Écrans + enfants = danger?

Écrans-et-enfants-danger
14 Sep 2019 par Véronique Alarie
Catégories : Famille / Psycho / Véro-Article
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Ordi, tablette, télé, téléphone intelligent... Ils prennent de plus en plus de place dans nos vies, et on s’inquiète de leurs effets sur notre santé et celle de nos enfants. Comment gérer sainement une telle abondance d’écrans?

Au Québec, un ado (de 12 à 19 ans) sur cinq se divertit devant un écran au moins 35 heures par semaine. Or, l’utilisation maladive des écrans guetterait 18 % d’entre eux et 1,3 % souffrirait de cyberdépendance, passant en moyenne 55 heures par semaine sur les écrans.

Et du côté des plus jeunes? À cet égard, on nage en eaux troubles. Selon Magali Dufour, professeure agrégée au département de psychologie de l’UQAM, «le phénomène est si récent qu’on ne dispose pas encore de données précises pour tous les groupes d’âges». Une étude canadienne publiée en avril dernier indique toutefois qu’en comparaison avec ceux qui passent moins de 30 minutes par jour devant un écran, les enfants de cinq ans et moins qui utilisent les écrans plus de deux heures par jour seraient cinq fois plus susceptibles de présenter des problèmes de comportement, et sept fois plus susceptibles de répondre aux critères du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH).

L’hameçon de la compulsion

Pour Carolanne Campeau, coordonnatrice de la campagne de prévention PAUSE (voir «Ressources à consulter») et chargée de cours à l’Université de Sherbrooke, la problématique actuelle prend essentiellement racine dans l’abondance de l’offre.

Prenons la télé: «Avant, dit-elle, on regardait une série à un moment précis de la semaine et les émissions étaient présentées de telle sorte qu’on était forcé de prendre des pauses pendant le visionnement. Maintenant, on peut tout regarder en rafale. Il y a même un compte à rebours qui nous indique que le prochain épisode s’apprête à débuter, histoire de faire naître une crainte de manquer quelque chose si on éteint la télé.»

Et il n’est pas rare que des gens consultent également leur cellulaire ou leur tablette en même temps qu’ils visionnent une télésérie, ce qui entraîne une véritable surstimulation du cerveau et l’envie d’être toujours davantage stimulé. «C’est ainsi que naissent les compulsions, note Carolanne Campeau. Or, les développeurs Web font tout en leur pouvoir pour nous garder devant l’écran le plus longtemps possible.»

Quand ça dégénère

La dépendance aux écrans est difficile à expliquer, car elle est multifactorielle. «Avoir une faible estime de soi ou une sensibilité accrue à la dopamine sécrétée lorsqu’on est connecté; traverser une période difficile; présenter des prédispositions génétiques comme le TDAH ou la dépression… tous ces éléments nous rendent plus vulnérables», explique Magali Dufour.

Les signes à surveiller chez nos jeunes pour réagir lorsque la situation devient problématique? «Symptômes de sevrage, négligence de l’hygiène personnelle ou de l’alimentation, heures de sommeil écourtées […], irritabilité, isolement, chute des notes scolaires, problèmes de santé, conflits récurrents…», voilà ce que mentionne Manon R. Guérin dans Flirtez-vous avec la cyberdépendance?, un essai qu’elle a écrit après avoir réalisé qu’elle-même était coincée dans un contexte d’hyperconnectivité.

«Un jour, j’ai réalisé que mon téléphone me suivait partout, admet-elle. Dans la cuisine pendant que je cuisinais. Dans la salle de bains quand je donnais le bain aux enfants. Dans ma chambre à coucher, aussi. J’ai compris que mon rapport aux écrans empiétait sur mes rôles de mère et de conjointe, et que je manquais d’écoute à force de me laisser distraire. Je n’agissais pas en modèle pour mes enfants. De là est née ma volonté de fouiller la question de la cyberdépendance afin de mettre en place un cadre plus sain à la maison.»

Échanger, c’est la clé!

Enfants comme parents, il est essentiel de se questionner sur notre propre rapport aux écrans. On y revient toujours: pour être cohérent et conséquent comme parent, il faut d’abord agir en modèle. «La vérité, c’est que nous-mêmes, comme adultes, utilisons beaucoup les écrans, souligne Magali Dufour. Prenons un petit pas de recul pour échanger en famille à ce propos et faisons en sorte que ça devienne davantage un sujet de discussion qu’un motif de dispute. Intéressons-nous aussi à ce que font nos enfants sur leurs écrans, sans porter de jugement… même si on se sent un peu incompétent! En abordant la question sans aucun mépris ni complaisance, ce sera plus facile de communiquer et de s’entendre.»

On aurait effectivement tort de diaboliser les écrans et de nier leurs bienfaits dans la vie des jeunes, estime Carolanne Campeau: «Il existe toutes sortes d’outils numériques qui peuvent les aider à s’occuper de leur santé, à développer leur créativité, à s’éduquer. Le sentiment d’appartenance à un groupe d’amis, grâce aux médias sociaux, peut aussi leur permettre de socialiser. Sans oublier qu’à travers les jeux vidéos, les jeunes font équipe, atteignent des buts, s’accomplissent, se définissent une identité et un statut…»

Bref, tout n’est pas noir ou blanc; il y a beaucoup de zones grises, conclut Magali Dufour: «Le défi, c’est d’enseigner à nos enfants à se contrôler. L’abstinence n’est certainement pas la solution, car nos jeunes auront tous éventuellement accès à Internet, qu’on le veuille ou non!»

*** Petit lexique

Hyper-connectivité: Avec la multiplication des écrans, nous évoluons quasiment tous dans un monde hyperconnecté, ce qui nous met à risque de les utiliser à outrance et de développer une dépendance.

Cyber-dépendance: Elle survient lorsqu’une surutilisation des technologies entraîne de réelles difficultés chez l’individu (modification de l’humeur, symptômes de manque, conflits). Il s’agit d’un problème de santé mentale reconnu par l’Organisation mondiale de la santé depuis l’an dernier.

*** En faire un outil pour les petits

Bonne nouvelle: dans sa conférence TED intitulée 3 Fears About Screen Time For Kids – And Why They’re Not True, Sara DeWitt, vice-présidente de PBS KIDS Digital, explique que selon une étude de l’Université Texas Tech, certaines émissions éducatives peuvent favoriser le développement de l’empathie chez les enfants… à condition que ceux-ci échangent avec leurs parents à propos du contenu! Alors, on jase?

*** Ressourcesà consulter:

Cyberaide.ca, qui informe au sujet des phénomènes problématiques actuels sur
le Web.

Habilomedias.ca, qui propose aux parents plein de trucs pour bien comprendre
la culture numérique.

*Trucs pour alléger la charge numérique familiale*

*  Instaurer des moments fixes sans écran (durant les repas, dans la voiture, pendant les vacances, etc.).

*  Ne pas utiliser deux écrans à la fois.

*  Ne pas apporter d’écran dans la chambre à coucher.

*  Avant de laisser son enfant avoir un compte sur les médias sociaux, créer un compte familial. Ça lui permettra de s’exercer et de développer son jugement critique face au contenu qui s’y trouve.

Tirés de l’ouvrage Flirtez-vous avec la cyberdépendance?, de Manon R. Guérin (Fides)



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  1. Inconue dit :

    C’est un bon article

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