Pierre Hébert: lettre à mon pirate

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19 Oct 2020 par Pierre Hébert
Catégories : Famille / Véro-Article
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Tu as trois ans. Tu es tout petit, à la fois fragile et tellement grand dans ton lit.

Tu es épuisé mais, malgré tout, tu combats le sommeil. Je le vois, dans le fond de tes yeux noisette, à quel point tu travailles fort pour repousser ton envie de dormir. Tu mets tellement d’efforts pour que cette journée que tu as tant appréciée se poursuive encore et encore…

En te bordant, je ne peux que sourire à la vue de ton costume de pirate. Parce que non, il n’était pas question d’aller au lit sans ton fameux costume. Tu étais tellement beau aujourd’hui quand on jouait aux pirates. La salle de jeu s’est vite transformée en un vaste océan où des trésors se cachaient dans chaque recoin et où de graves dangers nous menaçaient sans cesse.

Tu aurais dû voir ton sourire lorsque je t’ai annoncé que c’était toi qui déciderais où allait voguer notre bateau, parce qu’après tout, c’était toi le chef des pirates. Tu es devenu tellement fier que ça en était touchant.

Quand on joue aux pirates, tu m’invites dans ton monde où les règlements d’adultes n’existent pas et où tout est possible. Tu m’invites dans un monde où tout se décide spontanément au gré de ton imagination et de tes désirs. Surtout, tu m’invites dans un monde où nous sommes tous les deux égaux. Je ne suis pas là pour t’apprendre quelque chose. Nous sommes là pour être ensemble, tout simplement. Pendant tout l’après-midi, c’est ensemble que nous avons affronté les menaces de l’océan et les dangers qui nous guettaient. Pendant tout un après-midi, c’était toi et moi contre le monde.

Tu veux que cette journée se poursuive encore et encore parce que cette journée, c’est exactement celle dont tu avais besoin, et ce, depuis longtemps. Tu avais besoin qu’on passe plus de temps ensemble.

En te regardant t’endormir, Alfred, mon petit pirate de trois ans, je réalise que sans forcément me diriger vers un naufrage, je n’avais peut-être pas visé le bon cap avec toi. J’étais certain d’être un bon papa. Nous faisons des voyages en famille chaque année, nous t’avons inscrit à des cours de gymnastique et de danse, je te brosse les dents, je te lis des histoires et tu ne manques de rien à la maison.

Toutefois, un jour, il y a eu la pandémie et tout s’est arrêté. D’un coup, mon travail s’est arrêté aussi. D’un coup, la garderie a fermé ses portes aussi. D’un coup, le temps s’est complètement arrêté.

En fait, le temps ne s’est pas arrêté. Il s’est étiré. Il n’y avait plus ni urgence, ni contraintes de temps, ni horaire de fou.

D’un coup, on s’est mis à jouer aux pirates tout simplement, sans se presser et sans penser à rien d’autre. Alors que tout venait de s’arrêter, c’était un peu comme si, pour toi, c’était l’essentiel qui commençait.

Depuis quelques semaines, tu fais moins de crises et tes nuits sont plus longues et plus sereines. Tes yeux sont plus doux, tes câlins, plus forts et tes rires, plus intenses. Bref, depuis un bout de temps, je te vois et te sens plus heureux.

Je comprends ce soir que tout ça arrive simplement parce que, depuis le début du confinement, on joue plus souvent et plus longtemps ensemble.

Ce soir, j’ai envie de m’excuser. Ça m’aura pris une pandémie pour le réaliser. Un jour, ce virus sera du passé et le travail recommencera. Il y aura des semaines où nous jouerons moins souvent ensemble parce que je travaillerai beaucoup, mais il y aura aussi des jours où nous repartirons tous les deux vers de nouvelles aventures.

Avant de refermer la porte de ta chambre, je te regarde une dernière fois en me disant que tu es le plus beau, le plus doux et le plus attachant des pirates. Je me fais alors la promesse d’embarquer le plus souvent possible dans ton bateau, de hisser les voiles et de lever l’ancre à tes côtés pour aller découvrir mille et un trésors.

Bonne nuit, mon pirate d’amour! À demain

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Photo principale: Martin Girard

 



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  1. Monique Labrecque dit :

    Ce texte m’a remuée jusqu’au fond de l’âme.

  2. Carole LeFrancois dit :

    M. Pierte Hébert, il m’est très difficile de vous lire , chaque fois, vous me virez le coeur à l’envers. que c’est beau un PAPA sensible comme vous.

    je peux simplement vous dire que la vie , on la vit pour nos enfants. merci d’être un quelqu’un d’une sesibilité extrême, dant tout ca ne vous oubliez-pas non plus.

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