Planète hommes : Du petit Stéphane au grand Rousseau

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09 Déc 2022 par Sophie Pouliot
Catégories : Culture / MSN / Oser être soi / Véro-Article
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Tête-à-tête éclairant avec l'homme qu'on croyait connaître, Stéphane Rousseau.

Le cinquantenaire au sourire ravageur apparaît partout cet automne, mais il est surtout, dans toute la splendeur de sa transparence, au coeur de Famille royale, son récit autobiographique. Qui a lu cet ouvrage sur sa jeunesse et sa famille a désormais l’impression de connaître Stéphane Rousseau. Plus seulement en tant qu’acteur ou humoriste, mais comme cet éternel jouvenceau à la candeur désarmante, autant animé du désir de semer une effervescente gaieté autour de lui que de devenir la meilleure version de lui-même.

Pas étonnant que Stéphane Rousseau ait ressenti une certaine parenté avec le personnage qu’il incarne dans la quotidienne STAT (qu’il conjugue, dans un horaire extrêmement serré, avec son rôle de juge-enquêteur à l’émission Chanteurs masqués): «Les préposés aux bénéficiaires, ce sont des gens remplis d’humanité. Pour en avoir côtoyé quelques-uns dans ma vie, quand toute ma gang était hospitalisée, c’est souvent avec eux qu’on va parler le plus.» Dans son livre, on apprend en effet qu’il a perdu sa mère à 12 ans, après plusieurs années de combat acharné contre le cancer, maladie qui emportera aussi, plus tard, son père et sa soeur. Petit rayon de soleil de la maisonnée, Stéphane usera de son sens de l’humour inné pour désamorcer les tragédies que ses proches et lui ont traversées.

«Parfois, on pense que la gratification est quelque part et, finalement, elle est ailleurs. Elle peut même être plus grande dans des gestes qui semblent plus petits, moins grandioses, moins spectaculaires. À ma petite échelle, par moments, quand j’ai accompagné des gens malades ou quand je sais que j’ai fait une différence pour quelqu’un, je reviens chez moi gonflé à bloc, fier de ce que j’ai pu apporter.» Et ces actes d’altruisme, selon lui, ont bien plus d’importance que n’importe quel autre accomplissement. «Ça risque bien plus de nous bousculer, de nous transformer, de faire de nous de meilleures personnes.»

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Être aimé

Les blagues et le joli minois de celui qu’on pourra aussi voir sous peu dans le film 23 décembre, scénarisé par India Desjardins, semblent effectivement sertis dans une solide monture de gentillesse. Par exemple, cet autoproclamé «grand sensible» déteste arriver en retard, préférant attendre plutôt qu’être attendu. Par respect. En entrevue, implacablement avenant, il confie que cette affabilité tire sans doute sa source dans son besoin d’être aimé, dans la «peur de décevoir» qui l’a hanté pendant des décennies…

«J’essayais toujours de répondre ce que l’autre voulait entendre. Je prenais ce que la serveuse avait envie que je commande. Si tu disais que tu n’aimais pas la cigarette, je disais que je n’avais jamais fumé de ma vie, même si j’avais déjà fumé… et que j’étais encore fumeur. Je voulais être aimé à ce point-là. J’étais une espèce de roseau: je penchais du côté où le vent me poussait pour ne pas déplaire. Mais, un moment donné, tu ne sais plus du tout ce que tu aimes.» Stéphane évoque alors une relation amoureuse antérieure où alternaient les jours où il se disait qu’il allait demander la dame en mariage… et ceux où il décidait intérieurement de la quitter. «J’étais comme ça tout le temps. Je me demandais si j’avais une double personnalité. Je pense que le petit cul et l’adulte étaient en combat constant.»

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Cette soif d’approbation s’est tout de même étanchée peu à peu avec le temps. «Aujourd’hui, même si j’aurai du travail à faire tout le restant de mes jours pour m’améliorer, je suis beaucoup plus conséquent face à mes actes, face à qui je suis.» À ce propos, il cite une vidéo vue sur TikTok et qui l’a inspiré – ça disait, en d’autres termes, qu’il faut trucider celui qu’on était pour renaître tel qu’on veut être. L’humoriste estime que c’est précisément ce qui lui est arrivé. Sentant poindre un épuisement professionnel, après que le succès mitigé de l’émission Le show de Rousseau lui eut donné «un coup dans les reins», il a tout arrêté pendant un an, juste avant la pandémie, se consacrant au dessin et à la peinture, extériorisant ses sentiments sur des toiles. Cette pause, prolongée par le confinement, lui a permis de faire le point, de cibler ses objectifs et d’évoluer vers celui qu’il entend devenir.

Parmi ses résolutions figure celle d’être plus discipliné. Sur le plan personnel, par exemple, pas question de céder à la complaisance (moult vidéos sur TikTok, encore une fois, l’aident à se motiver en ce sens) concernant l’exercice physique et la nutrition: «Je ne me demande plus si ça me tente d’aller m’entraîner ou de bien manger. J’essaie simplement de le faire… même si ça ne me tente pas.»

Sur le plan professionnel, ces aspirations se traduisent par un travail de préparation décuplé. «Avant, je me préparais mal, pas assez, à la dernière minute. Et ça, c’est très angoissant, parce que tu n’es pas à la hauteur de tes attentes et de celles des autres. Je procrastinais tellement que je procrastinais même mon procrastinage! Je pelletais par en avant dans tous les aspects de ma vie, les finances, les amours… Un moment donné, tu te ramasses avec une boule dans la gorge et tu ne peux même plus affronter la situation parce que c’est devenu trop gros.» Il y a quelques années encore, il n’aurait probablement pas pu mener de front autant de projets qu’aujourd’hui, lui qui frémissait à la seule vue d’un agenda trop chargé.

