Pierre Hébert: attends pas

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27 Fév 2021 par Pierre Hébert
Catégories : Famille / MSN / Véro-Article
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J’aimerais ça partir en voyage avec ma mère. Elle a 65 ans et j’aimerais en profiter pendant qu’elle est encore en forme. J’ai pas le goût de trop attendre et qu’il soit finalement trop tard.

Nous sommes en train de souper, ma blonde et moi. Je ne sais pas pourquoi, mais depuis quelques jours, l’idée d’un voyage seul avec ma mère me trotte dans la tête. J’approche de mes 40 ans et le constat que j’en fais, c’est que ces 40 années ont passé trop vite. Beaucoup trop vite.

J’ai l’impression qu’hier encore, j’avais sept ans et que je passais mes soirées, collé contre ma mère, à manger des chips sel et vinaigre en regardant Rira bien. J’ai encore l’impression qu’il est tard le soir et que ma mère me permet de rester debout avec elle à regarder la télé, à la condition que je file dans mon lit aussitôt que mon père reviendra du hockey.

L’approche de mes 40 ans fait résonner en moi l’urgence de passer du temps avec mon clan. Et, en particulier, avec mes parents. Ils ne sont pas trop vieux, mais le temps que nous avons devant nous est précieux, car je sais qu’il filera à la vitesse de la lumière. Ce sont des mots difficiles à dire (et à accepter, dans mon cas), mais je veux profiter de mes parents pendant qu’ils sont encore en santé, pendant qu’ils sont encore bien vivants.

«Appelle-la!»

Je ne suis vraiment pas sûr de bien comprendre ma blonde.

«Appelle-la là, maintenant! Si tu veux partir avec elle, attends pas. Fais-le tout de suite parce que sinon, ça n’arrivera jamais.»

Je n’aurais jamais pensé que ma blonde me donnerait un de ses meilleurs conseils entre deux bouchées de spaghetti. Un conseil tellement sage… parce qu’elle a raison. Parce que, trop souvent, la vie a ce talent de trouver mille et une façons de déjouer nos plans.

Alors je me lève et j’appelle ma mère: «Hey, maman! J’ai envie de partir en voyage avec toi, juste nous deux!» Je suis alors prêt à lui faire mon pitch de vente, comme un vendeur de chars usagés qui voit des clients entrer chez son concessionnaire. Je suis prêt à passer une heure au téléphone, s’il le faut, pour réussir à la convaincre. Inutile. Elle freine aussitôt mon élan en me répondant: «Oui, bonne idée! Je consulte mon agenda, bouge pas!»

À ma grande surprise, le soir même, on achète nos billets d’avion – des billets non-remboursables –, comme pour sceller cette promesse qu’on partirait ensemble, coûte que coûte, et que rien ne viendrait se mettre en travers de notre route.

Le mois de janvier suivant, ma mère et moi étions assis un à côté de l’autre dans l’avion. Nous nous préparions à vivre quatre jours ensemble, juste elle et moi. Juste nous deux… sans que je doive partir tôt de chez mes parents parce que le lendemain, je travaille. Sans devoir interrompre notre conversation parce que l’héritière a soif. Juste nous deux, elle et moi, comme quand j’avais sept ans. Le petit gars à sa maman lui prend la main. Elle sait que je l’aime, elle sait que ce voyage est précieux pour moi et que je veux la remercier. Je n’ai pas besoin de le lui dire. Tout ça réside dans ma main posée sur la sienne.

Nous sommes donc partis quatre jours tous les deux. Quatre jours à avoir le temps de se parler plutôt qu’à simplement se donner des nouvelles. Quatre jours à communiquer avec ma mère et à l’avoir seulement pour moi. Quatre jours à n’être ni nostalgique du passé ni méfiant vis-à-vis de l’avenir.

Une autre fois, je raconterai ce voyage plus en détail, mais pour le moment, je me contente de vous transmettre un des meilleurs conseils que j’ai reçus: n’attendez pas! Qu’il s’agisse de faire un voyage ou un bébé, de trouver l’amour, de changer de job, de déménager ou de n’importe quel projet qui sommeille en vous, n’attendez pas. Parce que la vie ne s’en chargera pas à votre place.

En terminant, j’ai juste envie de demander une dernière chose: «Maman, quand est-ce qu’on repart juste nous deux? Va chercher ton agenda, je t’attends.»

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Photo: Martin Girard



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  1. Véronique dit :

    Je n’ai que 2 choses à te dire : comme ton amoureuse est sage et comme tu as bien fait de l’écouter.

    Ma mère nous a quitté très tôt, 56 ans, j’avais 23 ans !
    Elle avait plein de projets en tête, tous des projets qu’elle remettait tout le temps… »quand je serai à ma retraite » qu’elle disait.

    Elle a travaillé toute sa vie, acharnée, ne comptant pas les heures et remettant toujours le tout à plus tard.

    Elle n’a jamais eu de retraite, le cancer est venue lui faire un croque en jambe dont-elle ne s’est jamais relevée.

    Je n’ai pas de regret sur son départ, car je l’ai accompagné jusqu’à la toute fin de ce difficile combat.

    Mais si elle était encore là, je profiterais d’elle comme tu le fais avec ta mère. Je mettrais ma tête sur ses genoux, en regardant la télé, afin qu’elle passe sa main dans mes cheveux et oui à 42 ans je le ferais.

    Je dis souvent aux gens de profiter de ceux qu’ils aiment, parce que le meilleur moment pour vivre avec eux est aujourd’hui, pas demain.

    Continus d’écouter ton amoureuse et profites bien de tous ses moments, remplis ta pochette souvenir d’eux.

    Les souvenirs que j’ai de ma mère m’ont longtemps fait pleurer, maintenant ils me font sourire. J’avais la meilleure mère au monde, même si je sais que de ton côté tu penses la même chose de la tienne.

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