Souper de gars: la grande séduction

27 Mar 2017 par Patrick Marsolais
Catégories : Culture
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Réunis au Chien fumant, chaleureux petit resto du Plateau-Mont-Royal, l'animateur Philippe Fehmiu, le comédien Pierre-François Legendre et l'humoriste Alex Perron s’apprêtent à se mettre à table... au propre comme au figuré.

Sont-ils de fins séducteurs? Telle est la question que je leur ai posée.

J’y vais ou j’y vais pas? Oserai-je ou pas? Pour une nuit seulement ou plus longtemps? Aux yeux de certains, la séduction est un jeu, tandis que d’autres la perçoivent comme un cauchemar, incapables qu’ils sont de faire les premiers pas. Sans compter que, dans le contexte actuel, le mâle Québécois se questionne parfois sur les frontières qu’il peut ou ne peut pas franchir. Alors si vous faites partie de ceux pour qui séduire n’est pas toujours simple, sachez que vous êtes loin d’être seul…

Avant d’écouter mes trois invités converser sur l’art d’attirer et de charmer l’être convoité, encore me fallait-il savoir s’ils se considèrent eux-mêmes comme des séducteurs. J’en ai vite conclu que ce n’est pas parce qu’on a plusieurs atouts en main qu’on est forcément un as de la conquête…

– «Notre discussion part ben mal parce que je suis vraiment un très mauvais séducteur, estime Alex Perron. Je ne vous connais pas intimement, tous les trois, mais c’est sûr que je suis le pire d’entre nous. Plus un gars m’intéresse, moins je suis capable de l’aborder. Je deviens débile. Si le gars ne m’approche pas, il ne se passera rien…»

Son statut de personnage public ne lui donne donc pas confiance? «Pas tant que ça, répond l’humoriste. C’est un couteau à double tranchant. Parfois, je dois déconstruire l’image que le gars se faisait de moi, pis repartir la machine du bon bord…»

– «Moi, je pense que je suis pas pire, s’essaie Pierre-François. Mais je fais une distinction entre séduction et “conclure le deal”. J’ai souvent eu du fun à séduire, mais pour moi, c’était clair que l’opération s’arrêtait là. La plupart du temps, quand je repartais avec un numéro de téléphone, il restait au fond de ma poche. Et on va quand même le dire: les personnalités publiques comme nous sont toujours en mode séduction. Sourire quand il le faut, s’intéresser à l’autre, bien cerner les comportements de la personne devant soi, ce sont des armes redoutables. Mais attention, ça peut être un jeu dangereux!»

– «Dangereux, tu dis?, réplique Philippe Fehmiu. Moi, c’est mon côté séducteur qui m’a le plus souvent mis dans le pétrin et qui a le plus attristé mon entourage. Je vais avoir 50 ans dans trois ans et je sais déjà que, pour moi, ce sera le combat de cette nouvelle décennie: moins être nourri par la séduction.»

– «Qu’est ce que tu veux dire par nourrir?» lui demande Alex.

– «Ben… j’aime sentir que j’ai du pouvoir sur quelqu’un. Pas juste à des fins sexuelles. Jeune, j’étais déjà comme ça, et ça n’a pas changé en vieillissant. C’est même devenu un peu mon fond de commerce.»

Je l’interroge aussitôt: «Mais pourquoi as-tu tellement besoin de ça? Parce que ça comble un manque de confiance en toi?

– «C’est sûr qu’il y a un peu de ça, rétorque Philippe, mais en même temps, je me vois comme une sorte d’enjoliveur de vie. J’aime les fêtes et je me donne souvent la responsabilité de m’assurer que tout le monde est heureux dans un party.»

Un pas d’avance

Inutile de se le cacher: les personnalités publiques partent souvent avec une longueur d’avance en matière de drague. Il suffit de voir les têtes se tourner dans un bar à l’arrivée d’un rocker populaire avec ses bagues façon têtes de mort (allô Éric!) ou encore l’agglutination de fans autour d’un jeune acteur en train de boire son gin tonic au comptoir. Cela dit, il faut aussi admettre que les avantages viennent souvent avec quelques désagréments.

