Il y a des rendez-vous qu’on anticipe avec joie et d’autres avec appréhension. Celui-ci faisait partie de la seconde catégorie. Non pas parce que j’allais partager un repas avec les animateurs Benoît Gagnon, Herby Moreau et Jean-Pier Gravel, mais parce que le sujet que nous allions aborder n’avait rien de très joyeux…
Pas facile de discuter de séparation. Le sujet est émotif, la blessure est encore vive, certaines frustrations remontent vite à la surface, et personne n’a envie de régler ses comptes en public. Bref, c’est délicat et pas mal moins festif qu’une conversation sur le sexe… Deux heures après avoir mis l’enregistreuse en marche, il était toutefois évident qu’on venait d’avoir une des discussions les plus franches et les plus ouvertes qui soient depuis le début de cette chronique…
«OK, je me lance, dit Herby. Et je vais vendre le punch tout de suite: aujourd’hui, je m’entends très bien avec mon ex, qui est aussi la maman de mon fils, Julien. On a même été en vacances ensemble dernièrement. Jamais je n’aurai cru ça possible il y a sept ou huit ans, lorsqu’on s’est séparés. Mon ex voulait la garde complète, alors que je tenais à une garde partagée. Elle me reprochait notamment mes nombreux déplacements professionnels. Je me souviens avoir reçu à ce moment-là un appel de TVA pour faire la quotidienne de Star Académie, ce qui m’aurait demandé de quitter Montréal. Quand j’ai décliné l’offre, pour des raisons évidentes, je me suis dit: “OK, là, tu viens de prouver que t’es capable de mettre ta carrière en veilleuse, maintenant, ‘fighte’”! Et ma manière de lutter, ç’a été de ne pas être en communication avec elle. Quand on est en communication avec son ex, on est encore en relation. On entretient quelque chose. Donc, j’ai engagé une avocate. Mon ex a fait la même chose… Julien sentait clairement la tension entre nous et, à un moment donné, il a commencé à bégayer. Ç’a été le signal pour moi qu’il fallait trouver une solution à nos querelles. Je ne sais pas si on peut faire un lien de cause à effet mais, quand les tensions ont diminué, son bégaiement s’est atténué.»
Je demande à Benoît: «Tu as deux enfants, et tu t’es séparé il y a cinq ans. Peux-tu nous parler un peu des circonstances de ta rupture?
– Sonia et moi avons vécu 16 ans ensemble. Ç’a été fantastique, mais le temps… la vie… a fait qu’on s’est perdus l’un et l’autre dans tout ça… On s’est (peu à peu?) moins aimés, on a essayé de continuer, de porter la relation à bout de bras pour la sauver. D’autant plus que je me faisais une fierté d’offrir une famille unie à mes enfants. C’était mon idéal dans la vie, parce que c’était l’exemple que j’avais eu de mes parents. Quand j’ai vu que ça m’échappais, que je ne parvenais plus à offrir à Mathieu et à Sophie ce que j’avais toujours rêvé de leur offrir, je me suis senti très coupable.
«Ce qui est très spécial, c’est que le soir où on a décidé d’annoncer notre rupture aux enfants, on a versé beaucoup de larmes mais, bizarrement, ç’a été une des plus belles soirées des trois dernières années qu’on a passées ensemble. Je me souviens qu’après avoir couché les enfants (qui avaient 10 et 7 ans à l’époque), on s’est serrés l’un contre l’autre. Ç’a été si beau, on n’avait pas fait ça depuis très longtemps. On a pris le temps de se parler, de se regarder dans les yeux. Ç’a été le dernier beau moment… avant toute la marde qui allait suivre. Encore aujourd’hui, ce n’est pas le fun… »
Le cas de Jean-Pier Gravel est différent. Ce beau gars dans la mi-trentaine, extrêmement sensible, collectionne les ruptures amoureuses, même si, de son propre aveu, il aimerait beaucoup, lui aussi, fonder une famille. Sa dernière relation – avec Bérengère Thériault, une ancienne participante d’Occupation double –, a été pas mal médiatisée, notamment en raison du terrible accident qui a eu lieu il y a 18 mois.
«Cette relation est partie sur les chapeaux de roue. C’était fou. Après un mois de fréquentation, on s’était acheté des billets pour un voyage en Inde qui allait avoir lieu cinq mois plus tard. Mais une fois rendus là, la relation était déjà moins facile. Puis, quelques jours après notre arrivée, on est partis dans le désert, chacun sur son chameau… et là, j’ai entendu un cri, que je n’oublierai jamais. Je me suis retourné, j’ai croisé ses yeux au moment où son dos se fracassait sur le sol. La suite a été un cauchemar, avec transferts d’hôpitaux… J’ai tout laissé de côté, je me suis occupé d’elle, je l’ai nourrie à la cuillère, j’ai contacté l’ambassade, j’ai essayé de réserver un avion médical, j’ai appelé Julie Snyder pour avoir le jet de PKP, j’étais en détresse totale.
