Pas d’enfant pour préserver l’environnement?

26 Juin 2019 par Florence Dujoux
Catégories : Environnement / Véro-Article
Icon

Oui, la question a de quoi surprendre! Recycler, manger moins de viande, utiliser davantage les transports collectifs, on veut bien essayer. Mais décider de ne pas devenir parent pour sauver la planète, vraiment?

Si le sujet déchaîne les passions, c’est qu’il touche à l’un des plus grands tabous de notre société: le droit de procréer.

Changer certaines de nos habitudes pour lutter contre l’émission de gaz à effet de serre? On embarque! Mais de là à ne pas avoir d’enfant pour préserver l’environnement, il y a tout un pas! Si le sujet est aussi sensible, c’est parce que nous vivons dans une société qui idéalise la maternité. L’indice synthétique de fécondité au Québec a beau atteindre un modeste 1,54 enfant par femme en 2017, la norme sociale nous incite encore à devenir mère.

«Quand j’étais plus jeune, je n’ai jamais senti le désir d’avoir un enfant, mais j’étais gênée d’en parler», témoigne Marie-Pier Deschênes, 27 ans. Pour sa part, l’entourage de Catherine T., 29 ans, a du mal à accepter son choix de vie: «On blague souvent sur le fait que je préfère être la marraine, la matante. Ma mère appelle mes chiens ses petits-enfants et leur fait des cadeaux à Noël!» Élodie Kergal, 38 ans, ne compte plus les fois où elle a entendu le fameux commentaire: «C’est égoïste de ne pas avoir d’enfant.» Comme le remarque la jeune femme avec ironie: «On dit qu’avoir des enfants est un choix personnel. Finalement, pas tant que ça!»

Plus encore, on ne parle guère du lien entre environnement et démographie, si bien que, pour plusieurs, il est loin d’être évident. Julie Courchesne, 40 ans, résume la chose: «Tu as le droit de ne pas avoir d’enfant, mais il faut que ce soit pour une bonne raison. Si ton choix est motivé par ta carrière ou tes voyages, ça passe mieux, mais si tu dis que c’est pour la planète, alors là, tu deviens folle à lier!»

Bébé et environnement

Selon Élodie Kergal, «il suffit d’assister à un baby shower pour se rendre compte du lien entre bébé et environnement. J’ai été effarée par la quantité de couches jetables, de jouets en plastique et de nouveaux vêtements que la future maman a reçus!»

Et si on objectivait le débat? Les scientifiques ont-ils essayé de quantifier l’impact d’un enfant sur les émissions de CO2? Une étude est effectivement parue à ce sujet en 2017, dans la revue Environmental Research Letters1. Elle comparait les différents moyens de réduire individuellement son empreinte carbone, de l’adoption de régimes alimentaires à base de végétaux jusqu’à l’achat d’une voiture hybride, en passant par le recyclage ou le renoncement à un vol transatlantique. Résultat? Avoir un enfant en moins constituerait non seulement la façon la plus efficace de réduire ses émissions de CO2, à raison de 60 tonnes de gaz à effet de serre par an, mais aurait autant d’impact que toutes les autres mesures réunies!

Il est vrai que certains experts ont contesté les méthodes de calcul employées2. Mais cette étude a eu pour mérite de faire parler de l’éléphant dans la pièce: entre 1950 et 2017, la population mondiale a déjà augmenté de façon exponentielle, passant de 2 à 7,6 milliards d’êtres humains. Et les dernières prévisions démographiques de l’ONU estiment qu’elle atteindra presque 10 milliards en 2050.

Un cheminement personnel

Chez les femmes interviewées pour cet article, le choix de ne pas avoir d’enfant a résulté d’une longue réflexion. L’environnement, sans être le seul facteur, a souvent joué le rôle de déclencheur. Ainsi, Julie Courchesne a définitivement pris sa décision en 2014, après avoir visionné Mother: Caring for 7 Billion3, un documentaire consacré à la surpopulation. «Je pense que la très haute natalité mondiale doit se calmer pour donner une chance à l’humain de s’en sortir. Je sais bien que le taux de natalité est bas au Québec, mais la terre est une boule malgré les frontières, et les Nord-Américains consomment bien plus que les habitants des pays sous-développés», dit-elle.

