Souper de gars: Controverse, quand tu nous tiens…

14 Oct 2020 par Patrick Marsolais
Catégories : Culture / Véro-Article
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Certains nourrissent la controverse, d’autres la fuient comme la peste. On en jase avec le très doux Guillaume Pineault, humoriste de métier, l’homme d’affaires provocateur François etMathieu Pellerin, ex-candidat à "Occupation Double".

Peu de ses anciens camarades de classe auraient pu prédire que François Lambert allait devenir ce businessman flamboyant, qui ne craint ni les opinions à contre-courant ni les montées de lait spectaculaires sur Facebook: «J’étais du type très timide et invisible dans un groupe. Le contraire de ce que je suis devenu aujourd’hui. Ma vie a changé en 2011 lorsqu’on m’a mis une caméra devant le visage à Un souper presque parfait

Oh, intéressant! François était donc un gars low profile, qui détestait attirer l’attention, et il s’est transformé en personnage provocateur dès qu’il a participé à une émission de télé, vraiment?

«J’étais déjà assez cocky avant, admet-il. Même avec mon partenaire d’affaires, j’étais toujours le méchant qui critiquait, alors que lui passait à côté et ramassait les pots cassés. Mais je ne m’attendais pas à obtenir une telle visibilité avec la télé! Ça m’a donné confiance en mes moyens.»

C’est également la télé qui a offert de la visibilité à Mathieu Pellerin, alors qu’il participait à OD Afrique du Sud, en 2019. Si l’aventure s’est bien déroulée pour lui au début, Mathieu a par la suite été pris à partie par une bonne frange des téléspectateurs après avoir traité un candidat de «vidange» et de d’autres qualificatifs pas plus gentils. Il n’en fallait pas plus pour lui valoir une réputation d’intimidateur.

«Étrangement, à ma sortie, il n’y a personne qui m’a écœuré. J’ai reçu des messages de haine pendant la diffusion, mais c’était clair que les gens qui les ont écrits ne faisaient pas partie de mon monde. Ils n’auraient jamais été mes amis. Alors, non, ça ne m’a pas atteint tant que ça. Moi, je ne voulais intimider personne, je voulais juste faire rire. Quand j’ai traité un gars de “vidange”, c’est parce que le tournage avait lieu un mardi et que, chez nous, c’est le jour du ramassage des vidanges. Le gag m’est venu en tête, c’est tout. Mais durant OD, t’es pas conscient de grand-chose et personne ne t’en parle, parce qu’ils ne veulent surtout pas que tu changes…»

Faire rire, plaire, amuser, divertir, c’est aussi le quotidien de l’humoriste Guillaume Pineault qui, à la différence de mes deux autres invités, déteste la controverse. En général, son humour – qu’il qualifie d’anecdotique – écorche peu. S’il s’attaque à quelqu’un, c’est la plupart du temps à lui- même, trop inquiet qu’un spectateur puisse se sentir brusqué.

«Je pense que ce n’est pas dans ma nature, estime Guillaume. Dans mon show, il y a un numéro où je m’en prends aux baristas parce que je trouve qu’ils se pensent bons. Mais je te jure que si je constate qu’il y en a un dans la salle, je sens le besoin de me justifier. Le gars a payé son billet, et la dernière affaire qu’il veut, c’est de se sentir comme un tas de marde… J’admire un gars comme Guillaume Wagner, qui est capable d’entrer sur scène et d’envoyer chier son public.»

D’accord, mais lorsqu’on veut plaire au plus grand nombre de gens possible, est-ce qu’on ne risque pas de tomber dans un genre d’humour trop consensuel, risquant ainsi d’offrir un contenu plutôt beige?

«Absolument, et je te mentirais si je te disais que ce n’est pas une préoccupation pour moi, avoue Guillaume. C’est important de ne pas perdre sa couleur. Je suis quelqu’un de très moqueur, capable de beaucoup d’autodérision, et je crois que c’est pas mal ça mon brand. Dernièrement, dans la foulée du mouvement Black Lives Matter, je me suis demandé si j’avais déjà fait des gags déplacés dans le passé. Et je me suis souvenu d’avoir présenté Kevin Raphael, lors d’une soirée à Saint-Hyacinthe, en disant: “Mesdames et messieurs, le prochain humoriste est un Noir, alors riez de ses jokes parce qu’il a peut-être des guns…” On était en 2011. Kevin ne m’en a pas voulu parce qu’il était habitué à ce genre de blagues, mais je me rends compte, neuf ans plus tard, que c’était totalement inacceptable.»

Gare aux dérapages

Une question me vient alors en tête pour François: quand il alimente certaines controverses – avec sa fameuse vidéo de douche froide, par exemple –, est-il motivé par cette envie de plaire à un certain public?

«Non, pas du tout, répond-il, du tac au tac. Contrairement à Guillaume, je ne pense pas à plaire. Souvent, c’est plus pour faire rire mes amis. Le problème, c’est qu’un gros signe de piasse est associé à ma face et qu’il y a des choses qu’un millionnaire n’a pas le droit de faire. Si c’est un humoriste qui fait une vidéo de douche froide, tout le monde rit. Mais quand c’est moi, ça ne passe pas. Les gens m’ont écrit pour me dire que jamais Mitch Garber ni Stephen Bronfman n’auraient fait ce genre de vidéo et que, par conséquent, je suis un homme d’affaires minable. Mais non! J’ai mon style et ils ont le leur. Ils ont décidé d’être un peu plus coincés et c’est leur problème.»

