Que représente la famille pour vous?

Que représente la famille pour vous?
31 Déc 2014 par Patrick Marsolais
Catégories : Culture
Icon

On dit de notre ère qu’elle est celle de l’individualisme, du nombrilisme. Pourquoi fonder une famille, alors? Patrick Labbé, Joël Legendre et Patrick Lagacé répondent que, sans leurs petits, ils seraient moins épanouis. Vraiment? Oh que oui!

Que représente la famille pour vous?Je vais vous dire la vérité: arriver à réunir ces trois gars-là à une même table et à la même heure, ç’a été du sport! Des semaines à tenter de trouver LE moment qui conviendrait à tous, entre les activités professionnelles, les loisirs et les obligations familiales.

Et encore, lorsque nous nous sommes finalement réunis un soir d’automne au restaurant Pastaga, Joël a dû partir plus tôt que les autres, parce qu’il était attendu ailleurs.

Pourtant, malgré leurs horaires surbookés, ces trois gars s’entendent pour dire que la famille demeure au centre de leur univers. L’acteur Patrick Labbé a cinq enfants (deux avec sa première femme, trois avec la seconde), le journaliste et animateur Patrick Lagacé en a un (dont il partage la garde) et le magnifique touche-à-tout Joël Legendre en a trois (un garçon, qu’il a adopté en Chine, et des jumelles, grâce à l’aide d’une mère porteuse). Trois contextes familiaux distincts pour trois personnalités complètement différentes.

«Je n’avais jamais pensé fonder une famille, tout simplement parce que la seule chose à laquelle j’avais réfléchi depuis ma sortie de l’université, c’était ma carrière, ma job, avoue Patrick Lagacé. Ç’a été inattendu, un super beau cadeau… C’est arrivé par accident. J’étais avec une fille formidable, je savais qu’elle ferait une bonne mère; alors, quand elle est tombée enceinte, j’ai dit go, on le garde!»

«Tu l’as dit toi-même, tu es un carriériste, donc tu dois être heureux, parce que tes affaires vont bien, lui lance Patrick Labbé. Et je respecte ça. Mais moi, avec mes cinq enfants, je pourrais mourir demain et je ne souffrirais d’aucun manque. Je n’ai jamais voulu de grande carrière. Je suis plus un visionnaire, un entrepreneur, j’ai plein de bonnes idées autres que celle d’être acteur. Et tout ça vient de mes enfants. En fait, je ne suis pas carriériste, je suis plutôt motivé à vivre pour les bonnes raisons.»

«Mais ce n’est pas parce que c’était un accident ou que j’avais une carrière que je ne voulais pas d’enfant, précise Patrick Lagacé. Au contraire, rapidement, je me suis dit: “OK, tout va bien, on habite ensemble, ma blonde et moi, on a une job, j’ai 33 ans, une permanence, est-ce qu’il y a vraiment une bonne raison de ne pas le garder?” Et comme je le dis souvent depuis, c’est le plus bel accident de ma vie. Je serais un être humain vide si je n’avais pas mon fils…»

Les enfants, des tornades de bonheur

Il y a un océan entre les vies familiales des deux Patrick. Le journaliste a eu le sien dans la trentaine «par accident», comme il le dit lui-même, alors que l’acteur savait pas mal ce qu’il faisait à un très jeune âge. «J’ai rencontré une fille, se souvient-il. Après six mois, on achetait une maison et, six autres mois plus tard, elle était enceinte. J’avais… 20 ans. Je voulais partir de chez mes parents, je travaillais déjà pas mal et j’avais de l’argent. J’allais à l’école, mais je n’aimais pas vraiment ça. Avoir des enfants si jeune, ça m’a botté le derrière: je me suis assuré de ne jamais manquer de travail…»

Quant à Joël, les derniers événements familiaux de sa vie ont largement été commentés dans les médias.

Ce qu’on sait peut-être moins, c’est que ses motivations pour former un clan ne sont pas apparues du jour au lendemain.

«Moi, je désirais une famille depuis que j’étais tout petit. Mais, à un moment donné, j’ai dû en faire mon deuil, parce que je n’avais aucun modèle de papa gai dans mon entourage. Ça n’existait pas. Je suis donc devenu le parrain des enfants de mes amis, qui savaient que je vivais mon rêve à travers eux… J’ai eu beaucoup de deuils à faire à ce moment-là. Mes parents aussi, d’ailleurs. Tu sais, lorsque tu annonces à ton père et à ta mère que tu es gai, la première chose qu’ils doivent accepter, c’est qu’ils n’auront pas de petits-enfants. Ç’a été très difficile à vivre…»

Parallèlement à ces trois brillantes carrières sont donc apparus neuf bébés qui, vous vous en doutez, ont transformé des vies. Les biberons, les couches, les crises de larmes, les coliques font désormais partie du quotidien des trois hommes, et ce, peu importe les exigences du patron, les textes à apprendre ou les émissions à animer.

