Il y a 16 ans, le public découvrait Pier-Luc Funk au cinéma. Depuis, on le voit partout ! Si le talentueux comédien n’en est pas à ses premières armes, il semble prendre davantage de risques maintenant, apparaissant dans des projets où on ne l’attend pas. Rencontre avec un passionné du jeu, attiré par l’humain dans toute sa complexité.
Mercredi glacial d’un hiver en dents de scie. C’est dans un restaurant branché où l’acteur a ses habitudes – il salue les employés dès son arrivée – que nous nous attablons pour discuter. La chaleur de l’endroit nous enveloppe et donne envie de prendre son temps, un luxe trop rare quand l’agenda déborde. Comme celui de Pier-Luc.
J’avoue apprécier avoir de l’espace pour discuter, non seulement de ses activités, mais aussi de lui. L’acteur me répondant qu’il est à l’aise, je lance donc à la blague : «Alors, qui es-tu ?» Il éclate de rire. «Ça part fort ! Méchante question !» Généreux, Pier-Luc se prête au jeu. «Je pense être quelqu’un qui a trouvé vite ce qu’il aimait. Au début, je ne savais même pas moi-même qui j’étais… Un petit gars dans une famille à Laval avec deux parents, une petite sœur, une grande sœur et une piscine hors terre.» Son aînée était studieuse, alors que lui n’excellait pas en classe. «J’essayais de jouer au hockey avec les autres gars de mon quartier, pis ça marchait pas. Ensuite, j’ai essayé le soccer. J’étais pas bon, j’aimais pas ça, mais je jouais parce que j’avais l’impression que c’était la seule activité disponible pour moi.»
Durant un camp de jour où il participe à une activité théâtrale, il déclenche les rires du public pour la première fois. C’est une révélation. Puis, dans le «sous-sol d’une madame» qui accueillait trois élèves, Pier-Luc suit ses premiers cours de théâtre. «C’est vraiment parti comme ça, d’un petit gars qui se cherche un peu. La télé est arrivée plus tard et c’est devenu mon métier. J’ai été vraiment chanceux !»

L’été qui a tout changé
Le tournage du film Un été sans point ni coup sûr a été déterminant pour le jeune acteur. «J’ai su, à partir de ce moment-là, que c’était ce que je voulais faire. Ça ne m’a pas seulement ouvert les yeux sur le métier que je voulais exercer, mais aussi sur le monde. J’ai rencontré Jean-Carl [Boucher] et je me suis dit: “Mon dieu, un autre gars qui aime les mêmes affaires que moi !” J’ai découvert l’univers dans lequel je voulais baigner. C’est l’été qui a changé ma vie», assure-t-il. Francis Leclerc, le réalisateur, est d’ailleurs toujours un ami du comédien, 16 ans plus tard.
Impossible de ne pas établir ici un parallèle entre la quatrième saison de Plan B, où il incarne le personnage principal, et son propre parcours. Un plan B, en a-t-il jamais eu un ? «Je pense que ça m’aurait pris un métier qui demande la même dévotion. Je n’aime pas ça quand les gens voient notre réalité comme du “showbiz”, alors que la veérité, c’est que tu te lèves à 4 h 15 du matin pour aller travailler. Moi, j’aime ce métier-là pour les journées de tournage, pas pour les tapis rouges.» Pier-Luc Funk, lui, carbure aux défis. «J’ai toujours été fasciné par les cuisines. Je pense que j’aurais pu mettre toute cette énergie-là dans un restaurant», dit-il.
Vu toutes les émissions auxquelles il a pris part dernièrement, je doute qu’il en arrive là. Pour toujours plus un jour, Fragile et Entre deux draps sont autant de téléséries marquantes où il tient la vedette avec, dans cette dernière production, sa conjointe Virginie Ranger-Beauregard. Ce printemps, la nouvelle mouture de Plan B tourne autour du personnage qu’il interprète, celui d’un jeune défavorisé qui tente de renouer avec son père à sa sortie de prison. Un défi de taille, quand on sait qu’il a participé à pratiquement toutes les journées de tournage, une cinquantaine au total. Dévotion, disait-on ?
En 2023, on verra aussi Pier-Luc dans la télésérie Les révoltés, réalisée par Louis Choquette, où il partage la vedette avec Sarah-Jeanne Labrosse, son ancienne coanimatrice de Mammouth : «Sarah-Jeanne est quelqu’un que j’admire beaucoup, qui a une rigueur exceptionnelle dans le travail. J’ai adoré jouer avec elle.» À ses côtés, Pier-Luc campe cette fois un journaliste «ultra allumé et intelligent, vraiment plus intelligent que moi ! » Un réel plaisir pour l’acteur, qui se glisse dans un nouveau casting de jeune professionnel. Un personnage qui vient avec son lot de défis, dont celui de maîtriser un jargon spécialisé que l’acteur a dû apprendre.

