Comment gérer les rivalités fraternelles?

20 Juil 2020 par Florence Dujoux
Catégories : Famille / Véro-Article
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Plusieurs parents ont à cœur de tisser une complicité solide entre leurs enfants, qui résistera à l’épreuve du temps. Mais comment gérer les rivalités, les disputes et les jalousies pour optimiser le bonheur d’être ensemble?

Au Québec, plus de la moitié des familles avec enfants en comptent au moins deux, selon Statistique Canada. Créer des relations enfants une harmonieuses entre leurs petits est un des plus chers souhaits de la plupart des parents. Et l’objectif qui résistera à s’avère d’autant plus légitime que la relation fraternelle est souvent celle qui dure le plus longtemps dans la vie d’un être humain.

Laury Boisvert, bachelière en psychoéducation et fondatrice du Coaching familial La Lanterne, nous met toutefois en garde: «On n’a pas le contrôle sur tout en matière de rivalités fraternelles. On peut jouer avec le contexte et favoriser la complicité, mais on ne peut pas forcer nos enfants à bien s’entendre.» Cela dit, concrètement, comment peut-on se donner un maximum de chances d’y parvenir?

Faire le deuil de la famille idéale

Non seulement la famille parfaite n’existe pas, mais, d’après plusieurs experts, les rivalités entre frères et sœurs peuvent être bénéfiques. Selon la Dre Nadia Gagnier, psychologue spécialisée en parentalité, conférencière et auteure, «les disputes fraternelles constituent un formidable apprentissage de la résolution de conflits». Se chamailler avec son frère ou sa sœur permet ainsi de se construire soi-même et de mieux appréhender la vie en société. «C’est une étape normale du développement des enfants», insiste l’experte.

Mme Gagnier rappelle aussi que, certains caractères étant plus compatibles que d’autres, l’harmonie entre frères et sœurs sera plus naturelle ou, au contraire, exigera davantage d’efforts. Les dynamiques relationnelles peuvent également changer selon les étapes de la vie familiale, par exemple à l’occasion d’une naissance. «À l’arrivée du cadet, l’aîné se fait voler l’attention exclusive de ses parents, ce qui nécessite une adaptation et peut conduire à une certaine rivalité», indique la psychologue. Son conseil? Ne pas mettre de pression! Autrement dit, on préfère la formule «j’aimerais que tu aimes ton petit frère» à «il faut que tu aimes ton petit frère», car personne ne peut être forcé d’aimer quelqu’un!

Jouer le rôle de médiateur

Quelle est l’erreur la plus fréquemment commise par les parents? La surintervention, répond sans hésiter Laury Boisvert: «En tant que parent, on a tendance à s’interposer pour trouver une solution rapide, alors qu’il faudrait laisser les enfants expérimenter par eux-mêmes.»

«L’idéal, c’est de se positionner comme un médiateur, un facilitateur, renchérit Nadia Gagnier. Le parent n’est pas là pour résoudre le conflit, mais pour guider les enfants à travers les étapes conduisant à une solution. Il peut les aider à identifier le problème et organiser un remue- méninges pour imaginer une solution ensemble. À partir de là, on laisse les enfants se débrouiller pour favoriser leur autonomie et on les invite à revenir nous voir s’ils rencontrent de nouveau un problème.»

Et si les frères et sœurs en viennent aux mains ou se lancent des insultes? On les sépare immédiatement, sans oublier de revenir sur la bagarre une fois le calme revenu. «C’est important de fixer les règles à respecter à la maison. Et de dire clairement que la violence, verbale ou physique, ne fait pas partie de nos valeurs», affirme Laury Boisvert. À ce propos, les parents doivent rester vigilants, car 11 % des jeunes disent subir de l’intimidation de la part de leur frère ou de leur sœur plusieurs fois par semaine, ce qui les met deux fois plus à risque que d’autres enfants de souffrir plus tard de dépression, si on en croit une étude britannique de 2015 portant sur la question.

Privilégier l’équité plutôt que l’égalité

Quel parent n’est jamais tombé dans le piège de l’égalité? L’image de trois enfants de différentes tailles essayant de regarder par-dessus une clôture illustre bien ses limites. Le principe d’égalité consisterait à donner à chacun la même caisse de pommes en guise de socle, mais le plus petit ne verrait toujours rien. En revanche, le principe d’équité viserait à donner à chaque enfant une caisse aux dimensions appropriées pour qu’ils se retrouvent tous à la même hauteur.

«En tant que parent, on va tendre à équilibrer notre soutien en fonction des besoins de l’enfant, qui varient selon le tempérament, le genre et le niveau de développement», note Nadia Gagnier. Sur le plan scolaire, la psychologue estime que les parents devraient féliciter les efforts déployés par chaque enfant selon ses capacités. On peut ainsi récompenser un jeune ayant un trouble d’apprentissage et qui a obtenu 62 % dans une matière, sans souligner particulièrement le 80 % de son frère qui a de la facilité à l’école. «L’important, dit-elle, c’est d’expliquer ce principe à nos enfants, pour désamorcer la jalousie et nourrir la relation de confiance avec eux, tout en restant à l’écoute de chacun pour diminuer la rivalité.»

Célébrer l’unicité de chacun

Chaque enfant a besoin de trouver sa place, ses particularités. N’oublions pas qu’avant d’appartenir à une famille, nos petits ont des besoins individuels à combler. Laury Boisvert conseille aux parents de passer du temps avec chacun, afin de leur donner une qualité d’attention optimale et de remplir leur réservoir affectif. «Neuf comportements indésirables sur dix sont motivés par la recherche d’attention, affirme l’experte. En y répondant, on atténue les conflits et on rend les enfants plus indépendants.»

Il est vrai que certaines personnalités vont plus naturellement l’une vers l’autre ou qu’elles ont davantage de centres d’intérêt communs. Toutefois, Nadia Gagnier estime «qu’en tant que parents, notre devoir, c’est d’aimer tous nos enfants de la même façon, alors qu’en tant qu’êtres humains, notre réalité, c’est qu’on peut avoir davantage d’affinités avec l’un d’entre eux».

On ne jure que par le sport alors que fiston est un passionné de musique? On assiste à ses concerts de guitare, on l’emmène voir des matchs de hockey et on s’assure de regarder le Super Bowl ensemble! Surtout, on évite les comparaisons systématiques, qui catégorisent les enfants en leur accolant une étiquette (toi, tu es un artiste; toi, tu es une intellectuelle) et les empêchent de se réaliser pleinement.

Voilà, ça y est, nos enfants sont en train de jouer tranquillement ensemble… «Plutôt que de s’éclipser sur la pointe des pieds, c’est le moment de se pointer le nez et de les féliciter», conseille Laury Boisvert. En leur montrant que leur comportement génère de l’attention positive, on aura toutes les chances de déclencher un beau cercle vertueux!

À lire

Pour les parents

C’est pas moi, c’est lui ! De la Dre Nadia Gagnier, Éditions La Presse, 2008.

 

Frères et sœurs pour la vie – Complicité et rivalités, de Michèle Lambin, Éditions CHU Sainte-Justine, 2019.

Pour les enfants

Les relations entre frères et sœurs… Quelle histoire !, Astrapi, 2020.

Frères et sœurs – Coincés ensemble, aussi bien vous entendre, de James J. Crist, Ph. D., et Elizabeth Verdick, Éditions Midi Trente, 2015.

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Photo: Getty



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