Ma famille est un peu différente de la norme traditionnelle. Nous sommes une famille homoparentale. Mes enfants ont deux mamans et n’ont pas de papa. Ils ont été conçus via don de sperme.
Lorsque l’on vit dans une famille différente de la norme, cela suscite des questions de la part de curieux. Nous sommes habitués d’expliquer notre histoire. Répondre aux questions devient une habitude avec le temps. On nous demande toute sorte de choses, souvent lié à la place du donneur dans la vie de mes enfants.
Qui est le père? Le connaissez-vous? Est-ce que les enfants ont le même père? Est-ce que les enfants vont rencontrer leur père un jour? Est-ce qu’on peut voir une photo? Les enfants savent-ils qu’ils sont demi-frère/sœur? Aimes-tu autant ta fille que ton garçon? As-tu peur que ta fille te renie un jour? Avez-vous peur qu’il leur manque un père dans leur vie? Une figure masculine? La liste peut continuer longtemps.
Je comprends que le «différent» suscite beaucoup de questions. Que les questions maladroites sont souvent signe d’inquiétude et un désir de protéger. Mais je dois avouer que je suis un peu fatiguée que l’on souligne les différences de ma famille en premier.
Répondre aux questions par moi-même, ça me va. Mais lorsqu’on les pose devant mes enfants, j’ai un petit malaise. C’est comme si on soulignait sans cesse que leur milieu de vie est différent et étrange, car ils n’ont pas de papa. On utilise une paire de lunettes hétéronormatives pour tenter de faire fitter notre modèle familial dans celui de la majorité. Pourtant, mes enfants ont une multitude de modèles masculins dans leur vie et vivent très bien avec leurs deux mamans. Parler du donneur en utilisant le mot «papa» me gêne. Être maman ou papa, c’est un rôle bien plus compliqué selon moi.
Dans ma conception de la famille, le rôle de parent c’est un rôle social. C’est un rôle qu’on choisit d’endosser avec tous ses côtés merveilleux et difficiles. Être parent, c’est plus qu’un simple don de bagage génétique. C’est le don de son temps, de son amour et de sa patience.
Ainsi, un parent peut n’avoir aucun lien biologique avec son enfant, mais être tout autant le parent de celui-ci. Une personne qui choisit de prendre cette place significative auprès de l’enfant jour après jour, pour l’éduquer et l’aider à grandir, est un parent. À l’inverse, un parent qui quitte son enfant rapidement, dans ma conception personnelle, n’est pas un parent. C’est un géniteur. Les personnes qui élèveront cet enfant seront ses parents.
Ma fille ne m’est pas liée biologiquement. Mais depuis sa naissance, je prends soin d’elle, console ses peines, me réveille la nuit. Par le rôle que j’exerce auprès d’elle depuis sa naissance, je suis sa maman, même si elle ne porte pas un seul de mes gènes dans son bagage. Son donneur/son géniteur ne sera jamais son papa, car ce n’est pas le rôle qu’il a auprès d’elle. Elle aura toujours deux mamans. Maman2 et moi.
Qu’on soit dans une famille homoparentale, soloparentale, monoparentale, adoptive ou d’accueil, exercer un rôle parental demeure un choix. Qu’il soit motivé par l’appartenance biologique ou non, un parent demeure un parent tant qu’il agit de la sorte avec son enfant. Il y a donc une fluidité dans le fait d’être parent. On le demeure tant que l’on agit de la sorte.
Et pour les questions, je crois que c’est ce qui me motive à écrire. Expliquer notre différence aux curieux, c’est tenter de normaliser notre famille et d’amener ceux de la majorité à élargir leur conception du mot «famille» et leur conception des mots «papa» et «maman». Après tout, nous ne souhaitons qu’une chose: être respectés et considérés pour ce que nous sommes, une famille comme toutes les autres.
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Photo : David Trood Getty Images