La chronique de Pierre Hébert: arrêter le temps

Pierre-Hebert-Les-meubles
19 Déc 2019 par Pierre Hébert
Catégories : Famille
Icon

Pierre Hébert s'ennuie des Noëls simples, où il ne recevait que quelques cadeaux. Il relate ses souvenirs de Noël d'enfance et nous parle aussi de la façon dont il souhaite désormais souligner cette fête.

Noël est de loin ma fête préférée. C’est la famille, la bonne bouffe, les éclats de rire et le seul temps de l’année où j’ai vraiment l’impression de mettre le travail sur pause, d’être entièrement avec les miens. C’est le seul temps de l’année où j’ai l’impression que le temps s’arrête.

Chaque Noël, ce sont les mêmes odeurs qui m’accueillent quand j’arrive chez mes parents. Ce sont les mêmes décorations d’une année à l’autre, et le même sucre à la crème de ma mère qui goûte exactement pareil depuis 38 ans. Il y a quelque chose d’extrêmement réconfortant à savoir qu’il y a des choses qui resteront toujours les mêmes.

Quand j’étais petit, ma famille vivait plutôt simplement. On ne manquait jamais de rien, mais mes parents tenaient un budget très serré. Chaque année, ils disposaient d’une somme relativement modeste pour les achats de cadeaux; chaque sou était compté. Alors, quand venait le temps de choisir des présents pour nous, les enfants, ils se creusaient la tête pour être certains de trouver ceux qui allaient vraiment nous plaire. Ils voulaient s’assurer que chaque dollar dépensé nous ferait plaisir.

Ma mère aurait tellement aimé nous en donner plus! Si elle avait su à quel point nous avions pourtant tout ce qu’il nous fallait… Tout était tellement parfait! Chaque cadeau était minutieusement choisi et frappait toujours en plein dans le mille.

Un jour, ma mère a changé d’emploi et s’est mise à mieux gagner sa vie. Je me rappelle de ce premier Noël après son nouveau poste. C’était littéralement

l’abondance! Je n’avais jamais vu autant de cadeaux et je n’avais jamais vu ma mère aussi heureuse de nous les donner. On sentait, dans chacun des présents, le regret qu’elle avait eu aux Noëls précédents de ne pas pouvoir nous offrir tout ce que son grand cœur aurait voulu.

«Ma mère aurait tellement aimé nous en donner plus! Si elle avait su à quel point nous avions pourtant tout ce qu’il nous fallait… Tout était tellement parfait!»

Puis, d’année en année, les cadeaux se sont mis à perdre un peu de leur sens. Ils étaient déballés à la vitesse de l’éclair. Ensuite, c’est devenu un cercle vicieux: mes parents ne pouvaient pas nous en donner moins qu’au Noël précédent et ça prenait l’allure d’une surenchère surréaliste. Tout le monde développait ses paquets sur-le-champ, de son côté, sans voir ce que les autres recevaient. C’était un cadeau, et puis un autre, et puis un autre… On ne prenait pas le temps d’apprécier le présent qu’on venait tout juste de recevoir parce qu’il y en avait sept autres qui nous attendaient.

Vous allez peut-être être surpris, mais l’an dernier, je me suis mis à m’ennuyer de mes premiers Noëls, ceux où je ne recevais que deux ou trois cadeaux. Je me suis mis à m’ennuyer de l’énorme sentiment de reconnaissance que j’éprouvais envers mes parents, à l’époque où j’étais conscient de ce que Noël leur imposait comme pression financière. Je me suis mis à m’ennuyer de regarder mon frère et ma sœur déballer leurs cadeaux et de voir chacune des étincelles dans leurs yeux.

À Noël dernier, j’ai demandé à mes parents de ne rien m’acheter. Je voulais simplement passer du temps avec eux. Ils nous ont alors invités, ma femme et moi, dans un resto; juste nous quatre, sans les enfants. À la fin du souper, j’étais à la fois ému et reconnaissant. J’ai dit à mes parents: «C’est ce que je veux maintenant, à chaque Noël: un souper, tous les quatre ensemble, rien de plus.»

Il y avait longtemps que Noël m’avait fait autant plaisir. J’avais l’impression d’avoir retrouvé mes sept ans et de partager un moment spécial avec mes parents. Je me souviens d’être assis à table et de chérir chacune des minutes en leur présence, parce qu’on y partageait ce qu’on avait maintenant de plus précieux et de plus rare: du temps. Je me souviens d’avoir retrouvé ce que j’aimais tant de Noël: ce sentiment que le temps s’arrête, au moins pour quelques instants.

 

À lire aussi: 

Pierre Hébert: l’acceptation de soi et la liberté

Lettre de Pierre Hébert à son amoureuse

Le billet de Pierre Hébert: Encore des chips, papa!



Catégories : Famille
0 Masquer les commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de courriel ne sera pas publiée.

Ajouter un commentaire

Magazine Véro

S'abonner au magazine