«Il n’y a rien qui te prépare à pareil changement, avoue candidement Patrick Lagacé. Tes parents ont beau t’avertir, rien ne te prépare au manque de sommeil des premiers jours. Il faut le vivre. Mais bon, ça reste des jours fantastiques. J’ai souvent braillé de bonheur pendant ces moments-là.»

«Si tu n’es pas organisé dans la vie, c’est certain que tu vas avoir de la difficulté à concilier tout ça, assure Patrick Labbé. Mais si tu te lèves de bonne heure, que tu as un bon sens de l’organisation, tu devrais y arriver, en principe. J’ai souvent l’impression qu’on associe le mot “enfant” à “complications”. Alors qu’au fond, c’est la base. Parce que si tu as un enfant, tu es capable de faire tout le reste… tout simplement parce que tu as une raison profonde de faire tout le reste.»

«La journée où je suis devenu responsable d’un enfant, poursuit Joël, tout s’est imbriqué. Tu comprends pourquoi tu acceptes tel contrat, pourquoi tu travailles fort, pourquoi tu dois dire non, pourquoi tu deviens plus sévère. Tout prend une dimension extraordinaire.»

L’arrivée d’un enfant, un ouragan pour le couple

Va pour l’organisation. Mais réussir à préserver la relation amoureuse, à alimenter la flamme de la passion avec la même intensité qu’auparavant, ç’en est une autre. En clair, avoir un enfant, c’est souvent mettre sa vie de couple sous un éteignoir, non?

«C’est aussi une chose à laquelle tu n’es pas préparé, concède Patrick Lagacé. Ma blonde n’avait plus toute mon attention, et je n’avais plus toute la sienne. Parfois le kid est dans le chemin, c’est un fait. L’intimité, ça se vit d’abord à deux; donc, forcément, tenter
d’y intégrer quelqu’un n’est pas simple. Et je ne parle même pas de vie sexuelle, je parle d’intimité… Alors imagine le reste. C’est certain que si j’avais un autre bébé, je saurais à quoi m’attendre. L’expérience aiderait. Je combattrais le manque de sommeil en arrêtant de travailler pendant toute une saison, je saurais que l’intimité reviendrait dans deux ans. Je me ferais une raison…»

«Moi, dans mes premières relations, j’étais bonasse, explique Patrick Labbé. J’étais celui qui se levait. J’ai toujours travaillé très fort pour m’assurer que tout le monde soit bien… Je ne suis pas certain que c’était la solution. Avec mon expérience, je dirais que c’est super important que les deux aient comme priorité le couple. Quelles que soient les circonstances. Je pense que c’est possible. Mais tu dois savoir dans quoi tu t’embarques.»

Malgré de magnifiques moments personnels, malgré des réussites professionnelles indéniables, aucun des trois n’a vu son couple survivre dans les années suivant l’arrivée des enfants. Tous trois sont allés engraisser les statistiques toujours grandissantes des familles québécoises éclatées, ce qui, même dans le contexte plus ouvert de 2014, se vit parfois comme un échec.

«Moi, j’ai trouvé ça dur pour mon gars, explique Joël. J’avais l’impression d’être un mauvais père. De le priver de la famille dans laquelle il vivait depuis plusieurs années. Quand je lui ai annoncé la séparation, il a pleuré, puis il est venu me voir en me disant: “Papa, ne t’en fais pas, tu es un très bon papa.” Jamais il ne m’a reproché ce qui est arrivé. Ça m’a beaucoup soulagé.»

