Des touristes au long cours racontent leur expérience une fois de retour au Québec… ou en direct de Bangkok!
Sur Internet, il y a de plus en plus de blogues de familles qui partent autour du monde, et plus il y en a, plus ça montre aux gens que c’est possible», dit Vincent Boisvert, qui a vécu l’aventure il y a six ans avant de rejoindre l’agence Les Routes du monde. Hugo Meunier, actuellement en Asie pour sept mois avec sa conjointe et leurs deux enfants, nuance: «On ne croise pas beaucoup de familles en tour du monde sur la route, mais on a plusieurs contacts virtuels.» Alors, s’agit-il d’une tendance de fond ou d’un mirage alimenté par les réseaux sociaux? Chose certaine, l’engouement est bien là. Résolue à savoir si les photos Instagram reflétaient bien la réalité de l’expérience, j’ai échangé avec des familles qui ont osé faire le grand saut.
Les Meunier / Photos: Hugo Meunier
Réaliser un rêve
Hugo Meunier et sa conjointe avaient programmé leur tour du monde en famille dès la jeune vingtaine. C’est toutefois à l’aube de la quarantaine, quand Hugo a senti qu’il n’était plus sur son «X» professionnel et que Martine a eu un cancer du sein, que leur projet est devenu une évidence. «On est en train de vivre la plus belle chose de toute notre existence», mentionne l’auteur et journaliste, pourtant – de son propre aveu – trop cynique pour feindre le bonheur extrême.
Les Katpaksaks, une famille de Québec en partance pour le désert de Namibie, livrent ici leurs motivations: «Nous cherchons à abaisser notre rythme de vie actuel pour partager un peu plus, se connaître davantage et se définir autrement que par les rôles que nous assumons au quotidien.» Une philosophie en accord avec celle de Vincent Boisvert, pour qui un an de tour du monde correspondrait, côté durée, à l’équivalent de 10 ans de vie quotidienne. «L’objectif, c’est de sortir de sa zone de confort pour apprendre à se connaître, en couple et en famille, dit-il. Voir des choses, c’est intéressant et nécessaire, mais pour moi, il faut que ce soit dans un objectif de se développer en tant que personne.»
Pas besoin pour autant de se transformer en touriste spirituel à Goa. Valérie Dufour, qui a fait la traversée du Pacifique en famille, témoigne qu’il s’agit d’une expérience qui vient renforcer le noyau familial du seul fait de la promiscuité, de l’aventure et d’une certaine dose de stress. «On a le temps de se lancer des blagues récurrentes, de se forger des souvenirs communs, de se découvrir autrement.»
Les Dufour / Photos: Valérie Dufour
Partir avec des enfants de tous âges… ou presque
Vincent Boisvert affirme qu’il est facile de voyager avec des enfants. Même que c’est plus simple de partir avec ses propres enfants, qui suivent ce qu’on leur dit de faire, qu’avec qui que ce soit d’autre, croit- il. À bord de son voilier, Valérie Dufour a eu maintes fois l’occasion de constater l’adaptabilité de ses filles, alors âgées de 8 et 10 ans, quand il fallait renoncer à un arrêt (et à une crème glacée convoitée!) pour cause de mauvais temps.
Quel est l’âge idéal pour faire un tour du monde? Sur la route se croisent des gens très différents. Des jeunes parents avec des tout-petits, comme les Ours autour du monde – alias Élodie, Antoine et leurs deux bambins de 3 et 5 ans. Des familles avec des enfants qui fréquentent l’école primaire, comme celle d’Hugo Meunier, qui prétend que 11 ans, l’âge de son garçon, est l’âge idéal: «Il est hypercurieux, il aime encore ses parents, et c’est bien plus le voyage de sa vie que celui de sa sœur de 6 ans.» Aussi, des familles recomposées, comme celle de Valérie Dufour, qui a emmené son aîné de 19 ans, en césure entre le cégep et l’université.
N’est-il pas préférable que les enfants soient en âge de conserver des souvenirs de leur voyage? Florence Sérouart en est convaincue. Elle a d’ailleurs attendu que ses plus jeunes aient 8 ans pour traverser avec eux l’Amérique du Nord et l’Amérique centrale en camping-car. Mais pour Vincent Boisvert, «le but n’est pas qu’ils se souviennent, mais qu’ils se soient développés grâce au voyage».
Et quel serait l’âge le plus difficile, selon eux? À ce propos, un certain consensus s’établit autour de l’adolescence, mais tout dépend de chacun et de la relation qu’on a avec nos jeunes, précise Florence Sérouart, partie à deux reprises avec des grands de 14 ans.
Les Sérouart / Photos: Florence Sérouart
Planifier en amont
Si partir autour du monde peut être perçu comme une folle aventure, un tel projet requiert en fait une organisation solide. Plusieurs éléments doivent être pris en compte, dont les saisons, le rythme des déplacements et les visas. La planification financière joue aussi un rôle crucial.
