Planète femmes : Noémi Mercier

Noemi-mercier
27 Août 2021 par Manon Chevalier
Catégories : Culture / MSN / Véro-Article
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Ouverte sur le monde et ne refusant aucun défi, la brillante journaliste est la nouvelle star de l’info à Noovo.

Curieuse en chef

Avec sa crédibilité à toute épreuve et sa nature foncièrement audacieuse, la nouvelle chef d’antenne nationale du bulletin télévisé à Noovo bouscule autant nos idées reçues que l’industrie des médias. Rencontre avec une femme sensible à toutes les diversités.

Noémi Mercier est apparue là où on ne l’attendait pas, dans un rôle qu’elle ne convoitait pas le moins du monde avant qu’on le lui propose. Pourtant, dès qu’on a su qu’elle serait «la nouvelle des nouvelles de Noovo», comme l’a surnommée affectueusement Guy A. Lepage à Tout le monde en parle, en mars dernier, l’annonce a fait l’unanimité. Un fait rare dans l’industrie des médias parfois féroce, mais qui s’est inclinée devant ce choix aussi évident qu’inattendu. Car au fond, il n’y avait qu’elle pour piloter une émission d’information fermement résolue à bousculer les codes, tant sur le fond que dans le ton. Si bien qu’elle est devenue la première femme issue de la diversité à lancer en orbite un journal télévisé au pays – un triomphe en soi –, auquel elle s’est donnée corps et âme afin d’en repenser les règles pour mieux incarner la nouvelle.

«La tâche est colossale!» lance-t-elle, l’œil vif malgré l’heure très matinale de notre entretien sur FaceTime, qu’elle m’accorde de sa cuisine. Cela dit, rien n’arrête cette assoiffée de savoir à l’esprit joyeusement indépendant. «La transmission des idées, c’est ce qui me tient éveillée la nuit! Comment rendre une nouvelle aride plus accessible et intéressante au petit écran? Comment toucher suffisamment les gens pour qu’ils voient les choses sous un autre angle?» L’animatrice se perçoit-elle comme une éveilleuse de curiosité? «J’ai choisi le métier de journaliste pour faire une différence, mais il faut rester modeste. C’est très difficile d’amener les gens à changer d’idée, mais si je peux au moins les inciter à nuancer et à considérer un point de vue différent du leur…»

Dès son arrivée en ondes, le 29 mars dernier à 17 h, la chef d’antenne nationale, moitié Québécoise, moitié Haïtienne, a imposé son style. Rigoureuse sans être coincée, spontanée sans être désinvolte, empathique, pétillante ou incisive quand la situation l’exige. Un sans-faute pour la principale intéressée, qui ne mâche pas ses mots en abordant l’urgence de défier les diktats étouffants de la tradition de l’info télévisée. «Dans mon équipe, on reste fidèle à la déontologie journalistique, c’est sûr, mais après, on fait ce qu’on veut! Who cares? On a le droit d’avoir des émotions et du fun en ondes. Il faut qu’on innove, qu’on s’éclate! Sinon, tout ça, c’est du vent. À 44 ans, je me fiche des carcans!» scande avec aplomb celle qui n’est pas née de la dernière pluie, comme en témoigne son brillant parcours.

Journaliste d’exception, Noémi fait sa marque pendant 10 ans au magazine L’actualité, où ses portraits et grands reportages, dont celui sur les crimes sexuels dans l’armée canadienne, lui valent les plus prestigieux prix de la presse canadienne. Habituée des émissions culturelles à ICI Radio-Canada Première, elle collabore régulièrement à Plus on est de fous, plus on lit! et coanime Longueur d’onde, le temps d’une saison. En 2017, elle arrive à Télé-Québec, où elle commente les enjeux journalistiques à l’émission Dans les médias, avant d’animer la série documentaire Kebec avec une verve rafraîchissante.

C’est très difficile d’amener les gens à changer d’idée, mais si je peux au moins les inciter à nuancer et à considérer un point de vue différent du leur...

Le pouvoir d’influence

«Je suis fière d’avoir implanté, avec ma productrice de contenu, un climat de travail non toxique dans une salle de nouvelles. Malgré le stress et les contraintes du quotidien, toute l’équipe s’aime et travaille dans la bienveillance. C’est nouveau comme façon de faire», se réjouit la féministe de longue date, qui savoure une nouvelle facette de son pouvoir. «Ce qui me drive, en plus de rendre l’émission utile, c’est l’influence que j’ai. J’avais hâte que ça m’arrive car, dit-elle sans la moindre arrogance, j’ai les compétences voulues pour le faire. Si bien qu’aujourd’hui, je décide de ce qui va en ondes… ou pas.»

Prenons par exemple la diversité, un de ses chevaux de bataille: «C’est un mot qu’on a vidé de sa substance. Pour moi, la diversité, c’est une collectivité d’origines diverses, dont il faut se soucier. Parce que c’est une question de justice sociale. Il faut faire sauter les barrières qui empêchent certains de prendre la parole. Personnellement, j’ai besoin de m’entourer de gens issus d’horizons différents. Ça me challenge, ça m’aide à cultiver le doute et à chasser mes angles morts», soutient celle qui s’empresse d’accueillir des personnes issues de la diversité au sein de son équipe, tout en leur donnant concrètement les moyens de réussir.

