Le temps file

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26 Jan 2022 par Véronique Daudelin
Catégories : Famille / MSN / Véro-Article
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Auteure, comédienne et animatrice, Véronique Daudelin fait ben des affaires. La toute dernière : devenir mère, à 40 ans. Ce nouveau rôle change son regard sur le monde et sur elle-même, et elle le partage avec nous chaque mois, sans filtre.

Je réalise ces jours-ci à quel point la pandémie et mon congé de maternité ont affecté mon rapport au temps. C’est extrêmement paradoxal. D’un côté, le temps file, presse, me manque et m’avale, plus que jamais! Mais de l’autre, depuis près de deux ans, il est aussi presque arrêté, me ramenant au moment présent.

Mon bébé lui-même est l’incarnation du temps qui passe trop vite et des étapes révolues. Du jour au lendemain, il s’est mis à se tenir assis, à jouer tout seul et à manger des aliments solides. Ses dents ont commencé à pousser, ses cheveux. Loin du petit paquet larvaire que je trimballais à longueur de journée, c’est maintenant un petit garçon qui bientôt, explorera toute la maison et même, la quittera, pour la garderie.

Oh my god.

Le temps file, mais aussi, me glisse entre les doigts!

Depuis maintenant deux ans, la pandémie fait rage et nous empêche de voir nos proches. Les rencontres, les soupers et même les Noëls font l’objet d’un «on remettra ça». Mais la vérité, on commence à le comprendre, c’est qu’on ne remettra rien du tout. On va finir par se voir, oui, mais les occasions perdues le demeureront. J’ai l’impression de me faire voler des moments précieux, et c’est d’autant plus dramatique que le temps presse. Les gens vieillissent. Il y en a même qui meurent avant de vieillir, comme ça a été le cas ces dernières semaines avec Jean-Marc Vallée et Karim Ouellet, deux artistes que j’adorais. Combien d’années de qualité aurai-je encore avec mes parents? Combien de Noëls? Pourront-ils voir mon fils ramper avant de le voir marcher? Disons autrement qu’en vidéo?

Dans les deux dernières années, des ellipses ont été creusées, il nous en manque des bouts, et ça commence à m’affecter. Je réalise plus que jamais à quel point j’ai besoin de mes proches, mais je manque aussi de plus en plus de prise pour entretenir ces liens auxquels je tiens. Il y a tant de gens que j’aime et à qui je pense souvent, sans jamais trouver le bon moment pour les appeler ou pour leur écrire. Entre les repas, le nettoyage, les boires, les changements de couche, le lavage, le bain et les endormissements, présentement, le temps me dépasse et court plus vite que moi. Cela dit, je suis extrêmement chanceuse. Alors que le temps se désembobine à une vitesse folle, j’ai le grand privilège de vivre cette pandémie et cet isolement dans un cocon d’amour et d’harmonie, où le temps, parfois, s’arrête. J’espère ne pas être indécente en osant le dire publiquement, mais la dernière année, malgré ce qu’elle a de tragique, restera parmi les plus belles de ma vie. Avec mon fils et mon amoureux, je profite de chaque instant. Je savoure chaque baiser, chaque sourire, chaque étreinte, chaque moment de petite folie. En cette période où par défaut, ma vie sociale et professionnelle n’existe plus, le bonheur, tout à coup, est devenu simple. Et grand! J’ai le cœur plein et quand le tourbillon reprendra, j’espère que je saurai préserver une part de tout ça.

En fait, j’aime bien penser que cette période en est une de grand apprentissage. Là où je vois des occasions perdues et où j’ai l’impression que mes liens sociaux s’effritent, c’est peut-être l’inverse. Ce recul me sert peut-être à prendre davantage conscience de l’importance de ces liens et à devenir meilleure pour en prendre soin. Et peut-être que le fait d’avoir manqué de moments partagés me fera désormais mieux en profiter. Bref, c’est le moment ou jamais de déterminer dans quel état d’esprit je souhaite vivre l’après-pandémie.

Ces dernières semaines, mon fils s’est mis à ramper, un peu. À reculons. Et ça le fâche! Je le comprends, pauvre petit. Plus il met d’efforts pour aller vers ce qu’il convoite, plus il s’en éloigne. Mais la métaphore est éloquente : il faut parfois reculer pour ensuite mieux avancer.

Photo : Hinterhaus Productions Getty Images

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