Cela dit, François réussit-il à bien dormir? En sachant ce qu’il risque de vivre le lendemain, est-ce qu’il se couche serein… ou parfois un peu nerveux? «J’ai mal dormi une seule fois, à la suite d’un texte que j’ai écrit sur les assistés sociaux, en 2014. Cette fois-là, j’ai braillé ma vie en raison des dérapages avec la Mère ordinaire [NDLR: Bianca Longpré]. Ensuite, j’ai réalisé que les gens pouvaient être méchants derrière un clavier, mais gentils dans la vraie vie, alors je n’ai plus jamais perdu le sommeil depuis. De toute manière, la vérité, c’est que je ne peux plus en faire, de controverses. Mes produits d’érable sont en vente dans tous les MAXI et il est question qu’ils soient distribués partout au Canada. Avant, j’étais un électron libre qui pouvait dire ce qu’il voulait. Maintenant, j’ai 22 employés qui comptent sur moi. Si j’écris une joke plate en me pensant ben drôle et que les épiceries décident de retirer mes produits de leurs magasins, je ferais tomber le château de cartes par ma propre faute.»

En danger

Avec l’ère des réseaux sociaux est aussi apparu le concept d’anonymat. Argumenter, voire menacer quelqu’un sans se dévoiler est devenu aisé pour quiconque se cache derrière une photo de perruche. Comme quoi les gens sont pas mal plus braves derrière leur écran que dans la vraie vie!

«Quand je me suis attaqué aux conspirationnistes, j’ai reçu 300 commentaires – pas tous super gentils – sous ma publication, se souvient Guillaume Pineault. Il y en a même un qui m’a écrit: “Aux States, il y a 30 000 guillotines de prêtes et vous allez tous y passer. T’essaieras de faire ton comique après ça…” Je répondais aux gens, j’argumentais, je perdais du temps et de l’énergie pour rien. Chaque soir, j’en discutais avec ma blonde et elle m’a demandé d’arrêter d’en parler parce que ça m’obnubilait.

– J’ai déjà porté plainte à la police contre quelqu’un, renchérit François. Quand un colosse m’écrit sur Facebook qu’il a l’intention de me casser la gueule, on dirait que j’ai tendance à le croire. Mais c’est un très long processus qui s’enclenche. La police te demande 100 fois si tu as vraiment peur. Tu dois leur répondre 100 fois que tu as la chienne. C’est un processus super ardu. Quand l’humoriste Fred Dubé écrit qu’il faudrait me faire pendre, ce n’est pas de lui que j’ai peur, c’est des coucous qui le lisent et qui approuvent ses dires, poursuit l’homme d’affaires. Il paraît que c’est de la libre expression. OK, je ne m’obstinerai pas avec le concept, mais ce n’est pas le genre de controverse qui m’intéresse. Quand j’écris un texte, j’espère que les gens vont l’aimer, j’espère qu’il y aura un maximum de likes, mais j’espère aussi qu’il alimentera la discussion, peu importe que tu sois d’accord avec moi ou pas.»

À travers toutes ces menaces, ce sont aussi les proches qui en subissent les conséquences, qui craignent pour celui qui est visé ou qui endurent les sarcasmes par association. Au fait, durant la diffusion d’OD Afrique du Sud, c’était comment d’être les parents de Mathieu Pellerin?

«Mon père riait des gens qui parlaient en mal de moi, ça ne lui faisait pas un pli, mais ma mère a trouvé ça plus dur, affirme Mathieu. Au travail, tout le monde lui parlait de moi. Elle était tannée et avait juste envie de travailler plutôt que de les écouter. Je pense que ça l’a dérangée plus que ce qu’elle m’a laissé voir. Elle n’a pas osé me dire à quel point elle trouvait que les gens pouvaient être pas fins envers son petit gars. Encore aujourd’hui, quand on lui parle de son fils, je sais que ça la dérange.»

Enfin, il y a les enfants qui sont également concernés. Pour ceux de François, par exemple, ça ne doit pas être toujours simple. Car les jeunes sont souvent plutôt à gauche, alors qu’il est naturellement plus à droite. Est-ce que ses enfants ont déjà eu à subir les sarcasmes de leurs camarades de classe? «Non. Les amis de mes enfants me trouvent cool parce que je suis un homme d’affaires différent des autres. J’ai appris à rire de moi- même et à ne pas mettre l’argent en valeur. Je pense que les jeunes l’apprécient. Au fond, je suis un gars de gauche socialement, mais de droite sur le plan économique. Et les gens sont capables de faire la différence.»

François Lambert, un gars de gauche? Il me semblait qu’il avait arrêté de donner dans la controverse, lui!

Leurs actus

Mathieu Pellerin vient de lancer le projet Chaud Off sur Youtube. On peut aussi le voir dans la websérie Colocs… en amour. noovo.ca

Guillaume Pineault est de retour à l’émission radiophonique Véronique et les Fantastiques, à Rouge FM. Il participe aussi aux soirées d’humour du Projet Parallèle. projetparallele.com

François Lambert concentre ses efforts sur sa compagnie de friandises à l’érable, qui porte d’ailleurs son nom. francoislambert.one

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Photo: Félix Renaud (Guillaume Pineault)



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