Si Élodie Kergal a choisi de ne pas devenir mère, c’est entre autres parce qu’elle ne se voit pas «élever un enfant dans notre société, qui produit de plus en plus, qui consomme de plus en plus, et qui va droit dans le mur.»

De son côté, Magali Douilliez Duburcq, 42 ans, a eu trois enfants. Très consciente de leur impact sur son empreinte carbone, elle raconte: «À la fin de ma vingtaine, j’avais très envie de devenir maman. Ma conscience écologique s’est beaucoup développée depuis. Avec tout l’amour que je porte à mes enfants, si j’avais su, je n’en aurais sans doute pas fait un troisième.» Si elle refuse tout discours autoritaire, elle est persuadée de la nécessité d’une prise de conscience individuelle: «Chaque enfant a une empreinte écologique. Et des milliers de personnes meurent tous les jours à cause des dérèglements climatiques: on parle de la survie de l’humanité!»

Un geste altruiste

Contrairement aux idées reçues, choisir de ne pas devenir parent ne signifie pas se désengager de la société. Plusieurs femmes soulignent que ne pas avoir d’enfant, c’est aussi avoir davantage de temps pour s’impliquer dans les causes qui leur tiennent à cœur. Comme l’écologie, par exemple! «Ce choix, je l’ai fait pour la continuité!» s’exclame Julie Courchesne. Son entreprise, Domaine Coquelicots, a ainsi pour vocation d’aider les familles à faire plus de choses par elles-mêmes en fabriquant leurs propres produits, plutôt que de consommer à outrance.

Contactée alors qu’elle était en Martinique, Élodie Kergal a décidé de développer ses compétences en photo sous-marine pour réaliser des reportages sur les écosystèmes, dans un objectif de sensibilisation.

Marie-Pier Deschênes est pour sa part très impliquée dans le milieu communautaire à titre de présidente du Groupe Écocitoyen GÉCO, un organisme social en écologie, en plus d’être membre du conseil d’administration d’un organisme de défense des droits des personnes LGBT.

«Il y a des gens qui décident de ne plus prendre l’avion, d’autres qui deviennent véganes. Moi, j’ai décidé de ne pas avoir d’enfant», conclut Julie Courchesne. Et elle est loin d’être la seule, comme en témoigne l’essor du mouvement des GINKS (Green Inclinations, No Kids) aux États-Unis, ou la publication du livre No kid – Quarante raisons de ne pas avoir d’enfant4de Corinne Maier, en France.

Alors, choisir de ne pas avoir d’enfant pour protéger l’environnement? Parlons-en!

 

1.  The climate mitigation gap: Education and government recommendations miss the most
effective individual actions, de Seth Wynes et Kimberly A. Nicholas, juillet 2017.

2. La famille, source de GES?, de Jean-François Cliche, Québec Science,15 novembre 2018.

3. Mother: Caring for 7 Billion, tiroirafilms.net.

4.  No kid – Quarante raisons de ne pas avoir d’enfant, Michalon Éditeur.

 

Photo principale: Stocksy

Cet article est paru dans le magazine VÉRO printemps 2019. Abonnez-vous ici.



Catégories : Environnement / Véro-Article
1 Masquer les commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de courriel ne sera pas publiée.

  1. Gui dit :

    Je pense que la démonstration est bien fondé, et assez évidente, mise à part si l’on donne naissance à quelqu’un qui changera le monde ! =D
    Vive la contraception sans effets indésirables . Permanente ? s’il le faut, au moins c’est éthique. et il y a nombre d’enfants à adopter au besoin !

Ajouter un commentaire

Magazine Véro

S'abonner au magazine