Planète femmes : la quête créatrice de Mylène Mackay

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15 Mar 2022 par Marilyse Hamelin
Catégories : Culture / Mode / MSN / Oser être soi / Véro-Article
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À la fois comédienne prisée du public et créatrice enflammée sur les planches, Mylène Mackay demeure d'une remarquable spontanéité, comme si sa franchise naturelle était à toute épreuve.

Qui aurais-je la chance de rencontrer? La figure populaire du petit écran triomphant dans des séries à succès ou bien l’actrice magnétique déjà nommée «étoile montante» au prestigieux Festival international de cinéma de Toronto? Ou peut-être encore la femme de théâtre engagée ayant cofondé sa propre compagnie?

En réalité, je n’ai rencontré aucune de ces femmes.

Et toutes à la fois. Si, en 2016, elle a interprété quatre versions de Nelly Arcan dans un même film, il n’y a qu’une seule Mylène Mackay et elle ne fait aucun distinguo entre ses multiples chapeaux. Elle tisse plutôt sa vie avec un fil conducteur unique, celui de la création.

Peu présente sur les réseaux sociaux – elle n’a qu’un compte Instagram, qu’elle utilise de temps à autre pour parler de son boulot –, l’actrice manque de s’étouffer dans son chaï latté végétal quand je lui demande si elle a conscience de son pouvoir d’influence en tant que figure publique et populaire. «Euh… je ne sais pas. Je ne me trouve pas populaire. (rires) On dirait que je ne me vois pas comme ça! s’exclame-t-elle. N’importe laquelle de mes amies te le dirait: j’oublie que je suis comédienne à chaque seconde. C’est fondamentalement qui je suis, mais je l’oublie tout le temps.»

L’actrice de 34 ans ne craint pas les paradoxes et encore moins ce qu’on peut penser d’elle, trop occupée qu’elle est à cultiver sa bulle artistique. L’ensemble de son travail – qu’il se déroule au théâtre, à la télé, en doublage ou dans un premier rôle au cinéma – forme à ses yeux un tout cohérent répondant à cette avide quête créatrice qui l’habite depuis son enfance.

Déjà, au primaire, les enseignantes lui proposent d’écrire des pièces de théâtre pour l’occuper en attendant que les autres élèves aient terminé leurs devoirs. C’est peu dire que la petite Mylène est douée: danse, cirque, comédie… tout l’intéresse. Et elle a la chance de faire partie de celles qui viennent au monde avec tous les talents.

«Du plus loin que je me souvienne, je me suis toujours axée sur la création et l’écriture, raconte-t-elle. Je passe par ce chemin-là tout le temps. Je fais fi du reste. J’essaie, par exemple, d’amener mon écriture dans tous mes rôles. Je veux dire par là qu’on la retrouve parfois dans mes silences, pas parce que je veux changer le texte que je dois jouer!» (rires) Cette approche lui réussit, puisqu’elle affirme n’avoir jamais eu à accepter un contrat «pour l’argent». «Je ne dis pas que ça n’arrivera jamais, mais à ce jour, j’ai uniquement participé à des projets qui m’allumaient. Je touche du bois.»

Faire fi de tout le reste, c’est aussi être surprise lors des rares rappels de sa notoriété. «Je pèse le poids de ce qu’est “faire de la télé à heure de grande écoute” quand je sors d’ici [le Plateau Mont-Royal, que nous habitons toutes deux]. Ici, ce n’est pas compliqué, tout le monde est acteur! Je marche dans le parc et je ne me sens ni spéciale ni différente. Personne ne me parle ni ne m’observe. Par contre, dès que je sors de la ville, c’est une autre histoire…»

Jardin d’Éden

Dans son cercle d’amies proches, on échange sur les émotions et la vie intérieure. On veut être soi, entièrement soi, et jamais en représentation. Cette quête de vérité, doublée d’un refus de se soumettre au désir de plaire, est ce qui compte le plus pour Mylène Mackay. C’est d’ailleurs ce qui noue sa relation avec ses «sœurs d’âme», sa «famille choisie». «J’ai trouvé de telles amies dans cette vie et c’est la chose la plus précieuse au monde!», confie-t-elle, les yeux brillants.

Je présume que, chez l’actrice, l’atteinte d’un certain équilibre entre vie professionnelle très publique et vie privée trouve sa source dans son enfance terrienne et les valeurs dont elle a hérité de ses parents, un couple d’horticulteurs environnementalistes. Avec son frère et sa sœur – elle est l’enfant du milieu –, Mylène a grandi sur la ferme familiale, dans Lanaudière. «J’ai eu une enfance merveilleuse. J’ai été élevée dans la célébration de la nourriture et de la beauté du monde, se remémore-t-elle avec un plaisir manifeste. Imagine: je vivais entourée de fleurs et d’abeilles, à manger du miel et à cueillir des petits fruits…»

La propriété comportait un énorme jardin ouvert au public, une occasion pour la fillette d’apprendre à socialiser. «Ça fait partie de mon éducation, de savoir me montrer ouverte et accueillante», résume-t-elle. Or, sa fibre artistique se manifeste bien vite et, malheureusement, rien ne s’offre à elle pour la cultiver à la campagne. «Il n’y avait aucun programme d’études en cirque, en danse ou en théâtre, rien non plus de ce genre comme activité parascolaire.»

