Je me souviens encore du minois de Rafaelle lorsque je lui ai dit que cette année, notre gâteau d’anniversaire serait décoré de chiffres identiques. Inversés, j’en conviens, mais bien les mêmes zéro et sept.
Ses yeux se sont arrondis, elle a ouvert la bouche et a failli se décrocher la mâchoire. C’est que la petite sait compter maintenant et, dans le regard d’un enfant, la distance entre le 07 et le 70 paraît énorme, quasi impossible à franchir. Je le sais, j’ai vécu cela aussi.
Il faut dire qu’à cet âge, on ne voit pas le temps filer. On ne s’en rend compte que plus tard, bien plus tard. Et c’est tant mieux. D’ailleurs, lorsque j’étais jeune, je ne percevais pas de fil d’arrivée à l’horizon. Était-ce de la naïveté de ma part…sans aucun doute.
À l’époque, mon seul objectif consistait à me jeter corps et âme dans les nombreux projets qui meublaient mon esprit et à réaliser mes rêves les plus fous. Il en a été ainsi tout au long de mon existence. Bien que nostalgique à mes heures, j’ai toujours préféré, et de loin, vivre le moment présent plutôt que de me projeter dans le futur.
Néanmoins, je dois reconnaître que j’ai été choyée par la vie puisque j’ai pu profiter de la présence de mes parents jusqu’à la mi-quarantaine. J’aimais sortir avec eux, leur faire découvrir mes univers. Tantôt une expo de Léonard de Vinci au musée avec papa; tantôt, un week-end à New York avec maman.
Des virées, nous en avons eues, plusieurs. En revanche, j’ignore si le fait d’avoir vu ma mère et mon père tirer leur révérence à 9 mois d’intervalle constitue ce qui a déclenché un cri d’alerte, mais je dois avouer que c’est à partir de ce moment-là que j’ai pris conscience qu’il y aurait échéance, éventuellement.
N’allez pas croire que mon enthousiasme et mon sens de l’émerveillement se sont envolés pour autant. Ma passion pour la vie n’a jamais pris une ride. Cependant, lorsque les deuils surviennent, il est normal de ressentir une certaine urgence de vivre, et cela s’accentue à mesure que les années passent. Et en toute honnêteté, par les temps qui courent, je serais bien mal placée pour me plaindre et pleurer sur mon sort.
Jusqu’à maintenant, je n’ai souffert d’aucune maladie grave hormis un zona ophtalmique qui aurait pu dégénérer, certes, mais pour lequel je n’ai gardé aucune séquelle. Quand les bobos apparaîtront, je ne serai pas du genre à dire…pourquoi moi.
Vieillir est un privilège, et je compte bien jouir pleinement de chacune des secondes, des minutes et des heures qu’il me reste. Désormais, Rafaelle et moi ne partagerons plus les mêmes numéros sur notre gâteau d’anniversaire. Peu importe, j’accepterais volontiers d’y poser un 17 et un 80 sans aucun problème et qui sait, un 27 et un 90…
Photo : Westend61 Getty Images
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