La soloparentalité, du mythe à la réalité

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14 Mar 2023 par Véronique Harvey
Catégories : Famille / MSN / Véro-Article
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Elles sont de plus en plus nombreuses à opter pour la soloparentalité. Qui sont ces femmes qui choisissent d’avoir un enfant sans papa?

La parentalité parfaite existe-t-elle? À l’ère où la famille nucléaire perd de plus en plus de terrain, on voit apparaître de nombreux modèles familiaux qui brillent par leur unicité. Famille recomposée, homoparentale, adoptive, ou encore soloparentale, soit ces femmes qui choisissent d’avoir un enfant seule.

C’est ce dernier modèle sur lequel nous nous pencherons ici, afin de démystifier qui sont ces mères célibataires par choix, et de déboulonner les mythes qui entourent cette structure familiale dont la popularité ne cesse d’augmenter.

 

Commençons par quelques statistiques.

Il est difficile d’obtenir des chiffres justes, puisqu’il existe de nombreuses cliniques qui offrent le service de procréation assistée au Québec, et qui ne communiquent pas nécessairement entre elles. De plus, on ne divise pas toujours le statut matrimonial des patientes lorsque vient le temps de comptabiliser les données, ce qui brouille les cartes.

Toutefois, pour donner une idée de grandeur, les patientes en situation de soloparentalité représentent environ 12% des inséminations effectuées au Centre de procréation assistée (CPA) de Sainte-Justine, et environ 33% du réseau des cliniques ovo. Et on parle de moins de 5% des cycles de fécondation in vitro qui seraient consacrés aux mères en solo chez ovo.

 

Ça prend un village!

Bien qu’il existe une très grande variabilité en ce qui a trait au profil des femmes qui choisissent la soloparentalité, ce qui semble être un dénominateur commun est ce désir irrépressible d’avoir des enfants, et la volonté de ne dépendre de personne.

Toutefois, on dit souvent que ça prend un village pour élever un enfant. Ainsi, l’une des principales recommandations faites aux futures mamans en solo, avant qu’elles ne se lancent dans le processus de procréation médicalement assistée, est de s’assurer d’être bien entourée.

« Le réseau de soutien est un facteur super important en santé mentale périnatale. C’est certain que d’être seule dans un projet comme ça comporte certains défis, dont l’organisation et l’aspect financier, mais la clé est de savoir bien s’entourer pour avoir tout le soutien nécessaire pendant la grossesse, mais aussi durant la transition au rôle de parent », explique Valérie Samson, cadre conseil en sciences infirmières en néonatalogie, au CHU Sainte-Justine.

Et cet entourage pourra aussi développer des liens significatifs avec l’enfant. Après tout, il n’y a aucun mal à grandir sans papa, mais d’avoir différents modèles sur qui compter jouera un rôle important dans le développement identitaire de l’enfant.

« Les enfants peuvent s’identifier à différentes figures masculines au cours de leur vie, comme un grand-père, un oncle, un cousin, un professeur ou un entraîneur sportif. Mais, ce qui est important par-dessus tout, c’est d’avoir une pluralité de modèles autour de lui, autant féminins que masculins. Il doit être en mesure de s’identifier à d’autres personnes que sa maman pour son bon développement », explique Dre Delphine Maillé, psychologue à la clinique ovo.

À bas les préjugés

Bien que plusieurs s’inquiètent de l’impact sur les enfants qui grandissent sans papa, Dre Marie-Alexia Allard, psychologue et cofondatrice de la clinique Ensemble, rappelle que de nombreuses études démontrent que ce n’est pas tant la structure familiale qui est importante pour le développement des enfants, mais la qualité du lien d’attachement au parent. Ainsi, qu’on ait deux papas, deux mamans, une maman solo ou un papa solo, ce qui est important, ce sont les liens qu’on développe.

