Phénomène: l’écoanxiété et moi

Phénomène-écoanxiété
23 Sep 2019 par Équipe VÉRO
Catégories : Environnement / Véro-Article
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On a demandé à Krystel Papineau, écocommunicatrice de renom, de nous parler d’écoanxiété, un phénomène bien réel et de plus en plus observé par les scientifiques. Lettre ouverte.

«La première fois que j’ai parlé publiquement de mon “écoanxiété”, c’était dans un reportage à la télé. J’y disais que les changements climatiques et l’état de la planète étaient pour moi des préoccupations constantes et une source d’angoisse terrible. Une fois ce reportage diffusé sur les médias sociaux, j’ai pu lire des commentaires virulents à mon égard, qui me qualifiaient de “folle” ou de “pauvre femme”. Je peux comprendre ces réactions, mais la question se pose tout de même: peut-on s’inquiéter de l’avenir de notre planète au point d’en être malade? La réponse est oui.

L’écoanxiété est un trouble mental maintenant répertorié. On le décrit comme une forme de détresse existentielle causée par la peur des changements environnementaux. En Amérique du Nord, 75 % des jeunes seraient inquiets du réchauffement planétaire. Une angoisse si galopante que des psychologues traitent maintenant des patients pour cause d’écoanxiété, le nouveau mal-être de notre époque.

Dans mon cas, l’écoanxiété est déclenchée par l’actualité et les décisions prises par nos dirigeants. Vous dire que le continent de plastique me tourmente est un euphémisme. Quant à l’achat d’un pipeline par le gouvernement Trudeau, ça m’est rentré dedans au point d’en faire de l’insomnie. Et je ne vous raconte pas le flot de larmes que j’ai versées lorsque le climatosceptique Donald Trump a été élu chez nos voisins du Sud. Chaque fois que j’y pense, une grosse boule se forme au fond de mon ventre… à l’endroit même où se sont lovés mes petits chérubins. Ce n’est pas un hasard: mon écoanxiété s’est déclarée lorsqu’ils se sont pointés le bout du nez. Chagrin et impuissance m’envahissent quand je pense à leur avenir. Auront-ils le “luxe” de faire des enfants à leur tour? Quelle planète sommes-nous en train de leur léguer?

Être écoanxieuse et s’assumer n’est pas de tout repos. Parfois, j’aimerais vivre dans le déni et croire que tout se réglera comme par magie. Mon chum, lui, essaie de comprendre. Il s’est entiché d’une écomilitante qui, avec les années, est devenue de plus en plus angoissée. Par exemple le jour où je suis partie faire des courses et que je suis revenue les mains presque vides. Il a été abasourdi de me voir arriver avec trois pauvres légumes, parce que tout le reste était emballé dans du plastique. “OK, mais on mange quoi, maintenant?” m’a-t-il demandé, impuissant. À présent, quand je fais des courses, je choisis uniquement les commerces les plus respectueux de l’environnement. C’est bon pour mon couple… et pour ma tête!

Être écoanxieuse et s’assumer apporte aussi de l’apaisement. Un jour, dans une chaîne de restauration rapide, j’ai pété ma coche, même si je savais ce qui m’y attendait. Manger et jeter les emballages illico dans la poubelle n’avait aucun sens pour moi. J’y suis retournée, mais avec mes propres contenants zéro déchet. Et ils ont accepté que je m’en serve. Cette petite victoire a eu un effet calmant sur moi. Oui, il est possible de faire les choses autrement.

Alors, l’écoanxiété, ça se soigne? Moui. Disons plutôt que ça se gère. La méditation m’aide, mais m’impliquer dans ma communauté et consacrer mon quotidien à faire de ce monde un lieu soucieux des autres et de l’environnement est la solution que je privilégie. Prendre des décisions concrètes qui me redonnent du pouvoir et qui éliminent cette oppressante impuissance, c’est là que tout prend son sens pour moi. Tout comme éduquer mes enfants pour qu’ils développent leur esprit critique et leur conscience de l’importance de la nature et des êtres vivants. Cela dit, le grand remède à mon écoanxiété, c’est de garder au fond de mon ventre une chose qu’aucun gouvernement ni aucune désinvolture environnementale ne peuvent m’enlever: l’espoir.»

Krystel Marylène Papineau, 41 ans, est une spécialiste en communication sociale et environnementale. Elle a travaillé pour Équiterre pendant sept ans à titre de chargée de projet et de directrice des communications de la Maison du développement durable (MDD).



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