Au tout début, je dois reconnaître que j’ai ressenti un certain malaise à l’annonce de cette nouvelle. Le problème n’était pas la grossesse en soi; au contraire, une naissance est un événement extraordinaire. En fait, j’éprouvais ce qu’on appelle le syndrome de l’imposteur. De nos jours, vu le nombre de familles reconstituées, je savais qu’il était normal pour un enfant d’être entouré de plusieurs mamies et papis. Cependant, moi, ce qui me trottait dans la tête était le fameux dicton «two’s company, three’s a crowd» (deux, c’est de la compagnie, trois, c’est une foule). Et puis l’idée d’être celle qui dérange, celle qui n’a pas de titre officiel de grand-maman de sang ne me souriait guère.
Je dois avouer également, d’aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais voulu fonder une famille. Ce dont je rêvais, à l’aube de mon adolescence, était plutôt d’entrer en religion, devenir le temps d’un été la gouvernante de sept enfants, parcourir l’Autriche en chantant et marier le père de cette progéniture. Cela vous rappelle quelque chose ? Hélas, cette mélodie du bonheur n’arrive qu’une fois.
Le jour J arrive enfin. Une magnifique journée de juin. À peine quelques heures après la venue au monde de la petite, mon amoureux et moi nous rendons à l’hôpital faire connaissance avec mademoiselle Rafaelle. Ai-je besoin de vous dire que d’un seul coup, tout s’est envolé : malaise, appréhension, syndrome de l’imposteur. Seuls les mots bonheur et amour se sont imprégnés au fond de mon cœur, dès que ce petit ange vêtu de rose s’est blotti au creux de mon bras.
À ce moment-là, loin de me sentir une intruse, j’étais persuadée que moi aussi, je pouvais occuper une petite place dans sa vie. Et j’ai réalisé qu’il n’était pas impératif d’être une grand-mère biologique. Avoir trois mamies signifiait simplement plus d’amour pour elle. Voilà!
Je me plais à dire qu’étant toutes deux du même signe astrologique, elle tient un peu de moi. Bof, ça ne fait pas grand mal, n’est-ce pas.
Chose certaine, je me dis que si le destin a mis sur ma route un homme qui était appelé à devenir grand-père, le moins que je puisse faire est d’accueillir ce cadeau de la vie à bras ouverts. Alors, j’ai décidé de savourer pleinement chaque instant que je partagerai avec Rafaelle. Je suis convaincue qu’il y aura plein de rires et de fous rires entre nous. Des jeux, du partage, de l’émerveillement… Déjà, lorsque nous jouons à la cachette et qu’elle me cherche, si je l’entends m’appeler de sa voix enfantine Ma-mi-chou, c’est simple, je fonds.
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