«Moi, je suis un enfant du divorce, dit Patrick Lagacé. Je n’ai jamais connu mes parents en tant que couple et j’ai reproduit exactement la même chose. Mon fils n’aura pas connu ses parents ensemble. Par contre, je suis très fier d’avoir cassé un pattern familial: il n’y a pas de guerre entre mon ex et moi. On est capables de se parler régulièrement, d’être dans la même pièce ensemble, ce qui tenait de la science-fiction dans le cas de mes parents. La relation que j’ai avec Marie [la mère de son fils], ça vaut tout l’or du monde, et j’en suis extrêmement fier. On ne s’est jamais chicanés devant notre fils. C’est con, mais je suis super content de ça… On s’est disputés en privé, oui, par courriel, oui, mais JAMAIS devant lui. Quand j’étais ti-cul, j’étais pogné dans un conflit de loyauté entre mon père et ma mère. Ma mère a gagné ma garde en cour, et moi, je me souviens que je m’ennuyais de mon père. C’était vraiment douloureux. J’ai fini par aller vivre chez mon père et, paradoxalement, je suis devenu très proche de ma mère… qui me parlait en mal de lui. Bref, je crois que ce genre de conflit de loyauté est la pire chose que tu puisses faire à un enfant, à part l’agresser. Mon fils ne vivra jamais ça, je peux te le garantir.»

«Aujourd’hui, on est à l’ère du “supprimer”, constate Patrick Labbé. On le fait sur notre iPhone 500 fois par jour. C’est pareil dans tout. On a le “supprimer” facile. Ça explique peut-être en partie pourquoi c’est plus difficile de rester en couple, de créer un couple. Un acteur américain se vantait récemment d’avoir couché avec 10 000 filles. Je trouve ça facile… Moi, j’aurais envie de lui dire: “Essaie donc de coucher 10 000 fois avec la même femme. Ça, c’est un vrai défi!”»

Le calme après la tempête

N’empêche, malgré les heurts, les angoisses, les douleurs et les séparations, ou malgré les prévisions parfois apocalyptiques au sujet de l’avenir, ni Joël ni les deux Patrick ne regrettent une seule seconde d’avoir décidé de fonder une famille.

«Pendant mon enfance, je n’ai jamais eu l’impression d’être comme les autres, confie Joël. Dans ma rue, je n’avais pas vraiment d’amis, puisque les gars voulaient prendre la relève de leur père à la ferme, alors que moi, je dansais la claquette en cachette dans le garage. Et je me disais que je ne pourrais probablement jamais avoir d’enfant. Ça me faisait beaucoup de peine. Or, devenir père a complètement changé ma perspective sur mon enfance. Je suis devenu comme les autres…»

«Et tu dois vraiment être un crisse de bon père!» lui lance Patrick Labbé.

«J’ai eu un père hyper-aimant, explique Joël. Un homme rose qui nous racontait des histoires, qui faisait la vaisselle, un homme doux et présent. Et je me disais: “Ça se peut pas, avoir eu un père comme celui-là et ne pas pouvoir transmettre cette expérience à quelqu’un d’autre… Quand mon fils est arrivé, c’est exactement ce que j’ai fait: je me suis mis dans la peau de mon père et j’en ai été très fier.»

«Je pense que mon enfant me rend plus humain, explique Patrick Lagacé. C’est facile de devenir un monstre d’ego dans notre domaine. Tout tourne autour de nous. Avec un kid, même si t’as fait une superentrevue aux Francs-tireurs, t’as quand même une cristie de
couche à changer le soir. Ton bébé te vomit dessus au resto, et toi, la jeune vedette qui monte, t’as une belle tache jaune sur ta belle chemise noire… C’est la vie, et c’est parfait ainsi. Et puis, tu sais, pour ceux qui hésitent à avoir une famille parce qu’ils capotent à cause de l’avenir, des coupures, de la pollution, de la guerre… Moi, je dis qu’il n’y a jamais eu une époque où on s’est dit: “Wow! C’est une super époque, tout va bien et tout va continuer à bien aller.” Les gens ont fait des enfants pendant la Deuxième Guerre  ondiale… Alors, ce que j’ai à leur dire, c’est: “The best is yet to come.” C’est aussi bête que ça. Surtout pour nous, qui habitons au Canada, un des pays les plus riches de l’histoire de l’humanité. On n’est pas dans un bidonville de Rio de Janeiro. C’est correct, ça va bien  aller…»

Et pendant que Joël filait vers un autre rendez-vous, les deux Patrick ont continué de s’interroger sur leurs innombrables différences. Avec un respect et une admiration que leur conférait leur statut respectif de chef de clan…

Photos : Michel Cloutier
Vous pouvez consulter la version intégrale de cet article dans le sixième numéro de Véro magazine, à la page 103, avec le titre « Que représente la famille pour vous? ». Le magazine est disponible en kiosque et en version iPad.



Catégories : Culture
1 Masquer les commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de courriel ne sera pas publiée.

  1. Patricia Ryan dit :

    Pour moi la famille represente ce que je suis. Un mayon de moins et ce n’est plus pareil.

Ajouter un commentaire

Magazine Véro

S'abonner au magazine