Souper de gars: confidences de vacances

24 Juil 2018 par Patrick Marsolais
Catégories : Culture / Oser être soi
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Le comédien Patrice Bélanger, l’humoriste Mehdi Bousaidan et l’auteur-compositeur-interprète Patrice Michaud ont accepté de passer en mode confidences de vacances, le temps d’un souper.

Parce que notre été est court, on le vit intensément. L’odeur du gazon fraîchement coupé, une peine d’amour au camp de vacances, les virées en famille dans le Maine… Tous ces souvenirs se superposent pour nous rappeler les plaisirs de la belle saison.

D’entrée de jeu, j’ai eu envie d’inciter mes invités à fouiller dans leur boîte à souvenirs pour en extraire l’ultime évènement estival qui les a marqués.   «C’était à la fin de l’été 2003, lance Patrice Bélanger, durant mes premières vacances avec ma blonde [ndlr: qui est aujourd’hui la mère de ses enfants]. On était allés camper à Tadoussac. On a fait du kayak en tandem parmi les bélugas et les loups marins. On a répété l’expérience trois ou quatre années de suite, jusqu’à ce que ma vie professionnelle m’en empêche. Et juste d’y repenser me fait réaliser que j’en aurais décidément besoin, ces temps-ci…

– Pour moi, l’été le plus marquant a été le premier que j’ai passé au Québec, se souvient Mehdi. J’avais alors 5 ans. Arrivés d’Algérie en mai, on expérimentait un tout nouveau genre de vie. Nous étions deux familles réunies dans un 3 1/2, dont six enfants qui vivaient sous le même toit. Je me rappelle très bien du clash entre le stress de mes parents qui devaient se trouver du travail et le fun qu’on avait, nous les jeunes, avec nos nouveaux amis. Encore aujourd’hui, c’est très clair dans ma tête, parce que ç’a été un changement radical.

– Pour moi aussi, ce moment marquant remonte à mon enfance, mentionne Patrice Michaud. Je devais avoir quatre ans et il y avait un feu sur la plage. J’étais avec ma sœur et mes parents. Dans mon souvenir, on mangeait des sandwichs et ils étaient meilleurs que d’habitude. Il n’y avait pas de règles, pas de routine. C’était la liberté… et c’est assez symbolique de ce que sont les étés en Gaspésie. Notre région est un terrain de jeu fantastique, qui m’a souvent permis d’aller chasser des espions avec mes amis, habillés en costumes d’armée. C’était fabuleux!»

En tant que gars qui n’a jamais eu de talent pour jouer de la guitare ou pour chanter, je peux aujourd’hui avouer que mes amis artistes m’ont souvent fait suer pendant ma jeunesse. C’est eux que visaient les regards remplis d’admiration des plus belles filles, qui leur trouvaient un côté ténébreux et mystérieux. C’est d’ailleurs exactement l’idée que je me fais de Patrice Michaud ado, triomphant autour d’un feu de grève dans sa Gaspésie natale en interprétant les hits de l’heure.

«Eh bien non, réagit-il. Je ne me souviens pas d’avoir charmé les filles en chantant. Pas pantoute même. Il faut savoir que ce métier-là ne me semblait pas très accessible à l’époque. J’ai découvert que j’étais capable de chanter par hasard. Et je n’étais pas très bon à la guitare. Mais surtout, surtout, je détestais chanter devant des gens. Encore aujourd’hui, si on vient me voir dans un party pour me demander de chanter, ça me met très mal à l’aise. J’ai toujours eu de la misère avec les choses “sur commande”».

Sur la route…

Pour beaucoup de Québécois, les souvenirs de vacances évoquent pas mal plus le rocher Percé que le Colisée de Rome ou qu’un petit café de Montmartre. Des kilomètres de bitume parcourus à l’arrière de la voiture familiale, coincé entre notre sœur, les oreillers et les bagages qu’on n’a pas réussi à mettre dans le coffre. Ç’a été le cas pour Patrice Bélanger, dont le père profitait de ses voyages d’affaires pour transporter son clan au Québec et dans les Maritimes. Du côté des Michaud, ça se passait plutôt dans la région de Charlevoix, tandis que les Bousaidan, on s’en doute, retournaient en Algérie durant les vacances.

«On s’y rendait chaque été pour revoir notre famille, précise Mehdi. La guerre civile battait son plein, mais on y allait quand même. Ce qui m’attristait, c’est que je réalisais que je n’avais plus vraiment de port d’attache. Au Québec, j’étais vu comme un étranger, et comme je perdais peu à peu mon identité d’Algérien, j’étais aussi perçu comme un étranger là-bas. Les gens m’appelaient “le Canadien”. C’est drôle, parce que je constate que ma famille a progressivement adopté les mœurs des Québécois, même en mode vacances. On a longtemps fait des allers-retours dans notre pays d’origine, puis on a commencé à aller dans des tout-inclus, comme la plupart des gens ici. Dans le fond, mes parents sont passés d’un pays où ils se demandaient s’ils allaient mourir durant la journée à un autre où ils se demandent plutôt si le terrain de tennis sera ouvert aujourd’hui.»

