Enseigner la gratitude aux enfants

30 Juin 2021 par Maude Goyer
Catégories : Famille / MSN / Véro-Article
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On joue au taxi pour notre adolescent. On organise une fête mémorable pour notre plus jeune. On prépare une journée d’activités en famille. En retour, on reçoit bien peu de reconnaissance. Pas de merci. Comment faire pour cultiver la gratitude?

Travailleuse autonome dans le milieu de la santé, Anne-Marie essaie de toujours prendre congé lorsque ses enfants de 8 et 10 ans sont en journée pédagogique. «Je mets les bouchées doubles les jours précédents, raconte cette Montréalaise de 36 ans. Souvent, j’organise des activités: on dîne au resto, puis on va dans un centre d’amusement, au centre commercial, au cinéma ou dans un spa. Ça me fait plaisir qu’on passe du temps ensemble!»

Sauf que son plaisir a récemment été gâché par les crises de sa plus jeune, jamais rassasiée, et les complaintes de sa plus vieille, jamais tout à fait satisfaite. «Je me suis dit: “OK, il y a quelque chose qui ne va pas. Je me fends en quatre pour elles. Ça me coûte du temps, de l’argent, et elles ne sont même pas contentes!”» Après réflexion et consultations autour d’elle, Anne-Marie en arrive à un constat: ses filles manquent de reconnaissance, de gratitude.

Donner un sens à la vie

Selon Amélie Seidah, psychologue, la gratitude consiste à savoir reconnaître le bien et le bon dans ce que nous avons, et de s’y attarder. «J’utilise l’acronyme R.O.C. – pour ralentir, observer et choisir, dit-elle. Ça implique une flexibilité psychologique pour décider où je vais placer mon attention et mon énergie.» Elle souligne que la gratitude ne réside pas dans le fait de mettre des lunettes roses et de croire que la vie est toujours belle, mais plutôt de voir l’ensemble du portrait en choisissant de se concentrer sur ce qui nous nourrit.

Dans les moments plus difficiles, la gratitude permet de se distancier de la douleur, estime Mitsiko Miller, coach et formatrice en communication collaborative. «Ça signifie être totalement dans le moment présent et trouver du sens dans la situation qu’on traverse, ainsi que les apprentissages qu’on peut y faire», dit-elle, en ajoutant que la gratitude «donne un sens à la vie».

De nombreuses recherches, notamment celles menées par le psychologue américain Robert Emmons, démontrent les bienfaits de la gratitude. Dans son livre La gratitude – Cette force qui change tout, il écrit entre autres que «les personnes reconnaissantes éprouvent des degrés plus élevés d’émotions positives comme la joie, l’enthousiasme, l’amour, le bonheur, l’optimisme».

Par ailleurs, la gratitude nous éloignerait de l’envie, de la jalousie, de la rancœur et de l’amertume, en plus d’avoir un impact positif sur la santé. Selon certaines études menées par Robert Emmons, elle diminuerait le stress (la production de cortisol, l’hormone responsable du stress, baisserait de 23 % chez les gens reconnaissants), l’anxiété, la dépression et les risques de maladies cardiaques, tout en favorisant un meilleur sommeil. Elle ajouterait non seulement à la qualité de vie, mais aussi à sa durée: la gratitude prolongerait la longévité de l’être humain!

Un besoin affectif essentiel

Malheureusement, la gratitude n’est pas innée; elle résulte d’un apprentissage. La bonne nouvelle? Il n’y a pas d’âge pour s’y initier. «Plus on s’exerce à être reconnaissant, plus ça devient naturel», souligne Brigitte Racine, infirmière et psychothérapeute spécialisée en relation d’autorité et d’encadrement. Selon elle, la reconnaissance est un besoin affectif essentiel.

À la mère de famille qui traite son clan aux petits oignons malgré la lourdeur de sa charge mentale, Mme Racine recommande de demander des remerciements. «On dit à nos enfants: “Je fais plein de choses pour toi, pour te faire plaisir. J’ai besoin de t’entendre me dire merci.” Car le parent a besoin de ce retour d’énergie positive, sans quoi il se sent vidé. La gratitude, c’est plus qu’un sentiment, c’est une valeur d’humanité!»

Ce conseil a résonné chez Anne- Marie, qui jugeait ingrat le comportement de ses fillettes. «Sans les menacer, je leur ai dit que je n’avais plus envie de faire ces journées spéciales si elles ne montraient pas un minimum de gratitude, confie-t-elle. Et j’ai commencé à écrire un journal avec mes filles.»

