C’est en tombant par hasard sur un échange de messages texte, au printemps dernier, que Marie* a su que sa fille de 17 ans vivait une relation toxique avec son amoureux des deux dernières années. « Je suis tombée en bas de ma chaise, confie-t-elle. Je n’avais rien vu venir. Ma fille ne m’avait rien dit. »
Dénigrement, manipulation, menaces, violence psychologique, harcèlement, son adolescente était sous l’emprise du jeune homme qui contrôlait sa vie. « Tout ça s’installe insidieusement, raconte Marie. Quand elle a compris ce qui se passait, elle était prise dans la toile d’araignée ».
Comment prévenir ? Et surtout, comment aider et supporter notre enfant ?
Selon le Rapport québécois sur la violence et la santé de l’Institut national de la santé publique du Québec (2018), près d’une fille sur six (16,8%) rapporte avoir subi au moins un épisode de violence sexuelle dans le contexte d’une relation amoureuse avant ses 17 ans. Du côté des garçons, ce chiffre se situe à 5,4%. Et plus d’un tiers des jeunes (36%) ont subi de la violence de la part d’un partenaire, selon l’Institut de la statistique du Québec (2016-2017).
Selon Stéphanie Houle, sexologue spécialisée auprès des adolescents et des enfants, il est important de savoir ce qu’est une relation toxique. « L’enjeu majeur de ce type de relation, c’est la souffrance, explique-t-elle. En relations amoureuses, on peut avoir de la peine, des mésententes, de la chicane mais pas de la souffrance ».
Elle avance que la dépendance affective est souvent au cœur des relations toxiques des jeunes. Il y a cinq compétences personnelles et sociales à développer pour ne pas embarquer dans le cercle vicieux de la dépendance affective, selon Mme Houle : la connaissance de soi, l’affirmation de soi, le respect de soi et des autres, le jugement critique et le sens des responsabilités. « Tout ça, c’est la base de l’éducation aux relations interpersonnelles, dit-elle, et elle permettra de faire des choix éclairés vers des relations saines et harmonieuses ».
Pour Maude Painchaud-Major, fondatrice et formatrice de Sexplicite, une relation toxique implique « un débalancement du pouvoir de chacun, un rapport inégalitaire ». Elle précise que ce type de relation apporte souvent « de l’isolement » et qu’elle se manifeste de différentes façons : « Il peut y avoir de la violence physique, psychologique, sexuelle, du dénigrement, de la pression, du harcèlement, et ça peut être subtil. Il y a des gradations et ce n’est pas toujours facile à identifier ».
Parmi les signes qui ne mentent pas chez nos jeunes : ils délaissent leurs amis ou leur cercle habituel, ils mettent de côté des activités qui habituellement les passionnent, ils changent d’avis ou d’opinion drastiquement sur certains sujets et discréditent certains membres de leur famille ou des amis… « Lorsqu’ils sont envahis, ils n’existent plus en-dehors de la relation, souligne Myriam Day-Asselin, sexologue et coordonnatrice expertise et innovation chez Tel-Jeunes et LigneParents. Ils peuvent, par exemple, sentir de la pression à répondre immédiatement et sans délai à un appel ou à un texto. »
Pour cette intervenante, il est important de comprendre qu’à ce moment-là, le sentiment amoureux prend toute la place, pour notre adolescent. « Or, l’amour ne peut pas être la seule raison pour être en couple, précise-t-elle. La relation doit combler les besoins et les attentes de chacun pour être dans une relation saine et harmonieuse ».
Et si, comme parent, on se doute que quelque chose ne va pas, on réagit comment ? Avec doigté et délicatesse, assurément, indiquent les trois expertes. « Je pense qu’il faut nommer ce qu’on observe et nommer nos inquiétudes, note Mme Painchaud-Major. Il est aussi important de valider les prises de position, les émotions et le ressenti de notre enfant pour qu’il puisse ensuite les reconnaître et y rester connecté ». Elle ajoute que dans une relation toxique, justement, l’ado se « déconnecte de sa perception de ce qui est sain ou malsain ».
Ce qu’il faut éviter, selon Mme Houle : faire la morale. « Il faut normaliser ce qu’ils vivent, ils sont en plein apprentissage. On peut par exemple nommer les belles choses qu’on vit, lorsqu’on est amoureux, et discuter avec notre enfant de ces aspects : les vit-il ? Se sent-il bien ? On peut le diriger vers un adulte en qui il a confiance ».
Évidemment, si on est témoin d’une situation, d’un geste ou d’une parole violente, il est crucial d’intervenir rapidement et fermement. « On met clairement les limites en nommant les choses et en disant que c’est inacceptable, dit-elle. Il ne faut pas oublier que le silence cautionne ».
Mme Day propose d’approcher notre enfant en lui demandant ce que nos amis pensent de notre chum/blonde. « Le cercle d’amis proches, souvent, sait avant l’ado concerné si la relation est toxique ou malsaine », mentionne-t-elle.
C’est ce qui est arrivé à la fille de Marie, qui a reçu une pluie de « félicitations » de ses copines lorsqu’elle a rompu avec son petit ami. Accusé de harcèlement, il vit présentement en Centre jeunesse. « Il faut dire à nos filles que l’agresseur, ça peut aussi être un garçon brillant, sportif, charmeur et cute », laisse tomber Marie.
À tester
Sur le site de SOS Violence conjugale, les mises en situation très actuelle des « convos » permettent de reproduire les échanges entre un abuseur et sa victime : quoi dire, ne pas dire, comment réagir ? Essayez les tests ! La démarche est aussi étonnante que les résultats, et les prises de conscience.
Des ressources pour les parents d’adolescents
- LigneParents (aide en ligne)
- Sexplicite (informations)
- On s’explique ça (banque de ressources)
Des ressources pour les adolescents
- Tel-Jeunes
- Jeunesse J’écoute
- Centre pour les victimes d’agressions sexuelles 1 888 933-9007 (ligne mise sur pied par le gouvernement du Québec)