Fille d’une infirmière et d’un lieutenant-colonel des Forces armées canadiennes, tous deux retraités, Noémi Mercier a hérité de leur sens de l’empathie, de la justice et de l’éthique. Née à Loretteville, elle a grandi en partie à la base militaire Valcartier, entre un grand frère et une sœur cadette. «Introvertie, j’avais souvent le nez dans les livres», révèle celle qui s’y réfugiait pour mieux goûter sa solitude. «Dès que j’ai su écrire, j’ai composé des histoires, des poèmes et… des prières en rimes», se rappelle-t-elle en souriant. «Et si j’ai décidé de devenir journaliste, c’était aussi pour sortir de ma coquille.»

Quand je lui demande si l’écriture lui manque, sa réponse fuse aussitôt: «Quitter le magazine a été un choix réfléchi, mais ça reste un deuil. Faire du reportage, c’est une drogue très très dure. Je ne connais pas d’autre façon de vivre aussi intensément que sur le terrain.» Ce qui l’amène à évoquer le reportage qu’elle a réalisé pour L’actualité, en 2017, sur le club de lecture de la prison pour femmes de Joliette. «J’ai été vraiment touchée par l’accueil de ces femmes intelligentes, pleines de sagesse et d’humour. Être témoin du pouvoir transformateur des mots sur elles, c’est dur à battre comme sensation dans une vie!» raconte-t-elle, encore marquée par l’expérience.

Noemi-mercierQuel regard cette observatrice aguerrie pose-t-elle aujourd’hui sur la condition des femmes et la parité des genres? «Je trouve que, collectivement, on accepte trop d’injustices envers les femmes. Je pourrais énumérer la longue liste des inégalités qu’on banalise, comme si c’était normal! Pourtant, on a tous une responsabilité!» affirme-t-elle, avant de citer les mots de la grande essayiste afro-américaine Toni Morrison, tirés de son roman Beloved: «What Can I Do Where I Am?» (qu’on peut traduire par «Que puis-je faire là où je suis?»)

«Cette phrase m’habite. Bien sûr, la réponse est différente pour chacun – on n’est pas tous à la même place et on n’a pas tous les mêmes moyens. Mais si l’égalité nous tient à cœur, on peut tous faire quelque chose, comme ne plus tolérer une joke sexiste. Dans mon show, je consacre du temps aux questions de parité au sens large. C’est le bout que je peux faire pour accorder du poids médiatique à ces enjeux, qui pourront avoir un impact dans l’opinion publique. J’aimerais tellement que nos gouvernements partent de ce constat et corrigent les inégalités faites aux femmes! Mais bon, ça n’arrivera pas», tranche-t-elle.

Si sa remarque peut sembler fataliste, la journaliste l’avoue d’emblée: «La pandémie m’a forcée à cultiver mon optimisme pour préserver mon équilibre. Et pour garder espoir face à l’avenir. Car on peut tous faire quelque chose, même à une toute petite échelle. Au début de la crise, on se disait qu’on allait tout reconstruire sur de nouvelles bases, qu’on allait réinventer la société. Eh bien non!» constate-t-elle devant l’ambition démesurée du projet. Puis, elle se ravise. Après tout, certaines choses ont bougé depuis mars 2020: «Il y a l’utilisation du mot féminicide, qui s’est généralisée ces derniers temps. Aussi, on est davantage sensibilisés à l’importance des travailleurs essentiels. Et on s’est mobilisés contre le racisme. Même si le sujet est douloureux ou déchirant, au moins, on en parle!» En somme, quoi qu’il arrive, la société avance. Pas aussi vite que Noémi le voudrait, mais elle avance malgré tout.

Je trouve que, collectivement, on accepte trop d’injustices envers les femmes. Je pourrais énumérer la longue liste des inégalités qu’on banalise, comme si c’était normal!

La grande aventure

Pour cette amoureuse de la nature et de l’hiver, une boule de neige vaut tous les bouquets de lilas. «J’aime sentir le vent, la neige, le froid sur mon visage. Le ski, ça me consume! Je pourrais en parler pendant des heures», lance celle qui, malgré sa crainte du vide, dévale les pistes les plus escarpées avec une aisance remarquable… «J’aime aller visiter mes peurs. Au lieu de me dire que je trouve pas ça le fun, j’ai appris à me dire que j’ai le sens de l’aventure.» Une tendance qui colore tous les pans de sa vie.

Globetrotteuse dans l’âme, elle explore la planète (prépandémique, s’entend) avec son amoureux Philippe Desrosiers, animateur, réalisateur et professeur en psychologie au collégial. «Chaque fois qu’on a la chance de partir, on cherche une destination où on pourra observer les animaux. Ça peut avoir l’air un peu cucul, mais on a un sens inné de l’émerveillement. On aime écouter le chant des cardinaux, observer une tortue pondre ses œufs sur une plage, nager avec les poissons…», dit-elle, précisant que son partenaire, qui a «un don surnaturel pour aller à la rencontre des gens», est son éclaireur. Aux yeux de Noémi, «l’amour est une chance. Celle de se trouver, de se choisir et de continuer à le faire. Ça fait 14 ans qu’on est ensemble. Et c’est avec lui que je veux vieillir, point.» Dommage que l’amour fou ne fasse pas plus souvent les manchettes!

Son actu

Noémi Mercier est à la barre du journal télévisé Noovo Le Fil à 17 h, du lundi au vendredi (Noovo).

Photos Julie Artacho
Stylisme Marie-kim Mercier
Mise en beauté Mayillah Ezekiel
Assistant-photographe Axel Palomares
Coordonnatrice Claudia Guy

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