Talent d’Achille
Je reviens à nos moutons, à son chemin pas tracé d’avance, mais sur lequel il progresse avec conviction. Le fait d’avoir travaillé si tôt dans sa vie fait-il en sorte qu’il éprouve le besoin de se réinventer aujourd’hui ? «Oui, j’ai vraiment cette réflexion. Je pense que c’est la même que quand j’étais jeune, mais c’est juste que pour écrire, par exemple, ça prend une certaine maturité, pour réaliser aussi… Plus j’évolue dans le milieu, plus je m’intéresse aux gens derrière la caméra.»
La façon dont Pier-Luc parle de son âge donne l’impression qu’il s’est déjà empêché d’écrire parce qu’il ne se sentait pas légitimé de le faire. «Ce n’est pas à cause de l’âge, réplique-t-il. C’est parce qu’en français, je faisais tellement de fautes ! Je pense que j’étais bon pour raconter des histoires, mais j’ai toujours associé ça à quelque chose de gênant parce que j’avais des mauvaises notes.» Sa révélation est d’autant plus étonnante que Pier-Luc est un joueur étoile de la Ligue nationale d’improvisation, un art où la création s’opère sans filet. «Tu as raison, et c’est ça qui m’a fait réaliser que j’écrivais, dans le fond ! Quand je m’y suis mis sérieusement, j’ai réalisé à quel point j’aimais ça. Mais j’ai dû travailler pour me débarrasser de ce nuage qui me suivait.»
Je n’aime pas ça quand les gens voient notre réalité comme du “showbiz”, alors que la vérité, c’est que tu te lèves à 4 h 15 du matin pour aller travailler. Moi, j’aime ce métier-là pour les journées de tournage, pas pour les tapis rouges.

À bientôt 29 ans, sa feuille de route est impressionnante. Que souhaite-t-il pour la suite ?
«J’ai envie que ma trentaine soit orientée vers mes amis. J’ai le goût de travailler avec eux, de réaliser, de proposer mes histoires. J’ai passé 16 ans à jouer celles des autres. Mon urgence, en fait, c’est de raconter les miennes.»
Un projet qu’il se voit porter à l’écran a déjà germé dans sa tête. Il le coscénarise avec Pascale Renaud-Hébert, une amie de longue date qu’il a rencontrée grâce à l’improvisation. «Elle écrit huit séries à la fois, mais on va trouver le temps ! Pascale est structurée et elle a une plume extraordinaire pour exprimer nos idées.» Quand je demande à Pier-Luc s’il ont déjà un producteur, il avoue avec humilité… qu’il aimerait bien produire lui-même la série.
Récapitulons: pour ce projet, il serait donc coscénariste, acteur, producteur… et réalisateur ? «Oui, ce serait mon but.» Je lui lance à la blague qu’il aura peut-être juste besoin d’un peu d’aide pour la prise de son, ce à quoi il répond du tac au tac : «Je pense que je vais installer une perche dans mon costume !» Mais non ! Il prévoit laisser ça à quelqu’un en qui il a confiance. «Par contre, je pense que réaliser des sketchs d’Entre deux draps, j’aimerais vraiment ça !»
Avec tous ces projets, on se demande ce que Pier-Luc fait de ses temps libres. «Pas grand-chose… Pour vrai, j’aime aller au spa durant mes journées de congé. Je suis une vieille dame !» Et pendant ses vacances ? «J’essaie juste de ne pas être dans la performance.» Est-il capable de faire ça, lui ? Avec un jeu de société, par exemple ? «Ah non, je suis super compétitif !» avoue-t-il, précisant qu’il s’est déjà disputé avec sa famille au cours d’une partie de Toc. «Ma mère ne veut plus jouer avec moi parce que la dernière fois, elle a cru que je lui en voulais tout le long de la partie !»

Qui suis-je ?
Une aura de mystère semble toutefois entourer Pier-Luc. Si certains artistes donnent l’impression de se révéler entièrement au public, pas lui. «C’est parce que les gens ne me connaissent tout simplement pas. Je pense que même moi, j’ai de la misère à me connaître!» plaisante-t-il. L’acteur dissimule-t-il certaines choses volontairement ou est-il juste mystérieux ? «Je ne pense pas être mystérieux. J’aimerais ça être Marc-André Grondin, mais je n’y arrive pas !» Il réfléchit un peu avant de poursuivre : «Il y a probablement des choses que je garde pour moi, mais en même temps, je suis 100 % honnête. Même les gens qu’on connaît – ou qu’on croit connaître –, je me demande si on ne voit pas seulement la version d’eux qu’ils veulent bien partager.»
Avant de terminer l’entrevue, je badine en disant que le titre de l’article est déjà trouvé : «Savez-vous qui est vraiment Pier-Luc Funk ?» Il réagit aussitôt : «Non, parce que lui-même ne le sait pas ! J’aimerais ça être capable de savoir qui je suis, pour vrai. Ça apporterait des réponses à mes questions… mais plus tu as de réponses, moins tu cherches. Et ça, ça vient un peu briser le processus.» Je souris. Pier-Luc a tout compris : «C’est l’inconnu qui te pousse à chercher, c’est de là que naît la création.»

Photos : Fred Gervais
Assistant-photographe : Jules Bédard
Stylisme : Farah Benosman
Mise en beauté : Jean-François Cd
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