Le coût d’un long périple familial est très variable et dépend du nombre de personnes, des modes de transport et de l’itinéraire. Ainsi, les Ours autour du monde ont prévu un budget de 80 000 $ pour un voyage d’un an, incluant deux adultes et deux bambins. Le fait d’anticiper un tel projet a permis à Antoine de bénéficier d’un congé différé: il est payé à 66 % de son salaire pendant son tour du monde, comme c’était le cas durant les deux années précédentes. Pour sa part, Florence Sérouart, qui ne paie presque jamais de terrains de camping (grâce à ses nombreuses et fructueuses recherches de terrains gratuits), affiche un budget plus de deux fois inférieur. «Ça nous coûte moins cher de voyager que de vivre à Montréal!» s’amuse-t-elle à dire.
Selon Valérie Dufour, derrière les superbes photos exotiques se cache beaucoup de travail: l’énergie et le temps requis pour la préparation, sans compter la gestion des imprévus sur place. Il faut donc éviter de confondre voyage et vacances. «Les vacances, c’est plutôt se reposer, tandis que le voyage, c’est d’aller à la découverte de soi et des autres. Ce n’est pas du tout la même chose», souligne Vincent Boisvert, pour qui un tour du monde n’est pas reposant physiquement, mais ressourçant mentalement. D’où l’importance de s’accorder des vacances à l’intérieur du voyage pour souffler un peu et en profiter au maximum, du début à la fin.
Les Ours autour du monde / Photo: Élodie Montoux
Faire l’école en voyage
La scolarité étant obligatoire au Québec pour les enfants entre 6 et 16 ans, partir en voyage plusieurs mois nécessite une autorisation dispensée par le ministère de l’Éducation. Vincent Boisvert estime que son obtention est relativement facile, notamment parce qu’il y a énormément d’acquis liés à la nature du projet. Par exemple? Parler anglais pour communiquer avec les habitants des autres contrées ou apprendre la géographie des pays traversés.
Bien entendu, il revient aux parents de communiquer avec la direction de l’école et les enseignants de leurs enfants, puis de constituer des cartables à emporter, avec manuels et cahiers. Bon à savoir: quand on tient compte des périodes de battement entre les cours, une moyenne quotidienne de deux heures à deux heures et demie d’étude soutenue se révèle généralement nécessaire. Ce que conseille la commission scolaire? Mettre l’accent sur les maths et instaurer une certaine discipline (pas toujours évident quand le professeur est papa ou maman!). Par ailleurs, les Katpaksaks soulèvent un point important: si les enfants bénéficient habituellement d’un plan d’intervention, ils n’auront pas le soutien de spécialistes sur la route, ce qui peut exiger un gros investissement des parents.
Les Katpaksaks / Photo: Sylvain Gallant et Julie Cummings
Vivre une réussite en famille
Si certaines attractions touristiques marquent les esprits, c’est bien souvent le contact avec la nature et les éléments qui se révèlent les plus mémorables. Comme cette expérience de «glamping» dans la jungle, au Sri Lanka, vécue par Hugo Meunier et sa famille: les bruits ambiants durant la nuit sous la tente, le safari à 5 h du matin et la proximité des éléphants resteront gravés dans leur mémoire jusqu’à la fin de leur vie. Ou encore la traversée de 21 jours en direction des îles Marquises réalisée par la famille de Valérie Dufour, qui se rappelle avec émerveillement du soleil qui se levait et se couchait à l’horizon, de l’immensité entourant le bateau et du plaisir de profiter du temps qui s’écoulait tout doucement.
Plus encore, un tour du globe fait évoluer les voyageurs en leur donnant une autre perspective sur la planète. Les Ours autour du monde ont ainsi à cœur de transmettre à leurs enfants une ouverture sur les autres pays, que ce soit à travers la culture, la cuisine ou la langue. De son côté, Valérie Dufour raconte comment la traversée du Pacifique a davantage conscientisé toute sa famille au sujet du gaspillage et de la pollution plastique. Et le goût du voyage, dans tout ça? «L’objectif n’était pas de faire de nos enfants des voyageurs, mais d’en faire des citoyens du monde», affirme Vincent Boisvert.
Les Boisvert / Photo: Vincent Boisvert
Gérer le retour
Revenir et retrouver sa vie d’avant ce long périple s’avère parfois complexe. «C’est certain qu’on est contents de retrouver notre maison et nos amis, mais il ne faut pas sous-estimer le temps de réadaptation, admet Vincent Boisvert. Un voyage d’un an, ça prend au minimum un an à en revenir. Et on n’en revient pas pareil!» Son conseil? Éviter de prendre de grandes décisions pendant le voyage, parce qu’on est alors dans une bulle.
«Depuis le retour, j’ai complètement changé ma façon de vivre: je travaille à mi-temps, je fais mon pain et je fabrique aussi mes produits ménagers», témoigne Florence Sérouart, qui ajoute, énigmatique, que «pour le moment on est là, mais on est entre deux projets». Pour les Ours autour du monde, par contre, il n’y a pas d’autres voyages à l’ordre du jour. «L’aventure est aussi au coin de la rue», souligne Antoine. Il a bien raison. Qui d’entre nous va voir le soleil se lever sur le mont Royal? Ça n’exige pourtant qu’un zeste de curiosité et un soupçon d’esprit de découverte!
Cet article est paru dans le numéro d’été 2019 du magazine VÉRO.
Photo principale: Getty Images
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