– «Pour ma part, j’ai constaté un énorme changement lorsque le pouvoir du câble est arrivé dans ma vie, admet Pierre-François. Dès que j’ai été connu, je n’ai plus eu besoin de prouver aux gens que j’étais drôle en racontant deux ou trois jokes… La porte était déjà ouverte. Et même si, à l’époque, mon personnage était plutôt mou, j’étais associé à une émission [Les Invincibles] qui dégageait une bonne charge de testostérone. Ça aide. Ma carte de visite séduisait, d’autant plus que les endroits où je sortais attiraient le public cible d’une télésérie comme celle-là ou d’un film comme Québec–Montréal, dans lequel j’avais joué aussi. Le défi, par contre, était de ne pas décevoir la personne devant moi…»

– «En ce qui me concerne, j’avais 23 ans et j’arrivais à MusiquePlus, une des chaînes les plus cool à cette époque-là, se remémore Philippe. Je me souviens encore de cet après-midi du 6 septembre 1993 où on s’était fait présenter par Claude Rajotte. Je suis ensuite allé prendre un verre au Peel Pub. J’ai réalisé à ce moment qu’il y aurait un “avant” et un “après” MusiquePlus. Honnêtement, quand t’as 23 ans, ça déstabilise un peu. J’étais déjà enclin à tomber dans ce genre d’écueuil, mais là, je suis vraiment tombé dans le piège de la valorisation par la séduction. Et je suis devenu un séducteur en série.»

– «Un des problèmes qu’on peut avoir lorsqu’on est connu et qu’on veut séduire, poursuit Alex, c’est de pouvoir distinguer ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas. Pour une histoire d’un soir, on s’en fiche, mais pour du long terme, il faut rapidement savoir si la personne est là pour nous ou pour le personnage public. Heureusement, j’arrive maintenant à détecter vite les gars qui ne sont pas là pour les bonnes raisons.»

– «Et comment fais-tu?»

– «Si le gars te pose énormément de questions sur ton travail, s’il te demande de parler des vedettes que tu connais, s’il veut savoir combien d’argent tu gagnes ou si tu as un chalet… alors tu sais que ça n’ira pas plus loin que la soirée. Parce que les gens pensent qu’on a une vie super trépidante, qu’on sort tout le temps, mais la réalité, c’est qu’on vit au Québec, qu’on sort nos poubelles comme tout le monde, pis qu’on est ben relax durant le weekend.»

Comme mes trois invités sont des célébrités, on en déduit qu’il leur est évidemment plus facile d’attirer les gens que le commun des mortels. Mais comment réagissent-ils quand c’est la fille – ou l’autre gars – qui prend l’initiative?

– «Une fille qui fait les premiers pas, ça me va, confie Pierre-François, mais il faut absolument qu’elle me laisse un rôle à jouer. C’est déjà arrivé qu’au bout de seulement quelques minutes, une femme ait manifesté son intention très claire qu’il pourrait se passer quelque chose entre elle et moi. Oublie ça! Faut qu’elle me laisse travailler, quand même!»

Allez, séduis-moi!

Elle ou il vient vous voir et entame la conversation. Qu’est-ce qui vous allume chez l’autre? Que regardez-vous spontanément? Assumez-vous, les gars, vous avez le droit d’être superficiels…

– «Pour ma part, c’est clairement les cuisses, avoue Alex. Sans même avoir regardé les yeux ou les fesses du gars, je peux déjà tout dire de ses cuisses. Faut qu’elles soient assez musclées, bien plantées, bien découpées. Ajoute à ça quelqu’un qui ne sait pas qu’il est cute… et il vient de me séduire.»

– «Personnellement, je ne crois pas que l’attirance soit d’abord physique, parce que j’ai eu des blondes de tous les genres, raconte Philippe. Ça peut avoir l’air niaiseux, mais j’aime les femmes heureuses. Je n’aime pas les conflits. Il faut que la relation soit positive, que ça soit drôle et qu’il y ait du rêve aussi.»

– «Je pense exactement comme toi, intervient Pierre-François, mais pas pour les mêmes raisons. Moi, j’ai besoin de quelqu’un de positif parce que j’ai de la difficulté à voir le beau côté de la vie. Au printemps, quand les perce-neiges sortent, je ne m’en aperçois pas. Cynthia [sa conjointe] est la première à me faire remarquer à quel point le soleil est bon alors que je ne m’en suis même pas rendu compte. Elle rit, elle est positive et ça me charme énormément. Le physique, c’est important. Cela dit, je me suis déjà présenté sur un tapis rouge avec une fille spectaculaire, mais ça ne suffisait pas. Notre relation c’est rapidement terminée.»

Attraction professionnelle

Depuis le début du repas, les mises en situation qu’on évoque se déroulent généralement dans un contexte de célébrations où l’alcool vient anéantir les inhibitions. Mais les jeux de charme, les flirts et les yeux doux, ça se passe aussi en milieu de travail, non?