Si la tradition des vacances familiales leur tient manifestement à cœur, elle n’est pas pour autant facile à maintenir pour les deux Patrice, particulièrement pour l’animateur, qu’on sent tiraillé à ce propos: «Depuis l’arrivée de Sucré Salé dans ma vie, c’est très tough, confie-t-il. Dans cette aventure professionnelle, c’est le seul élément qui me titille un brin. Mes gars sont en première année et je ne serai pas là pour partager avec eux ces semaines de repos après tous leurs efforts à l’école. Je trouve ça d’autant plus difficile que je ne les vois pas non plus le matin pendant l’année scolaire, puisque j’anime l’émission matinale à CKOI.»

Pour sa part, l’auteur de Kamikaze remet en perspective la perception qu’ont bien des gens de la vie familiale «idyllique» des artistes en tournée. «Tout le mon

de croit que je suis chanceux parce que je peux amener toute la famille d’un festival à l’autre, pis que ça doit donc être magique! raconte Patrice. Mais c’est une pensée utopique! Quand on est en tournée, on suit un horaire très serré. On roule pour se rendre à la prochaine ville, on fait le test de son, on mange un peu, puis on se prépare pour le show. Et quand arrive l’heure du spectacle, c’est aussi le temps de coucher les enfants, alors c’est plate en tabarouette pour le parent accompagnateur. Il fait la même maudite affaire qu’à la maison, mais en camping… avec la pluie en prime!

Il m’arrive d’amener les enfants, surtout depuis qu’ils sont un peu plus vieux, mais ce n’est vraiment pas simple.»

Âmes rebelles

Il fait beau, on est jeune, on a le cœur léger et du temps devant soi. Tellement de temps que ça nous incite parfois à inventer quelques mauvais coups… histoire de pimenter nos journées entre amis.

«Je me souviens très bien d’avoir fait diversion pendant qu’un de mes chums volait une boîte de matériel pour des feux d’artifice à 80 $, confesse Patrice Michaud. Un cocktail hallucinant de pétards de toutes les couleurs qu’on a plantés sur la plage… juste devant le dépanneur en question. Aucun de nous n’avait réalisé que c’était le seul magasin qui en vendait. Les flics sont rapidement débarqués en nous demandant où on avait pris ces feux d’artifice. Notre soirée a fini drette-là.

– Et moi, j’avoue m’être souvent mis dans le trouble quand j’étais ado, renchérit Mehdi. Avec mes amis, on volait les bouchons de valve des voitures de luxe pour les revendre. Puis, on a dérobé des vélos dans les parcs. Ensuite, je suis devenu guetteur pour mes amis qui, eux, ont continué à commettre d’autres délits. J’ai fini par arrêter, mais certains de ces ex-amis ont volé des voitures ou cambriolé des maisons. Il y en a même quelques-uns qui ont fait de la prison. J’ai déjà été interrogé par des détectives après un cambriolage, justement. J’avais un alibi, mais c’est là que je me suis dit: “OK, on arrête tout ça.”»

Amours de vacances

Qui dit été dit aussi flirts – aussi brefs qu’enivrants – qui, pour plusieurs, ont coïncidé avec les balbutiements de l’éveil sexuel… au beau milieu d’une partie de cachette ou après avoir déjoué la surveillance des moniteurs du camp de vacances. Dans le cas de mes trois invités, pourtant, ces amourettes furtives relevaient davantage du fantasme.

«Je me rappelle avoir connu une fille dans un camp et ça m’a marqué, dit Mehdi. Elle avait 15 ans, j’en avais 12, et j’essayais de l’impressionner. Sauf qu’à l’époque, je ne savais faire qu’une chose: courir vite. Alors je lui demandais de faire une course contre moi. Je la battais solide, puis je la regardais, triomphant, tandis qu’elle me regardait avec mépris. De toute manière, comme l’a dit Beigbeder, tomber amoureux d’une fille qui nous aime, ce n’est pas de l’amour, c’est du narcissisme.

Moi, j’avais la malchance de tomber amoureux vite et souvent, répond le Gaspésien en rigolant. Je butinais, je tripais sur un nombre incalculable de filles, très souvent hors de portée. Des filles plus vieilles ou trop belles. Alors pour moi, l’été, ça symbolise des amours de jeunesse qui ne se sont jamais concrétisés.

– En ce qui me concerne, j’ai toujours eu la mauvaise habitude de tomber amoureux de filles qui voulaient seulement être mes amies, relate Patrice Bélanger. Elles me trouvaient charmant comme best friend, parce que j’étais leur courroie de transmission vers un de mes chums de gars rebelles aux cheveux longs. Être l’ami des filles, c’est le pattern de ma vie. Il n’y a que Marie-Claude, ma conjointe, qui fait exception à la règle… et je n’ai surtout pas envie qu’elle change d’idée…»

En appuyant sur bouton off de mon magnéto, après cette sympathique discussion à bâtons rompus, je constate que le thème de notre rencontre, somme toute léger, a finalement suscité d’intéressantes réflexions sur l’adolescence, l’amour et la famille. Sur la vie, quoi!

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Ce reportage est tiré du numéro été 2018 du magazine VÉRO. Pour avoir accès au contenu en primeur, abonnez-vous!

 

 

 

 

 

 

 

Photos: Martin Girard



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