« Il y a encore beaucoup de préjugés sur la soloparentalité, explique Dre Allard. La science de la procréation médicalement assistée va beaucoup plus vite que nos mentalités! Aujourd’hui, on peut faire des enfants de bien d’autres façons qu’il y a 30 ans, mais la société n’est pas encore dotée de repères qui aident les personnes réticentes à comprendre et à valider ces nouveaux modèles. Et pourtant, personne ne peut affirmer qu’un modèle familial est plus apte qu’un autre pour élever des enfants. Des difficultés dans la parentalité peuvent subvenir dans n’importe quelle constellation familiale. »

Comment l’expliquer à son enfant?

Expliquer sa décision à son entourage est une chose, mais à son enfant, on dit quoi? Lors de leur rencontre obligatoire auprès d’un psychologue – qui se veut davantage une séance d’information qu’une évaluation, puisqu’il n’existe aucun prérequis psychosocial pour être admis au programme de procréation assistée au Québec –, les futures mamans solos sont questionnées sur la façon dont elles envisagent expliquer leur modèle familial à leur enfant.

« Ce qu’on recommande, c’est d’attendre que les enfants commencent à poser des questions par eux-mêmes, qu’ils commencent à être curieux sur la façon dont on fait les bébés, sur le rôle des papas, etc. On peut alors leur expliquer qu’il y a différents types de familles : papa/maman, deux mamans, deux papas et, comme nous, une seule maman. Il faut expliquer le rôle du donneur aussi, comme étant une personne qui a donné un ingrédient important pour les fabriquer. Il est possible de l’apporter avec des livres pour stimuler les occasions de discussion. Et ça peut être fait très tôt, dès la petite-enfance, mais les mamans sont les mieux placées pour sentir le bon moment de parler à leurs enfants », précise Dre Maillé.

Explosion de demandes

La soloparentalité est une structure familiale en essor, et deux facteurs ont contribué à la hausse des demandes de traitement au cours des dernières années. Premièrement, la pandémie! « En 2020, la COVID a fait doubler la demande par rapport à l’année précédente », confirme Geneviève Martel, conseillère en communications au CHU Sainte-Justine. Alors que les occasions de rencontrer l’âme sœur se faisaient de plus en plus rares durant le confinement, l’horloge biologique de ces femmes continuait de faire tic-tac… d’où cette explosion de demandes.

Et deuxièmement, la nouvelle couverture publique! Depuis le 15 novembre 2021, le gouvernement a modifié son Programme de procréation médicalement assistée. Les femmes de 40 ans et moins peuvent désormais profiter de six cycles d’insémination artificielle, incluant les paillettes de sperme, et d’un cycle de fécondation in vitro (FIV) gratuitement, lorsqu’elles se qualifient au programme. Une aide financière qui permet à certaines femmes d’économiser des milliers de dollars, car sans couverture, le coût d’une insémination artificielle est estimé à 1 000 $, plus un autre 1 000 $ pour les paillettes de sperme. Et on doit compter entre 10 000 $ et 20 000 $ pour un cycle de FIV.

Attendre le bon moment… ou pas!

Choisir d’avoir un enfant seul est une décision qui ne se prend pas à la légère et qui demande une bonne période de réflexion, en raison de son caractère irréversible. Toutefois, c’est un processus qui doit s’entamer avant la quarantaine, selon les experts.

« Il ne faut pas attendre trop longtemps, car il y a des âges à respecter pour procéder à l’insémination, précise Valérie Samson. Et naturellement, on nait avec notre bagage ovarien, donc plus le temps passe, plus la qualité de nos ovules diminue, ce qui amène davantage de risques de fausses couches, de complications, et de malformations. »

Ainsi, s’il s’agit d’un rêve que vous caressez, d’un projet que vous envisagez, n’attendez pas d’être 100% prête et d’avoir pensé à tout, selon les recommandations de Dre Marie-Alexia Allard, car c’est utopique de penser ainsi. « C’est normal d’avoir des questionnements et des peurs, explique la psychologue. Même dans un format familial plus classique, il y en a. C’est normal d’avoir très envie un jour, et le lendemain, de tout remettre en question.  Le désir d’enfant est ambivalent par définition. Alors, si vous vous sentez suffisamment prêtes, allez-y… pour ne pas rater votre chance! »



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