Faire les comptes nous donne des sueurs froides ? On fait de l’urticaire à la simple vue d’un fichier Excel de comptabilité ? Organiser nos paiements ou savoir comment est dépensé notre argent suscite autant d’enthousiasme qu’un rendez-vous chez le dentiste ? Nos finances – et la relation qu’on entretient avec elles – auraient sans doute besoin d’être désencombrées.
Au royaume des fées de la finance, toutes ne sont pas égales. J’ai une amie qui a reçu de la fée Épargne le don de faire fructifier ses avoirs. Cette amie connaît au sou près le coût du panier d’épicerie. Ses assurances (qu’elle a pris la peine de magasiner) offrent d’excellentes couvertures et ses factures sont payées à temps et bien classées. Elle cotise régulièrement à ses REER, CELI et autres REEE, et elle a assez d’argent de côté pour investir dans un duplex – à Montréal ! – si jamais son proprieétaire vendait l’immeuble où elle habite.
En ce qui me concerne, les seuls biens immobiliers que je posséderai jamais sont deux arbres à chats et quatre litières. Et si j’étais victime de rénoviction, je n’aurais pas d’autre option que de squatter le sous-sol chez ma sœur. Loin, très loin de Montréal.
On comprendra ici que la fée qui s’est percheée sur mon berceau s’appelait plutôt Dépense. Je pourrais blâmer le coût de la vie dans la métropole, l’inflation galopante, le fait d’avoir choisi de vivre seule, d’être travailleuse autonome, d’avoir cinq chats (oui, c’est beaucoup de chats, j’avoue) et tout ça serait vrai. Mais il y a autre chose…
La vérité, c’est que je ne me suis jamais intéressée à mon argent. En fait, j’ai toujours eu l’impression que je ne faisais pas de «folles dépenses». Après tout, je ne suis jamais allée dans le Sud, je n’ai pas de voiture, j’habite un modeste trois pièces et demie, je ne vais pas souvent au resto… Il a toutefois fallu que je me rende un jour à l’évidence : j’étais submergée par les dettes. Je vivais clairement au-dessus de mes moyens. Mais où diable passait donc tout mon argent ? Je n’en avais aucune idée. Et ce n’est pas la fée Dépense qui m’aidait ! «Tu n’achètes pourtant pas de vêtements de grandes marques », me disait-elle. Non, mais grandes marques ou pas, ma garde-robe déborde quand même. «Tu ne choisis pourtant pas tes meubles chez Roche Bobois», susurrait-elle. Effectivement, mais je suis abonnée à IKEA. «Tu ne bois pourtant pas de grands crus», ajoutait-elle. Non, mais je ne bois quand même pas de la piquette et je dépense sans compter à la SAQ. «Tu n’as pourtant pas de télé dernier cri. Et tu n’as même pas le câble !» s’exclamait-elle, triomphante. Non, mais je suis abonnée à trois plateformes différentes pour mes émissions de télé, à une plateforme de livres audio et à une plateforme de livres numériques.
Exit le prince charmant !
Si on additionne à tout ça les rendez-vous au salon de coiffure chaque mois, les rencontres régulières avec la massothérapeute et l’ostéopathe, l’achat quasi compulsif de livres, les formations de toutes sortes… et les cinq chats (oui, je sais, c’est vraiment beaucoup de chats), je dépensais plus d’argent que j’en gagnais. En fait, j’en étais rendue à croire que les sommes disponibles sur mes cartes de crédit étaient à moi. Quand j’y pense aujourd’hui, je trouve ça fou. Je suis pourtant une fille intelligente et ça se traduit dans d’autres sphères de ma vie, mais côté finances personnelles, c’est zéro, comme le chantait Julie Masse.
Non, ce n’est pas le prince charmant qui est venu à ma rescousse. Plutôt une conseillère en redressement financier. Moins romantique, mais nettement plus efficace ! Il était minuit moins une et mon carrosse était sur le point de se transformer en citrouille quand Chlöé Dulude, du Groupe PAF, a agité sa baguette magique pour m’éviter la quasi-faillite !
Un coup de baguette magique
Bon, sa baguette magique ressemble davantage à un fichier Excel, hein ? On n’en sort pas si on veut avoir un portrait global de notre situation financière et faire un budget. Mais au-delà de m’apprendre à budgeter, ce qui relève déjà de l’exploit, c’est aussi elle qui m’a aidée à surmonter la honte d’avoir perdu le contrôle de mes finances – ou de ne l’avoir jamais eu, en fait. C’est elle qui m’a fait comprendre que j’étais loin d’être la seule à m’être laissé berner par le chant des sirènes de Visa ou MasterCard.