«Son père et moi l’avons ramenée chez elle le 2 janvier et, ce soir-là, elle et moi, on s’est laissés. On n’était pas bons l’un pour l’autre et, après avoir discuté tous les deux, c’est elle qui m’a annoncé qu’elle mettait fin à notre relation, parce qu’elle sentait que je n’osais pas le faire. Je ne l’ai jamais revue debout… Et je trouve ça difficile. Parce que, normalement, je reste toujours copain avec mes ex. J’ai de la misère avec le principe d’une coupure soudaine, totale et irrémédiable.
«J’étais un gars qui ne s’aimait pas du tout, ajoute-t-il, je n’avais pas le bonheur facile. Mais j’ai pas mal réglé ça depuis un an et demi. Maintenant que je m’accepte un peu plus, je devrais être en mesure d’apprécier l’autre personne plus facilement.
Je reviens à ce que Jean-Pier a exprimé un peu plus tôt: «Pourquoi tiens-tu à rester dans la vie de tes anciennes relations? Si vous vous êtes séparés, c’est qu’il devait bien y avoir une raison, non?
– Vous allez peut-être trouver ça con comme expression, mais j’aime le travail bien fait. Je trouve ça violent le fait que, du jour au lendemain, on ne puisse plus parler à la fille dont on était amoureux il y a quelques mois à peine. Pire encore, qu’on s’haïsse. Cela dit, je peux vivre sans revoir mes ex, mais j’aime rester en contact avec elles. Elles me connaissent beaucoup, elles peuvent me donner de bons conseils et elles peuvent me permettre de prendre du recul avec mon passé.
– Moi, je peux très bien accepter de ne plus être dans la vie de mon ex, dit Benoît. Par contre, je trouve hyper important de toujours être capable de regarder l’autre dans les yeux, peu importe les circonstances. Avec Sonia, j’aimerais en arriver à ça. Pas à ce qu’on devienne des amis, mais à ce qu’on puisse se regarder dans les yeux et se demander comment on va… Sincèrement, ça me manque. Je crois même que c’est la seule personne sur la terre avec qui je ne réussis pas à le faire.»
Faire son deuil
Une chose est certaine, ce n’est pas parce qu’il y a moins d’amour ou que la tension familiale est à son paroxysme que la rupture sera facile. Même pour celui qui prend l’initiative. Se séparer, c’est faire le deuil du couple, mais aussi du concept de famille, souvent cher aux parents québécois.
«Moi, je n’ai pas fait des enfants pour les voir une semaine sur deux, confie Benoît. Au début de notre séparation, quelques heures avant de voir partir Mathieu et Sophie, j’avais des montées de chaleur, je tournais en rond dans la maison, et il ne fallait surtout pas que je le montre aux enfants. Dès qu’ils entraient dans la maison de leur mère, après m’avoir fait le plus beau des sourires, je m’effondrais en larmes dans la voiture.»
– Je comprends ce que tu dis, mais ce n’est pas mon cas, fait remarquer Herby. Honnêtement, notre formule «trois jours – quatre jours» me convient parfaitement. On me demande souvent de couvrir des événements qui ont lieu le week-end et je ne voudrais pas avoir à faire garder mon fils pendant qu’il est chez moi. Et puis, soyons honnête, je ne suis pas le seul à le dire, on a le meilleur des deux mondes. Je sais que c’est politically incorrect de dire ça mais, moi, le jeudi soir, si quelqu’un m’appelle, je peux sortir comme je veux, puisque mon gars est chez sa maman.»
– C’est sûr que c’est le fun en tabarnouche, reconnaît Benoît.
– Oui, exactement, on peut vivre sa vie de célibataire et, en même temps, avoir des responsabilités de parents, mais pas tous les jours. Je pense que je vieillis moins vite de cette manière. Je peux entrer à 3 h du matin ou me coucher à 9 h du soir, je suis totalement libre. Et ce sentiment de liberté vaut une fortune… Avec le recul, je pense que tout ça explique aussi ma séparation. J’étais sans doute fatigué d’avoir à me justifier pour sortir.»
À bout de bras…
Mettre fin à une relation est donc rarement simple. C’est souffrant, c’est bouleversant. Pas surprenant que certains travaillent avec acharnement pour sauver cette bulle de complicité, même si elle est parasitée par de nombreux ressentiments.
