Il y a plusieurs étapes à suivre avant d’en envisager la rédaction. Conseils pour un transfert du patrimoine harmonieux.
À 80 ans, le père de Diane, propriétaire de cinq immeubles, n’avait plus envie de s’occuper de locataires. Ce qu’il voulait, c’était, de son vivant, transférer quatre de ses propriétés à trois de ses cinq enfants et garder la maison qu’il habitait avec une de ses filles pour la lui léguer à son décès. Le cinquième enfant, inapte au travail, hériterait d’un montant qui lui serait versé sous forme de rente.
«C’est moi qui ai fait l’exercice avec mon père, raconte Diane. On a considéré l’ensemble des immeubles, ce qu’il restait d’hypothèque à payer, et on a fait calculer le gain en capital afin de connaître l’impact fiscal pour chacune des propriétés.» Recherche des documents, évaluation des bâtiments, rencontres avec un conseiller financier: «La tâche n’avait rien de reposant et il y a eu quelques moments de tension dans la famille, avoue Diane. Reste qu’en fin de compte, tout a été fait selon les volontés de mon père et de façon à assurer un partage équitable.»
Heureusement qu’il y a de ces «tout est bien qui finit bien» pour compenser les histoires de successions cauchemardesques, dont celles qui illustrent les conséquences de mourir sans testament. C’est le genre de situation susceptible d’engendrer des conflits, bien que ce ne soit pas le seul cas de figure où les héritiers sont à couteaux tirés.
Inventaire et bilan
Pour les gens qui n’ont pas encore dicté leurs dernières volontés et pour ceux qui tardent à mettre leur testament à jour, la suite logique serait évidemment de prendre rendez-vous avec un notaire. Sauf qu’avant de décider à qui iront leurs possessions, il convient d’en faire l’inventaire, c’est-à-dire de recenser tous les actifs et le passif qui composent le patrimoine allégué. À cet égard, il existe des documents en ligne qui aident à dresser la liste des renseignements qui devraient y figurer. Il s’agit d’un outil précieux pour les héritiers, particulièrement pour le liquidateur.
Martine en sait quelque chose, elle qui a hérité de tout à la mort de son père. «Ç’aurait été tellement plus facile si les informations et les papiers concernant la succession avaient été conservés au même endroit! Je n’avais rien d’autre que le testament, se souvient-elle. Il m’a fallu contacter des institutions financières, fouiller à gauche et à droite pour obtenir les numéros de compte, les polices d’assurance, les placements, etc.»
La cerise sur le gâteau? En investiguant, Martine a réalisé que son père n’avait pas versé un sou au fisc durant les 15 dernières années de sa vie. «J’ai passé plus d’une nuit blanche à tout régler. C’est triste à dire, mais j’en veux encore à mon père d’avoir été aussi négligent.»
Procéder à l’inventaire de ses biens, c’est se donner une vue d’ensemble de ses avoirs et de ses dettes, une démarche utile pour préparer un bilan successoral, lequel servira à établir des stratégies visant à réduire l’impôt à payer. Parce que s’il y a deux choses inévitables dans la vie, c’est bien la mort… et les impôts!
Les lois fiscales précisent que le défunt, avant de mourir, est réputé avoir encaissé ses régimes enregistrés et s’être départi de ses biens immobiliers à leur juste valeur marchande. Gains et pertes doivent alors être inscrits aux déclarations de revenus remplies en son nom et peuvent sérieusement faire grimper le montant de la facture. Plus le patrimoine accumulé est important lors du transfert, plus l’impact fiscal risque d’être imposant. Il est donc essentiel de prévoir le coup et de s’assurer que la succession ait les liquidités nécessaires pour rembourser les sommes exigées.
Morale de l’histoire: il est sage de s’adresser à un conseiller financier pour vous aider à planifier et à faire fructifier votre patrimoine. Vos héritiers vous en seront reconnaissants.
Stratégies en fonction des cycles de vie
Le testament et les stratégies mises en place ne sont pas des exercices statiques et immuables dans le temps. D’où l’importance de les revoir quand des changements de statut personnel ou de situation familiale surviennent.
CÉLIBATAIRE SANS CONJOINT, SANS ENFANT
C’est dans l’ordre des choses qu’une personne qui a vu croître son patrimoine veuille le léguer aux personnes et aux organismes de son choix.
Objectifs: faire fructifier son patrimoine; en donner le plus possible à son décès.
Stratégie: faire des dons de son vivant.
COUPLE SANS ENFANT
La situation peut être différente selon que le couple est marié ou non. Si vous souhaitez transférer vos REER à un conjoint de fait, par exemple, il faudra le préciser dans le testament.
Objectifs: protéger le conjoint qui a le plus faible revenu; assurer les acquis.
Stratégies: contracter des assurances vie et hypothécaire; ouvrir des REER conjoints.
COUPLE OU PARENT SEUL AVEC ENFANT MINEUR
Les volontés testamentaires et les stratégies financières doivent être mises à jour à la majorité des enfants. Plusieurs mesures peuvent être pour protéger enfant ayant des besoins particuliers et subvenir à ses besoins futurs. Cotiser à un REEI (régime enregistré d’épargne-invalidité) peut s’avérer avantageux.
Objectif: protéger l’enfant mineur.
Stratégies: souscrire à une assurance vie et à un REEI.
COUPLE OU PARENT SEUL AVEC ENFANT MAJEUR
Objectif: réduire la charge fiscale de l’héritier.
Stratégies: portefeuille de placements diversifiés, liquidités et assurance vie pour bonifier le montant légué.
GRANDS-PARENTS
Objectifs: protéger les petits-enfants et leur assurer un meilleur avenir financier.
Stratégies: cotiser à un REEE et les nommer bénéficiaires d’une police d’assurance vie.
Un sujet tabou?
«La succession nous ramène au deuil et à la mort. En parler, c’est reconnaître que nous sommes des êtres avec une finitude, explique Josée Jacques, psychologue et auteure de livres sur le deuil. De plus, la succession a quelque chose de personnel, en ce sens qu’elle touche à nos finances, à nos volontés et à nos croyances. Ce n’est pas un sujet qu’on aborde facilement».
Ce n’est peut-être pas le genre de conversation qu’on aime engager autour d’une dinde le soir du réveillon, mais il est néanmoins souhaitable d’aborder le sujet avec ses parents. «Nommer les choses avant le départ de la personne facilite le deuil. Chez les gens qui ont évité d’en parler, il y a des regrets», constate Mme Jacques. «Un sujet comme celui-là ne devrait pas être différent d’un autre, affirme pour sa part Annie Dubé, directrice de la Maison funéraire Roussin. Si les relations sont bonnes avec nos parents et que nous sommes proches d’eux, c’est évidemment plus facile d’en discuter.»
Chose certaine, une succession bien réglée permet à ceux qui restent de mieux vivre les émotions en lien avec la perte d’un être cher.
Les clés d’une discussion harmonieuse
- Ne pas attendre que le parent soit malade pour en parler.
- Éviter de trop officialiser les rencontres, privilégier les conversations informelles.
- Concentrer les discussions autour du noyau familial et garder les conjoints à l’écart.
- Parler avec authenticité.
- Engager un professionnel qui pourra agir en tant que médiateur en cas de conflit.
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