C’est grâce à Chlöé Dulude que j’ai compris que les connaissances financières qui me manquaient faisaient défaut à beaucoup de gens. «On devrait davantage insister sur les cours de finances personnelles à l’école, dit-elle. Tout est conçu de façon à ce qu’on ne voie pas où va notre argent : on paie par cartes de débit ou de crédit, on opte pour des paiements préautorisés, etc. C’est comme si on laissait les institutions bancaires gérer notre argent !» s’exclame-t-elle. Cette phrase-là m’a beaucoup fait réfléchir. Je laissais quelqu’un d’autre gérer l’argent que j’avais si durement gagné. Il était temps que ça change.
C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que le budget one-size-fits-all n’existait pas. Et que ce fameux budget n’était pas un instrument de torture, mais plutôt un outil pour atteindre mes objectifs. «Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises dépenses, affirme Chlöé Dulude, mais on ne peut pas tout avoir en même temps. Il y a des choix à faire.» Ou, comme le dit Jessica Girard, ex-conseillère en sécurité financière qui aide les entrepreneures à définir leurs objectifs et à céer un budget non oppressif: «Tu peux payer un café à 7$!»
Elle vécut heureuse et eut beaucoup d’argent
Ces rencontres ont complètement changé ma relation avec l’argent ! J’en suis devenue consciemment responsable. Moi qui craignais de faire mes comptes, voilà que je vérifie mon solde bancaire chaque jour en ligne, même si le résultat ne me plaît pas toujours. Et chaque dimanche, je planifie mes dépenses de la semaine à venir en considérant les revenus que je vais recevoir.
C’est sûr qu’en ce moment, j’en suis plus à économiser pour me créer un fonds d’urgence que pour séjourner en Irlande. Mais au fur et à mesure que mon besoin de sécurité sera satisfait, je pourrai choisir d’épargner pour un projet plus exaltant, comme un long voyage, la création de mon propre site Web ou… l’adoption d’un sixième chat (ben non, c’est une blague !).
Je n’irais pas jusqu’à dire que j’ai un plaisir fou à me livrer à ces exercices, mais ça me procure un profond sentiment d’empowerment. Je me sens davantage en contrôle de ma vie. Je n’en fais toutefois pas une fixation: si je dépense trop une semaine, je corrige la situation la semaine suivante. C’est un apprentissage constant, qui me permet de réfléchir à ma (sur) consommation, à mes valeurs, à mes besoins et à mes désirs. Pas mal, pour un petit fichier Excel !
Par où commencer ?
DRESSER UN PORTRAIT DE NOS FINANCES
La première étape consiste à connaître nos revenus et notre train de vie. Cette étape est généralement fastidieuse, surtout si, comme moi, on est plus dans le rouge que dans le vert, disons. On dresse d’abord la liste de nos actifs (comptes bancaires, placements, résidence, meubles, véhicule, œuvres d’art, etc.), desquels on déduit nos dettes (cartes et marge de crédit, prêt personnel, hypothèque, prêt auto, comptes à payer, etc.). On peut utiliser un calculateur en ligne pour nous aider.
ÉTABLIR UN BUDGET
Impossible d’y échapper si on veut savoir où va notre argent et pouvoir ensuite ajuster le tir. On commence par choisir un modèle simple qui nous plaît, comme celui offert sur le site de l’autrice et blogueuse Béatrice Bernard-Poulin. On peut aussi en trouver sur la plateforme Etsy. «On suit à la trace nos dépenses pendant un à trois mois en notant tout, tout, tout dans un carnet ou sur notre téléphone», explique Béatrice. On se pose ensuite les questions suivantes pour choisir ce qu’on va garder ou supprimer de notre budget, et on le révise régulièrement: Puis-je vivre sans cette dépense? Puis-je me la permettre? Qu’est-ce qui me pousse à acheter cet article?
CLASSER NOS DOCUMENTS FINANCIERS
Aïe! Oui, c’est souffrant. On prévoit du temps pour venir à bout de cette tâche, et on ne fait pas le ménage de nos tiroirs en même temps. On procède par catégorie (relevés bancaires, factures de services publics, contrats, reçus importants), puis on élimine ce qui peut l’être, par exemple les relevés bancaires, qu’on peut facilement télécharger en ligne.
S’INFORMER
L’Université McGill offre un cours de finances personnelles en ligne: mcgillfinancespersonnelles.com.
S’inscrire à L’année qui compte, un programme d’organisation et de gestion des priorités de nos finances créé par Béatrice Bernard-Poulin: aqc.bloguedebeatrice.com.
Pour entendre parler d’argent du point de vue d’une entrepreneure sur un ton zéro moralisateur : @iamjessicagirard.
DEMANDER DE L’AIDE
On n’attend pas que notre situation financière soit tordue comme la tour de Pise avant de consulter une conseillère en redressement financier ou un comptable qui pourra nous aider à voir la situation plus clairement.
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