Allons-y par applaudissements: qui serait en faveur du retour des mariages arrangés? Après l’annulation du jugement Roe v. Wade qui restreint le droit à l’avortement aux États-Unis, la suite logique pour rétablir l’ordre social serait que je puisse choisir les conjoint(e)s de mes enfants*. Sérieux, laissez-moi décider pour ma fille. C’est MA fille, je la connais. Je l’ai vue grandir, je sais ce qui est bon pour elle. Je l’ai trop souvent vue prendre des décisions douteuses juste pour m’obstiner. C’est un grand service que je rends à ma fille parce que les hommes, JE LES CONNAIS! C’est ma race, alors je sais spotter le crosseur. Laisse-moi donc choisir, tu me remercieras plus tard.
Je comprends les familles du Moyen-Orient ou de l’Inde. C’est pas vrai que je vais passer des années à élever, éduquer, encadrer, écouter, soutenir psychologiquement et financièrement mon enfant pour qu’un voyou se pointe et profite de la situation ou, pire, détruise toutes ces années de travail. Comme si je me présentais dans un vignoble, que je faisais le cute et que je pissais sur les vignes d’un vigneron qui a investi une dizaine d’années, des milliers de dollars et d’innombrables nuits sans sommeil dans un projet plus grand que lui. Bon, comme je ne connais pas les vignes (pisser sur une vigne pourrait peut-être l’aider), je vais donc dire brûler. Comme si un homme jeune, beau, intelligent, en forme, avec un bel avenir devant lui venait brûler mon projet le plus significatif: mon enfant.
Je vais donc le choisir, ce gars-là. Je le veux éduqué, mais pas trop. Un «homme d’action» pas trop pelleteux de nuages, fonceur mais poli, ambitieux mais homme de famille, drôle mais moins que moi. Ça prendra un homme à l’écoute de ma fille, certes, mais surtout de MOI. «Si je dis d’quoi, obstine-moé pas, bout d’cri…». Déjà que mes enfants sont rouspéteux, j’en ajouterai pas un de plus! Je vais me choisir un allié, tiens… oui, c’est ça, un yes man qui va refléter ma vision. Mais SURTOUT, je veux éviter qu’elle tombe en amour avec un Australien, un Japonais ou un Italien. Je n’ai rien contre eux, j’veux juste pas que ma fille habite à 16 000 km de ma maison. Ma fille, j’veux pas lui souhaiter bonne année à neuf heures le matin parce qu’il est minuit à Sydney. J’veux pas qu’une autre personne vienne nous voler notre temps des Fêtes. Maintenant qu’ils sont adultes, mes enfants ont leurs vies bien occupées et leur propre maison loin de maman et papa. Le temps des Fêtes revêt donc une importance particulière pour nous. C’est un moment de pause où nous avons la chance de nous réveiller ensemble, de flâner sur le divan, de jouer sur la patinoire extérieure, de manger plus longtemps et de ne pas rusher entre deux meetings. Dans le fond, c’est peut-être juste ça. J’veux pas qu’un conjoint vienne nous enlever ces précieux moments. Et j’aimerais bien voir mes futurs petits-enfants, leur parler en français, en personne plutôt que via FaceTime. Je veux garder mes enfants dans ma vie. Pas trop proche, mais surtout pas trop loin. Certains diront: «Ouin, mais Louis, c’est LEUR vie, pas TA vie.» Je vous répondrai: «C’est ma chronique. Si vous êtes pas contents, lancez votre propre magazine.»
Bon… OK… Je sais que mon idée est ridicule. Surtout, je m’inquiète pour rien, parce que je dois l’avouer: Véro et moi avons tiré un bon numéro à la loterie des gendres. Anthony, le copain de notre Delphine, est vraiment une belle personne. Intelligent, sensible, gentil, bien élevé, poli, drôle et complémentaire à l’aînée des Morissette qui a un caractère de… Morissette (vous pouvez conclure ce que vous voulez de cette affirmation). Et surtout, il vient de Charlevoix… quatre heures de char, ça passe. Honnêtement, si j’avais pu, je l’aurais choisi.
Mais je ne dois pas me laisser distraire. Vite que j’arrange leur mariage avant qu’il change d’idée. J’veux pas jouer avec ma luck, le prochain chum pourrait être un Norvégien qui ne dit pas un mot de français. Pas vrai que j’vais passer Noël à Oslo…
* Bon, cette chronique sera genrée. Comme j’ai deux filles et un garçon, la majorité l’emportera. L’ennemi à abattre est donc le gendre. Mais la bru est tout aussi inquiétante.
Photo : Andréanne Gauthier
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