«Dans mon cas, les trois dernières années de ma vie de couple ont été assez longues, reconnaît Benoît. Il y a des moments où c’était elle qui essayait de sauver les meubles, d’autres fois, c’était moi. Avec le recul, je pense qu’on a essayé fort de part et d’autre. Mais je ne regrette rien. Je n’aurais pas voulu me ramasser à 53 ans avec l’impression d’être passé à côté de ma vie, juste parce que je voulais garder ma famille unie… Je ne voulais pas être à moitié frustré avec les enfants à temps plein.»
– J’approuve ce que tu dis, renchérit Herby. J’ai vu mes parents rester en relation, d’abord et avant tout pour nous, alors qu’ils ne s’aimaient visiblement plus. C’est très lourd pour un enfant de sentir toute la tension dans une maison. Je l’ai vécu et je n’ai pas du tout apprécié ça. Donc, lorsque ça s’est mis à dérailler avec la mère de Julien, il était clair que nous n’allions pas forcer les choses.»
Je remarque que mes invités sont impliqués dans la décision de se séparer de leurs conjointes. Or, je constate souvent que bien des gars ne veulent pas prendre l’initiative de la séparation et qu’ils agissent parfois de manière à ce que l’autre prenne la décision pour eux: infidélité, méchanceté, indifférence…
«La fois où Sonia et moi, on a vraiment parlé de séparation, c’est moi qui ai abordé le sujet, se souvient Benoît. En fait, l’un et l’autre, nous l’avions abordé avant, mais le soir où tout a officiellement pris fin, c’est moi qui l’ai regardée et qui lui ai dit: «Sais-tu quoi? On a vraiment essayé, mais là j’ai mal aux bras à force de porter la relation… Je suis fatigué de me battre… je le sais, tu le sais, nous n’allons nulle part. Et là, on s’est effondrés tous les deux.
– Moi, je ne suis pas du genre à faire un sabotage amoureux pour me faire sacrer là, déclare Herby. Je suis plutôt du genre à donner de la corde en masse. Puis, arrive un truc. Un seul. La goutte qui fait déborder le vase. Et j’explose. Si tu savais comme j’ai peur que ma vie de couple ressemble à celle que mes parents avaient). Je ne veux tellement pas vivre ça.
Et la petite pause, le fameux break, vous y croyez? que je leur demande.
«Il est déjà arrivé que, dans quelques relations, je dise: “Prenons une pause pour y voir plus clair”, concède Jean-Pier. Mais ce n’était jamais dans le but d’aller voir ailleurs… En vieillissant, je désire que ça fonctionne et j’ai le feeling qu’on est prêt à accepter plus de choses… Dans ma dernière relation, j’ai enduré des affaires que je n’aurais jamais acceptées quand j’avais 22 ans.
– En même temps, chassez le naturel, et il revient au galop, soutient Herby. Alors, t’as beau prendre un break et essayer de changer certains travers, tout ça va revenir à long terme. C’est comme reconstruire sur des mauvaises fondations, ça va finir par s’écrouler…»
Je conclus notre souper par une dernière question, simple mais directe: «Vous êtes-vous sentis cheap lorsque vous avez annoncé votre séparation à vos enfants, ou plutôt soulagés que ce soit fait?
– Oh boy, ç’a été un mélange d’émotions, se souvient Benoît.
– Cheap n’est pas le bon mot, précise Herby. Mais on se demande quand même dans quoi on vient de s’embarquer.
– Exact, ajoute Benoît. Quand on en parle à son conjoint, on achète un peu de temps, mais lorsque on le dit à ses enfants, c’est une situation de non-retour. On a une responsabilité, on ne peut plus revenir en arrière, alors il faut vraiment être sûr de son affaire.
– Moi, j’étais très nerveux, je me demandais comment réagirait Julien lorsqu’il serait chez moi, se souvient Herby. Allait-il chercher sa mère?
– Et, aujourd’hui, lui demande Benoît, est-ce qu’il te pose des questions sur les circonstances qui ont entouré votre séparation?
– Non, parce que, dans sa tête, sa vie a toujours été comme ça…
– Je comprends ce que tu veux dire, C’est comme si rapidement la vie de nos enfants était ailleurs. Une fois la tristesse passée, ils gèrent ça pas mal mieux que nous.
– Et heureusement d’ailleurs, conclut Herby. Parce qu’il n’y a vraiment rien de pire que de voir son enfant souffrir…»
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Photo: Martin Girard
Cet article est paru dans le magazine VÉRO de printemps.
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