de bain, de la fin juin à la fin août. Je dormais même avec mon maillot pour être la première dans le lac, à huit heures le matin !

J’y descendais très tôt, j’y passais mes journées, ne remontant que pour aller chercher un lunch, à manger de préférence sur le quai.

J’ai eu de belles amitiés de lac, des gens que je ne vois plus aujourd’hui, mais qui dans mon souvenir sont intacts, beaux, souriants, joyeux et, bien sûr, en maillot de bain. Une belle bande de rue, de la première à la dernière maison, remplie d’enfants.

Je me souviens des soirées, couchée sur le quai, ma meilleure amie à mes côtés, à regarder les étoiles et à imaginer nos vies d’adultes, les bras troués de piqûres de moustiques, la bouche pleine de réglisse rouge.

Les questions qui revenaient le plus souvent entre nous étaient : combien aurions-nous d’enfants ? Bien sûr, on ne savait rien de la vie d’aujourd’hui et on s’imaginait voisines, avec des amoureux qui seraient trop beaux et probablement frères.

Pourquoi pas ?

Comme ça, on ne ferait aucune jalouse. Et nos enfants joueraient ensemble, évidemment. Des lunettes roses, tu dis ? Rose bonbon, avec des brillants.

Souvent, je me demande ce qu’on garde de l’enfance. On pense qu’on change en vieillissant, mais au fond, est-ce si vrai que ça ?

On aspire à un mieux-être, mais parfois le naturel a besoin de place ! Surtout quand des changements se pointent dans notre vie et qu’on doit se retrouver un peu.

J’ai gardé ce goût pour les étés près d’un lac, ce goût du luxe de la nature à proximité et surtout celui de l’eau. Sans eau pendant un moment, j’ai l’impression de mourir un peu.

J’ai rencontré mon François de mari dans cette même campagne où j’ai passé tous mes étés jusqu’à mes vingt ans.

Puisque le hasard n’existe pas, je me dis qu’on devait se trouver ?

Deux fous de l’eau ensemble, ça a des chances de fonctionner.

Ce qui n’est pas un hasard non plus, en campagne, c’est l’apaisement qui vient avec le bruit des feuilles qui se retournent au vent juste avant la pluie, c’est celui des criquets qui font un boucan d’enfer en début de soirée. Et la plus belle des lumières est vraiment celle des lucioles sur la plage, à pas d’heure, quand le sable est froid et qu’on ne distingue plus grand-chose, à part ces mouches à feu qui sont un spectacle permanent en soi. Peut-être que ces images emmagasinées deviennent un album photo intérieur, une boîte à souvenirs qu’on trimballe et qui nous nourrit quand on est en manque ?

Je ne sais pas.

Ce que je sais, c’est que ma boîte à souvenirs est précieuse « et pas touche ! ».

J’y ai mis mon amie Paule – que sa mère appelait Miss Cucumber parce qu’elle adorait les concombres – et son voilier Laser flambant neuf. J’y trouve notre ami Steve le plongeur, un spécialiste du ménage sous le quai où on trouvait de tout.

J’y vois mes amours d’adolescente, au champ de balle, à l’entrée de la ville, qui ne sauront jamais que je les ai tant aimés. L’amour peut être un secret bien gardé.

Au plus fort de la vague, j’y revois aussi nos baignades pendant les orages – y a rien de mieux pour un buzz d’adrénaline -, nos allers-retours à Blueberry Beach en yacht, la plage de tous les péchés dont le sable était fin et d’un blond très pâle.

Et tous les noyés sortis de l’eau qui ont nourri nos peurs d’étés !

À l’époque où la ceinture de sécurité était un accessoire facultatif, laissé sur le banc… et où l’alcool en bateau était la norme.

– Il est mort comment ?

– Broyé par l’hélice du moteur !

Quand t’as 10, 11, 12, 13 ans et l’imagination fertile, une image cauchemardesque est si vite arrivée. Et les noyés, à la base, ne font pas des morts esthétiques, on va se le dire.

Enfin, on en a joué un coup, exploré tous les bois et tous les bords du lac, passé du temps dans des chalets où le lac entrait avec nous, dans les divans et les fauteuils, humides à longueur d’été.

La grande question qui demeure est la suivante :

Où étaient nos parents ??

Les miens étaient autour ou dans le chalet. Ma mère lisait et écoutait de la musique, mon père bizounait avec ses vieux outils. Un chalet des années quarante, tout en bois, ça demande de la peinture chaque été. Et des soins particuliers.

Je ne me souviens pas de grands débordements ou de sorties compliquées. On jardinait, on recevait la famille tous les week-ends et voilà.

Le resto ? Non. Les frites du casse-croûte chez Marcotte ? Oui.

À aller chercher de préférence pieds nus !

Des coups de soleil, j’en ai eu mille. Des genoux en sang ? Trois mille. De la peur au ventre ? À tous les jours, selon le niveau de témérité de la bande.

Mais ça ne m’a jamais empêchée d’être joyeuse et libre.

Le dehors a meublé tout mon intérieur.

Avec un autre François, un ami déjà sarcastique à 11 ans et qui me donnait mal au ventre de rire, on jouait aux Barbie et aux G.I. Joe, mais à SES conditions. Autour de constructions compliquées de vase et d’eau. Pauvres Barbie ! De la vase dans le visage et partout sur le corps, souillées, impossibles à garder propres. Leurs vêtements blancs et roses, irrémédiablement et assez vite brun foncé. Quand je voyais du camping en amoureux – j’ai toujours été romantique -, François voyait la carrière Miron qui rencontre la campagne. Deux mondes, oui, mais qui ne se déclaraient jamais la guerre.

C’était comme ça. On acceptait tout, dans le jeu.

J’ai revu ce François il y a un an ou deux. Il a les cheveux tout blancs, mais il sourit toujours autant. Il a racheté le chalet de ses parents, sur la plage.

On a pris tous les deux l’âge que nos parents avaient alors.

Nos visions de la vie ont certainement changé. Mais il y aura toujours, quelque part, un lac, un trou de vase et des souvenirs entre nous.

Je me demande même s’il ne joue pas encore aux G. I. Joe…

Vous avez un lac ou un souvenir d’été qui vous titille l’intérieur à la seule évocation d’une image logée dans votre boîte à souvenirs ?

Vous faites partie des chanceux.

Bonnes vacances !

 

Christine est une cinquantenaire, amoureuse, mère, passionnée par la vie dans toutes ses imperfections. Elle est curieuse de tout, surtout des autres ! Vous pouvez retrouver certains de ses textes sur son site cinquanteislenouveaumoi.com ou la suivre sur Twitter et Instagram. 



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  1. Ginette Samson dit :

    C’est très bon !

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