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L’audace de se mettre à nu

C’est donc animé de la conviction de savoir davantage qui il est et pour «mettre les pendules à l’heure» à cet égard qu’il a tenu à se présenter tel quel au public à travers Famille royale, récit autobiographique dont le titre reprend le nom d’un concours de talents organisé annuellement par le camp naturiste qu’il a fréquenté pendant toute son enfance. «J’ai été très complexé par mon niveau d’éducation et le milieu d’où je venais. Plus je gravissais les échelons, plus je me retrouvais avec des gens qui avaient étudié plus que moi et qui provenaient de classes sociales supérieures à la mienne. On ne part pas tous de la même place.»

Stéphane est né à Saint-Henri, puis les Rousseau ont migré à LaSalle. «Forcément, si j’avais grandi avec des parents violonistes à Outremont, je ne serais pas le même petit garçon que je suis devenu!» L’humoriste éclate de rire en réalisant le savoureux lapsus qu’il vient de formuler. «Remarque que c’est un peu ça», ajoute-t-il en s’esclaffant de plus belle.

Par souci de discrétion, il a refusé qu’on intègre des photos à son livre. Outre le nudisme auquel s’adonnaient les siens, il y évoque la naissance prématurée de son fils, ses débuts en humour auprès de Roméo Pérusse, alors qu’il était adolescent, ainsi que ses relations avec les membres de son clan familial. Celui qui dit détester la confrontation et plus encore blesser les gens s’inquiète un peu de l’effet des révélations qui parsèment son récit sur ceux qui restent, notamment l’amoureuse de son père qui l’appelle encore, précise-t-il, pour lui dire à quel point il était un homme extraordinaire. Ce boute-en-train, créatif et présent, ne se comportait pourtant pas toujours comme un gentleman avec les femmes. Et si on ressent incontestablement, à la lecture de Famille royale, l’amour de son auteur pour l’homme qui l’a élevé, leur relation n’a pas été sans heurts. Le fils s’est parfois senti exploité par le père, peut-être un peu trop fier de la réussite de son rejeton. «C’était mon idole. C’est dur de dépeindre ses côtés un peu moins l’fun», confie-t-il.

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Encouragé par son ami Louis Morissette, de même que par l’une de ses premières lectrices, France Beaudoin, qui signe d’ailleurs la préface de l’ouvrage, Stéphane a persisté dans son projet d’écriture. Or, se dévoiler ainsi à coeur ouvert ne vient pas sans certaines appréhensions. «C’est sûr que t’as un peu peur, car t’offres ça à tout le monde, y compris ceux qui ne t’aiment pas et qui vont lire ça avec leur vision à eux. Mais c’est mon histoire et elle peut possiblement aider d’autres personnes à se raconter, à parler de choses qu’elles n’osent pas dire. On a chacun nos petits secrets, nos squelettes dans le placard.»

C’est donc armé de sa foi en la vie qu’il lance ce récit de son passé dans l’univers. La même foi, sans doute, qui fait qu’il n’a jamais douté, même dans les creux de vagues les plus âpres, de la place qui est la sienne dans le coeur du public. Il s’est même aperçu, pendant la pandémie, d’à quel point les gens le traitaient d’une façon particulière. Certains vendeurs, par exemple, d’abord expéditifs voire maussades, modifiaient radicalement leur attitude lorsque l’humoriste enlevait son couvre-visage: un favoritisme qui l’irritait franchement. «Donc toi, tu es bête comme ça avec le monde d’habitude, mais parce que là, tu découvres qui je suis, tu arrêtes d’être bête? Ben reste bête. Je vais remettre mon masque et aller ailleurs. Ce changement de comportement-là, pour moi, c’est inacceptable.»

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La grosse tête, Stéphane Rousseau? Ça ne semble pas être inscrit dans sa carte du ciel. Pourtant, il a bien failli sombrer imperceptiblement du «côté obscur» de la popularité lorsqu’il a travaillé en France, où le vedettariat prend des proportions, dit-il, bien différentes d’ici. «On ne nous traite pas de la même façon. “Vous aimeriez un cappuccino, un verre de vin, une coupe de champagne? Avez-vous chaud? Voudriez-vous une ombrelle, une petite chaise?” On t’offre une débarbouillette d’eau froide quand tu tournes au soleil. Des cadeaux par-ci, des cadeaux par-là. Ça n’a plus de fin! Et je n’étais pas une star, je n’étais qu’une petite vedette. Tu t’habitues à ça et tu peux devenir déconnecté.»

Ses péripéties françaises figureront peut-être au sommaire d’un éventuel second tome de ses récits biographiques, dont l’artiste n’exclut pas la possibilité. Quoi qu’il en soit, c’est en revenant à Montréal, lors d’une réunion avec les gens de Juste pour rire, que les deux pieds lui sont revenus sur terre, plus précisément lorsqu’il a exprimé le souhait de boire un café à une employée qui passait dans le corridor et qu’elle lui a répondu: «La machine est dans le fond, là-bas.» Il lui a su gré, se rappelle-t-il en rigolant, de ce retour à la réalité. Nous aussi, d’ailleurs, car notre Stéphane Rousseau – taquin, sensible et aimable –, on ne l’envisagerait pas autrement.

Merci à l’hôtel Le Germain Montréal où a eu lieu cette séance photo.

 

Photos : André Rainville
Direction artistique et stylisme : Sarah Hall-K
Mise en beauté : Léa Bégin de Beauties Lab

 

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