Aux grands maux les grands remèdes: ses parents l’inscrivent en option théâtre à l’École secondaire Robert-Gravel (autrefois École Saint-Louis), à Montréal. À partir de ce moment-là, père et mère se relaient semaine après semaine entre la ferme familiale et l’appartement loué dans la métropole afin de permettre à l’adolescente aspirante comédienne de développer ses talents.

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Le mot en «F»

Fast forward quinquennal (et des poussières): Mylène Mackay devenue jeune femme dévore les œuvres de
Virginia Woolf, d’Anaïs Nin et de Naomi Wolf alors qu’elle étudie à l’École nationale de théâtre (ÉNT). Elle y fait la connaissance de ses complices, Marie-Pier Labrecque et Thomas Payette, avec qui elle fonde la compagnie théâtrale Bye Bye Princesse.

Leurs créations expriment la révolte et la volonté de secouer le statu quo. «J’ai commencé ma carrière en me posant des questions sur la place des femmes dans le monde, sur les injonctions à la beauté uniformisante, la peur du vieillissement, de l’effacement, se souvient Mylène. On sortait toutes nos peurs et notre frustration parce que cette pression-là, même à seulement 25 ans, on la sentait déjà.»

À l’époque, elle-même ne s’affiche pas tant que ça comme féministe en dehors de la scène. «Ce n’était pas un sujet d’actualité. Personne n’en parlait. En fait, c’était presque perçu comme une maladie!» Depuis, la comédienne remarque que le monde a fait un virage à 180 degrés. «Le féminisme est désormais tellement galvaudé que, des fois, on dirait qu’il est même vidé de son essence. Autant c’est rendu évident qu’il faut être féministe, autant c’est pratiquement devenu une marque de commerce. On est rendus à l’autre extrémité du spectre et c’est pernicieux parce que ça donne l’impression que l’égalité est acquise, mais ce n’est pas le cas!» Reste qu’aujourd’hui, Mylène préfère prendre du recul, se sentant moins prompte à opter pour la provocation. «J’ai besoin de passer l’information dans le tamis de l’écriture pour être certaine que ce que j’exprime est ce que je ressens profondément.»

Cinéma, cinéma…

Mylène Mackay s’initie au septième art quelques années après sa sortie de l’ÉNT. Elle débute dans Endorphine d’André Turpin, puis enchaîne les projets. Elle tourne deux fois avec l’iconoclaste André Forcier (Embrasse-moi comme tu m’aimes et Les fleurs oubliées), avant de poursuivre, entre autres, avec Mafia inc., Sam et Brain Freeze (film d’ouverture de la plus récente édition du festival Fantasia).

Elle le dit sans ambages, le cinéma est son moyen d’expression préféré car on y prend davantage son temps, ce qui permet de multiplier les prises. «Bien sûr, comme à la télé, il y a des budgets stricts et certaines concessions à accepter, mais les directeurs artistiques peuvent opter pour une orientation qui les fait vibrer, et c’est la même chose pour les gens aux costumes, au maquillage, illustre-t-elle. Disons qu’il y a moins de minideuils à vivre.»

Si les moyens ne sont pas toujours à la hauteur des ambitions sur les plateaux de télé, cette situation ne comporte pas que des désavantages, selon Mylène: «J’aime l’adrénaline et la compétitivité, et c’est pourquoi les tournages à la télé viennent titiller chez moi une autre forme de satisfaction. Cela dit, je retire une joie plus profonde dans le sentiment d’avoir pris le temps d’aller au fond des choses.»

Au cinéma alors, quel serait son rôle de rêve? Elle aimerait bien jouer un homme, comme Cate Blanchett l’a fait dans I’m not there, le film sur la vie de Bob Dylan. «Je veux me transformer, devenir ultra androgyne!» Surtout, elle voudrait interpréter des personnages à la Almodóvar, dans des histoires «complètement folles, grandioses, hyper intenses, presque drôles à force d’être extrêmes».

«J’aime quand la comédie et le drame se rejoignent. Je voudrais tirer la nappe, casser des assiettes, tu vois le genre?» Oh oui, je vois. Et, en tant que spectatrice, je dois dire que cette perspective m’apparaît rien de moins que jouissive!

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SES ACTUS

On peut voir Mylène dans la série Sans rendez-vous, à ICI Radio-Canada Télé, dans la deuxième saison de la série Les honorables, au Club Illico, et dans la série de science-fiction Le 422, à Télé-Québec.

Photos Andréanne Gauthier
Stylisme Maude Sen
Mise en beauté Maïna Milita

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