– «Absolument, répond Philippe. Et à ce propos, les femmes sont désavantagées, particulièrement les plus jolies. Elles ne peuvent pas miser sur la séduction dans un milieu professionnel d’élite, par exemple. Elles ne seraient pas prises au sérieux si elles le faisaient, parce que leur champ de compétences diminuerait aux yeux de leurs collègues.»

Là-dessus, je ne peux m’empêcher de lui demander si un homme pourrait, lui, se permettre de séduire ses employées en étant quand même pris au sérieux. «Oui, je le pense», me répond Philippe.

– «Je suis d’accord, affirme Alex. Dans un meeting d’affaires, si un bel homme entre dans une salle, tout le monde le trouve hot. Par contre, s’il s’agit d’une belle femme, on attend qu’elle prouve ses compétences.»

Ma réaction spontanée fuse aussitôt: «Ben voyons donc, les gars! Êtes-vous sérieux? Moi, quand je vois une femme entrer dans une salle de réunion, je suis là pour entendre ce qu’elle a à dire, qu’elle soit belle ou pas. Il me semble que la compétence n’a pas de sexe.

– « Personnellement, je suis convaincu que si la fille est belle, elle doit évacuer toute référence à la séduction parce que les hommes d’y associer une connotation sexuelle, réplique Alex. Car les hommes ont parfois des rapports ambivalents avec la séduction.»

Resté discret depuis un moment, Pierre-François soulève un autre aspect qui, selon lui, désavantage les femmes: «Je crois qu’un homme moche physiquement s’en tire toujours mieux qu’une femme ordinaire. Le pouvoir  de la profession ou des clés d’auto est encore une arme masculine, soutient-il. Ce qu’on voit aussi, ce sont des filles qui gagnent super bien leur vie et qui flashent sur un petit bum qui donne des cours d’alpinisme et qui est toujours cassé. Rarement le contraire.»

– «C’est tellement vrai! ajoute Philippe. Un autre casting qui séduit souvent les femmes, c’est celui du poète qui écrit des tounes. Il peut gagner 12 000 $ par année et avoir une hygiène douteuse, ça ne dérange pas les filles parce que monsieur écrit des tounes. Monsieur est ténébreux, tiraillé… et libre de sa pensée.» Une image qui suscite l’unanimité parmi les convives: «Eux autres, on les hait!»

Et toi, Alex, estimes-tu que c’est différent pour toi de séduire un gars que pour nous de séduire une fille? «Ah oui, c’est clair, répond-il sans hésiter. Parce que même s’il y a beaucoup de genres de gars, il reste qu’on part sur la même base. Entre nous, les codes sont assez similaires. Pis je vais vous dire une chose: en ce moment, je trouve ça tough pour vous, les hétéros. On vous demande d’être entreprenants, mais pas trop. Vous devez avoir une barbe, mais qui ne pique pas. Les filles veulent prendre l’initiative, mais pas trop… Nous, on n’a pas ces contraintes-là. On dirait qu’on s’accorde un petit peu plus de lousse.»

– «C’est sûr que l’hétéro, dans notre contexte social où il a récemment été question de culture du viol, de principes – très justes d’ailleurs – d’égalité des sexes à défendre… ben, il se cherche un peu, ajoute Philippe. Pas juste les gars, d’ailleurs, les filles aussi! Je connais plein de femmes magnifiques, accomplies, intelligentes, avec une super job, mais qui ne rencontrent personne, entre autres parce que le Québécois n’ose pas les courtiser. Je trouve ça encore pire pour les nouvelles arrivantes. Les Latinas, les Italiennes, les Françaises qui arrivent ici et qui sont habituées à être assaillies de propositions dans leur pays, alors que chez nous, il n’y a pas un gars qui les approche. L’autre jour, à Radio-Canada, j’ai ouvert la porte à une fille. Elle m’a regardé et m’a dit: “Eille, c’est bon, je suis capable…” Je ne veux pas jouer à la victime, mais ce n’est pas toujours évident de se situer là-dedans.»

– «C’est exactement ce que je dis, poursuit Alex. Deux minutes après, tu n’aurais pas tenu la même porte à une autre fille et elle te l’aurait reproché. Franchement, je vous plains, les hétéros.»

En dépit de nos fous rires, une foule d’interrogations et de doutes subsistent dans notre esprit sur le mode d’emploi de la drague au masculin. Mais au terme de la discussion, nous sommes tous les quatre repartis en étant convaincus d’une chose: le jeu de la séduction peut s’avérer extrêmement agréable, qu’on en soit l’initiateur… ou l’inspirateur.

Photo: Martin Girard

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