Tenir un journal de gratitude peut en effet s’avérer un bon moyen de l’enseigner à nos enfants. Chaque jour ou chaque semaine, on y inscrit trois choses pour lesquelles nous sommes reconnaissants. «Ça peut être le jardin en fleurs, le ronronnement de notre chat, le fait que notre ado ait rangé sa chambre, que notre enfant ait pris ses responsabilités en faisant ses devoirs tout seul sans qu’on ait dû le lui rappeler», cite en exemple Amélie Seidah.

Au-delà du plaisir de se remémorer ces moments qui nous ont fait chaud au cœur, la gratitude laisse des traces, notre mémoire en devient imprégnée. «Ça permet de conserver des souvenirs et ça produit un effet sur les facultés cognitives: la gratitude permet de relativiser et d’élargir nos horizons. Elle incite aussi à développer de la compassion envers soi-même», précise la psychologue.

Une autre approche à essayer en fin de journée: à tour de rôle, pendant le souper, chaque membre de la famille parle de ses meilleurs et pires moments de la journée. Ou encore, ils disent merci pour trois choses qu’ils ont vécues ou constatées au cours de la journée. «Les enfants nous écoutent, nous sommes leurs modèles, souligne Brigitte Racine. Ils vont s’apercevoir de tout ce que nous vivons, faisons et traversons dans une journée… et comment nous choisissons de voir les choses.» Par exemple, un père reconnaissant d’avoir pu prendre le temps de boire son café chaud, dehors au soleil, n’envoie pas seulement un message de gratitude: il démontre aussi qu’il considère important de s’accorder du temps, de prendre soin de lui.

Prendre le temps de remercier nos enfants – «vraiment et sincèrement, pas à la va-vite», précise Mitsiko Miller – est un autre excellent moyen d’enseigner la gratitude. Dans la même optique, on évite de les ensevelir de compliments et de cadeaux. «La gratitude est un remède formidable à la société de consommation, résume Mme Miller. Un peu de simplicité volontaire, ça aide à apprécier ce qu’on a!»

Dans le cas d’Anne-Marie et de ses enfants, la reconnaissance s’est développée petit à petit. «On tient le journal de gratitude depuis six mois maintenant. Les filles adorent ça! dit-elle. On a aussi vu des films et des documentaires qui mettent en lumière d’autres modes de vie ailleurs dans le monde. Ça ramène les pieds sur terre de constater qu’ici, on ne manque ni d’eau ni d’électricité… Les filles tiennent beaucoup moins de choses pour acquises!»

Idées pour cultiver la gratitude

  • Tenir un journal de gratitude.
  • Raconter chaque jour nos bons et moins bons coups de la journée.
  • Demander aux enfants de nous remercier à propos de trois choses qui ont eu lieu aujourd’hui.
  • Dire merci pour trois événements à la fin de chaque semaine.
  • Développer la patience des enfants à l’égard des choses qu’ils aimeraient acheter ou obtenir.
  • Devenir un modèle pour nos enfants: les remercier pour leur bons comportements, gestes ou attitudes.
  • Voir des expositions  et des documentaires illustrant d’autres façons de vivre. Par exemple, le film Le garçon qui dompta le vent ou l’exposition World Press Photo Montréal.

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Photos: Stocksy



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  1. Jocelyne dit :

    Leur faire faire du bénévolat quand ils ont l’âge, ça aide.
    Merci.

  2. Gisele. Tremblay dit :

    J’ai la chance d’avoir deux petites filles de 12 et 11 ans qui sont remplies de gratitudes envers moi leurs grand-maman bien sûre que leurs parents leurs ont enseignés cela et qu’ils en ont également entres eux.
    Je reçois beaucoup d’amour et c’est merveilleux de vieillir ainsi.
    Merci pour cette article

  3. Evelyne dit :

    D’abord en tant que maman en garde partagée de deux garçons de 14 et 11 ans, bientôt 12, et puis ensuite en tant qu’éducatrice à l’enfance depuis 21 ans, je trouve cet article très intéressant!

    Depuis les débuts de ma carrière, j’ai observé une certaine tendance à la baisse de la gratitude, autant chez les parents que chez les enfants. … dommage! Je repartage avec plaisir!

  4. Christiane Dupont dit :

    La gratitude, ça s’apprend! Dès le berceau, en fait, selon moi. À nos quatre enfants, j’ai appris à dire  »merci! » alors qu’ils étaient encore bébé, et je fais pareil à mes petits-enfants. ‘Savoir dire  »merci », c’est le premier mot à apprendre pour montrer sa reconnaissance. Et comme adulte, il faut aussi donner l’exemple et être reconnaissant pour ceux et celles qui nous aident, qui nous donnent quelque chose, fut-ce un souhait de bonne chance, prompt rétablissement, ou autre.

  5. C. Beauchemin dit :

    C’est aussi le moment idéal de leurs enseigner le ”civisme” pour toute leur vie future, qui tend malheureusement à disparaître!

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