Par Salim Benkirane pour Le Centre pour l’intelligence émotionnelle en ligne (Le CIEL)
La peur du rejet en toile de fond
Si toutes les peurs que peuvent vivre des adolescent·es 2SLGBTQ+ devaient émaner d’une seule, ce serait probablement celle du rejet. L’amour parental, dans son caractère inconditionnel, vient souvent répondre à cette peur en affirmant à l’enfant qu’iel sera toujours aimé·e, et donc accepté·e, quoi qu’il arrive. C’est là où l’adolescence 2SLGBTQ+ se démarque tristement d’une adolescence plus sereine, dans laquelle un enfant n’aurait jamais à se poser une des questions les plus troublantes qui soient : «mes parents peuvent-ils arrêter de m’aimer pour qui je suis ?».
Or, un téléphone est un objet. Il ne peut pas intrinsèquement rejeter un être humain puisqu’il n’éprouve pas d’émotion; il se contente de transmettre une requête et sa réponse via Internet. Lorsque l’ado demande à Google s’il est normal d’aimer son camarade de classe du même sexe, iel n’a pas peur de voir son téléphone prendre ses jambes à son cou.
Le simple fait d’affronter le monde extérieur à travers le pare-feu d’un écran peut aider l’ado à gérer ses sentiments, à son rythme et dans la sécurité de l’anonymat d’une recherche Internet. Comme parent, il est normal que l’ado ne vous parle pas immédiatement de ses questionnements; il est sain d’apprivoiser ses sentiments en privé.
Lutter contre l’isolement
De cette peur du rejet découlent des sentiments légitimes et amèrement répandus au sein de la communauté 2SLGBTQ+ tels que la solitude et la déconnexion avec autrui : si je dois porter un masque ou éviter de parler de certains sujets avec mes amis, ceux-ci me connaissent-ils réellement ?
Bon nombre d’influenceur·ses queers s’adressent directement aux ados. Ainsi, les ados jouissant d’une meilleure acceptation de soi peuvent aider leurs pairs à se délester d’une partie de leur solitude, sans compter les divers outils de soutien en ligne pour personnes queers, comme Interligne.
Par ailleurs, les réseaux sociaux permettent de perpétuer une tradition bien connue de la communauté 2SLGBTQ+ ; celle de la famille choisie. Puisqu’il n’est pas toujours possible de compter entièrement sur sa famille d’origine, il s’avère parfois nécessaire d’en construire une autre, souvent complémentaire de la première, comme rempart essentiel contre l’isolement.
En tant que parent, il faut se réjouir que notre enfant puisse se reconnaître dans des modèles positifs, composante essentielle de la création identitaire chez l’ado.
Des biais à renverser
À un âge où les stimuli extérieurs sont cruciaux, comment apprendre à s’aimer dans un monde où les remarques anti-2SLGBTQ+ persistent en filigrane? Les réseaux sociaux peuvent aider l’ado à déconstruire de soir ce que certaines remarques en cour de récréation lui apprennent de jour. Une fois que l’ado se montrera intéressé·e par des influenceurs·euses queers, il·elle en verra de plus en plus proposé·e·s grâce aux systèmes de recommandation des algorithmes. Il n’est pas insensé de croire que l’ado voyant défiler des pairs confiant·es et fièr·es de leur identité verra son estime de soi naturellement s’améliorer par mimétisme. Dans cette perspective, les réseaux sociaux peuvent incarner de véritables alliés à votre parentalité dans l’épanouissement de votre enfant.
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Photo : Francesco Carta fotografo Getty Images