Rencontre avec l’inspirante Micheline Bernard

16 Avr 2021 par Émilie Villeneuve
Catégories : Culture / MSN / Oser être soi
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«Inspirante pour qui? Pour quoi?» demande-t-elle d’entrée de jeu, dans un grand éclat de rire.

Malgré une carrière florissante – et le fait qu’il ne se passe pas une journée sans qu’on l’arrête dans la rue pour lui parler de Jocelyne dans l’émission culte Radio Enfer –, Micheline était surprise de se retrouver au palmarès de ces femmes qui nous inspirent.

C’est certain que vous êtes une icône pour la génération Canal Famille, mais vous avez joué aussi dans tant de pièces marquantes, dont Des promesses, des promesses, sans compter vos deux derniers rôles au cinéma (Matthias et Maxime, La femme de mon frère). J’ai l’impression qu’on vous redécouvre sans cesse…

Je suis flattée que vous ayez pensé à moi par rapport à mon parcours artistique, parce qu’on ne me voit pas tellement sur les plateaux de télé et que je ne donne pas beaucoup d’entrevues. Je suis ravie!

Il est vrai qu’on connaît peu la femme derrière l’actrice. Racontez-nous qui vous êtes…

Je suis née à Québec. Nous vivions dans un grand appartement où ma mère avait installé son salon de coiffure. Il y avait toujours du monde à la maison… et des rires. J’ai détesté aller à l’école. Je tombais dans la lune, dans mes rêves. Je n’écoutais pas. Je n’aimais pas la discipline non plus. Mais si j’avais été douée pour les études, j’aurais voulu aller en archéologie. La vie est tout de même bien faite, parce qu’en tant qu’actrice, on fouille un personnage, on doit le comprendre et l’aimer, développer de la compassion pour lui. Il en va de même pour les metteurs en scène ou les écrivains. Nous aimons réfléchir, discuter, décortiquer. Je pense d’ailleurs que ça fait de nous des êtres tolérants socialement. Je nous trouve privilégiés. Et heureusement que je pratique ce métier, parce que je ne sais pas ce que j’aurais fait d’autre.

Trouvez-vous que notre capacité à être bienveillants, en tant que société, se porte bien par les temps qui courent?

Je trouve qu’on a le jugement très rapide, alors qu’on devrait prendre le temps d’essayer de comprendre les évènements et les gens. C’est d’autant plus facile d’être méchant lorsque la personne n’est pas devant nous. Je suis un vieux modèle, je ne fréquente pas les réseaux sociaux. Et plus j’en entends parler, moins je veux y être! Je préfère que quelqu’un me dise sa façon de penser en me regardant dans les yeux.

Quelle est votre recette pour continuer à cultiver votre humanité malgré la distanciation physique?

Je suis quelqu’un de profondément joyeux, et ce, depuis que je suis enfant. Lorsque la solitude me pèse – je vis seule –, il me faut des livres, des films et… de bonnes nouvelles. L’élection de Joe Biden et de Kamala Harris en a été une. Et il y a le vaccin, qui est arrivé presque en même temps.

On dirait que ç’a donné à 2021 un aspect plus positif. Je me raccroche à ce qui va bien. Je trouve qu’on parle beaucoup de la morosité ambiante et pas assez de résilience et d’espoir. Pourtant, les humains sont très résilients, et de l’espoir, il y en a. C’est un discours que nous devrions entendre davantage. Le film ne finit pas comme ça. La COVID, c’est juste l’entracte. La vie va reprendre. Parfois, on l’oublie.

Vous avez raison. On dirait qu’on se sent mieux à simplement l’évoquer… Pourtant, lorsqu’on écoute les bulletins de nouvelles, on dirait que le portrait est assez sombre.

Oui. D’ailleurs, quand je vois la manière dont on présente l’actualité, je pense beaucoup aux jeunes. On devrait vraiment mettre davantage l’accent sur la résilience, ne serait-ce que pour eux. Je les trouve si courageux! Ils regardent vers l’avenir, ils sont impliqués socialement. Ils sont forts et ils vont s’en sortir… peut-être mieux que nous.

Quelles sont les lectures qui vous portent ces temps-ci?

Les ouvrages qui se trouvent sur ma table de chevet m’accompagnent depuis très longtemps. Ils sont tous cornés, vieillis et tellement réconfortants! Je pense notamment au Livre de la joie, de Desmond Tutu et du dalaï-lama. Il y a dans ce livre un passage où les auteurs citent Nelson Mandela à propos du courage. Mandela dit: «J’ai appris que le courage n’était pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre.» À moi qui suis une peureuse et une hypocondriaque qui se soigne (rires), ça me fait du bien.

Vous semblez aussi très rieuse. N’est-ce pas là un autre formidable remède à la peur?

Oh que oui! S’il n’y a pas d’humour, pas d’autodérision, alors c’est la peur qui gagne et, avec elle, la colère. L’autre antidote aux émotions négatives, pour moi, c’est le lâcher-prise. Je me rends compte qu’il y a une grande part de notre existence sur laquelle nous n’avons absolument pas de contrôle. Quand je me mets dans cet état d’esprit et que j’arrive à lâcher prise, je trouve que la vie est beaucoup plus simple.

Vous avez eu, avec le personnage de Jocelyne dans Radio Enfer, un excellent professeur en matière d’autodérision!

(rires) C’est drôle parce que quand Louis Saïa m’a parlé de l’émission pour la première fois, il m’a dit: «Je suis tanné de voir des jeunes fuckés à la télé. J’ai écrit quelque chose où ce sont les adultes qui vont être fuckés. Et il n’y aura rien de moralisateur. Ça va juste être drôle.» Il ne se passe pas une journée sans qu’on me parle de Jocelyne. Parfois, ça ne passe pas par les mots, juste par un grand sourire de connivence, des yeux rieurs. C’est assez pour illuminer ma journée.

SON ACTU

Micheline joue dans l’émission à sketchs Entre deux draps, à Noovo, et dans la télésérie Léo, à TVA.

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